L'Islam, un mode de vie

 

Beaucoup plus qu'une simple foi ou même qu'une attitude religieuse, l'Islam se caractérise par un ensemble de conduites et de comportements, individuels et collectifs. Depuis la révélation coranique, il s'agit de diriger toute la communauté, considérée comme la meilleure qui ait été suscitée pour servir de modèle à l'ensemble de l'humanité, dans la voie droite, ainsi que l'exprime la Fatiha, le liminaire du Coran, qui sert de prière quotidienne dans le monde musulman : Dirige-nous dans le chemin droit : le chemin de ceux que tu as comblés de bienfaits, non pas le chemin de ceux qui encourent ta colère ni celui des égarés.

La communauté islamique

Les musulmans font partie d'une seule mais grande communauté, appelée Umma , du terme arabe umm qui signifie : Mère. De races diverses, de nations différentes, ils se sentent solidaires les uns des autres, si bien que n'importe quel musulman se sentira toujours à l'aise dans n'importe quel pays islamique : il est un membre d'une grande communauté, formée par tous ceux qui se soumettent à la volonté du Dieu unique. Et si les prophètes qui ont précédé Mahomet, tels Moïse et Jésus, ont pu constituer des communautés importantes, il n'en reste pas moins vrai que la communauté de l'Umma est la réalisation parfaite et définitive de celle que ces envoyés de Dieu étaient chargés d'annoncer. Certes, il y a bien des conflits qui peuvent surgir, d'un point de vue politique, d'un point de vue social, ou même d'un point de vue racial, mais l'appartenance à la grande communauté islamique réside uniquement dans l'attestation de l'unicité de Dieu et de la réalité de la mission de son Prophète, Mahomet. Est considéré comme fidèle, comme croyant, celui qui professe la shahâda : J'atteste qu'il n'y a pas d'autre dieu qu'Allah et que Mahomet est l'envoyé d'Allah.

Celui qui confesse cette shahâda ne peut être exclu de la communauté, même s'il appartient à une des très nombreuses sectes qui sont nées des discussions relatives à la succession du Prophète, même s'il transgresse les prescriptions fondamentales de l'Islam, même s'il se comporte religieusement comme un véritable hypocrite. La réduction au minimum de l'énoncé dogmatique permet ainsi d'assurer un maximum de cohésion dans la religion et dans la fraternité sociale. Si c'est bien le témoignage de la foi qui fait le musulman, devant Dieu et devant les hommes, c'est dans l'appartenance à la Umma que le musulman prend totalement conscience de ce qu'il est véritablement.

Pour former cette communauté, il suffit que chaque membre s'engage, de lui-même, personnellement, à faire toujours valoir les droits de Dieu et les droits des hommes, selon ce qui est explicitement prescrit par le Livre saint du Coran.

Ces droits sont inscrits eux-mêmes dans les cinq piliers de l'Islam : la confession de foi, la prière rituelle, le jeûne de Ramadan, l'aumône légale et le pèlerinage à La Mekke. Toutes les pratiques religieuses rituelles visent à assurer cette parfaite cohésion de la communauté pour laquelle Dieu a fait descendre le Livre qui renferme toute vérité. Aussi la récitation du Coran, dans la langue unique de l'arabe, est-elle le premier élément de l'unité de l'ensemble du monde musulman. Même le converti non-arabe se doit, comme un véritable devoir religieux d'apprendre un minimum de cette langue officielle, afin de pouvoir prier avec tous ses frères et de réciter les versets du Coran dans la langue divine par laquelle ils ont été révélés au Prophète. De même, les autres obligations religieuses sont orientées vers la réalisation de la Communauté, jusque dans la communauté alimentaire, avec les interdits concernant la nourriture, et jusque dans la communauté de cimetières réservés aux seuls musulmans. La Umma se trouve même renforcée, alors que la foi personnelle peut être remise en question : c'est ainsi que dans certains pays islamiques, tous les actes humains, même ceux qui sont présentés par les moyens techniques modernes de l'audiovisuel, ne cessent d'être placés sous le signe de la sacralisation, par l'invocation Au nom de Dieu. Cependant, comme toutes les fois religieuses, l'Islam se trouve mis parfois en question par les jeunes générations qui ne veulent pas se laisser enferrées dans le cadre étroit de la tradition et qui se laissent ainsi tentées par le modernisme occidental ou par la grande efficacité du matérialisme... Néanmoins, ils sont peu nombreux ceux qui renient totalement leur appartenance à la Communauté des croyants : ils s'éprouvent toujours liés, au plus profond de leur être, à cette Umma avec laquelle ils sont solidaires, aussi bien à travers les siècles de l'histoire qu'à travers les différents pays du monde.

La solidarité, à l'intérieur de la grande Umma, s'effectue d'abord de manière négative, en ce sens qu'elle vise à établir une distinction entre les croyants et les infidèles.

Le Coran lui-même propose cette séparation de la communauté des autres hommes : Vous formez la meilleure communauté suscitée pour les hommes : vous ordonnez ce qui est convenable, vous interdisez ce qui est blâmable, vous croyez en Dieu. Si les gens du Livre croyaient, ce serait meilleur pour eux. Parmi eu se trouvent des croyants, mais la plupart d'entre eux sont pervers... O vous qui croyez ! n'établissez : des liens d'amitié qu'entre vous, les autres ne manqueront pas de vous nuire ; ils veulent votre perte ; la haine se manifeste dans leurs bouches mais ce qui est caché dans leurs coeurs est pire encore (Sourate II, 110...118).

A l'heure actuelle, s'il n'existe plus de calife, plus de successeur officiel du Prophète, les différents congrès panislamiques ne cessent de rappeler l'unité de la communauté, et la conscience d'appartenir à cette Umma internationale reste très vivante dans le coeur des fidèles. Ceci se manifeste dans la solidarité qui lie les musulmans entre eux, du plus riche au plus pauvre, du plus savant à l'illettré, même si cela est moins apparent là où les gouvernements d'Etat ont pris le relais dans l'expression de cette solidarité. Il n'est pas étonnant non plus de voir jouer la solidarité entre les États : ce qui atteint un groupe musulman quelconque est immédiatement ressenti comme atteignant la Communauté tout entière. En cas de conflit avec des non-musulmans, la cause particulière fait naître aussitôt une cause universelle. C'est, par exemple, le cas dans le conflit qui ait régulièrement les États arabes contre l'Etat juif d'Israël.

Unifiée en elle-même, l'Umma se trouve placée en face d'autres hommes qui ne partagent pas la foi islamique : il existe une séparation très nette entre les membres de la communauté et ceux qui n'en font pas partie. Les musulmans constituent un peuple séparé des autres, étant le seul peuple détenant l'entière vérité révélée par Dieu lui-même : devant les autres hommes, la communauté doit affirmer sus relâche l'unicité absolue de Dieu et se préserver des souillures et des perversions qui ont été apportées aux révélations antérieures au Prophète. Il faut reconnaître que ce séparatisme a sérieusement desservi la cause de l'Islam, au cours des siècles : l'intolérance à l'égard de ceux qui ne proclamaient pas la shahâda entraînait rapidement l'application de la guerre sainte, par des moyens armés. Certes, il est possible de trouver dans le Coran des versets qui justifieraient une telle intolérance : les autres ne marqueront pas de vous nuire, la haine se manifeste dans leurs bouches... Mais il ne manque pas de versets qui préconisent une ouverture d'esprit aux autres religions révélées, dont les fidèles sont désignés sous le nom des gens du livre, et plus particulièrement are ouverture aux chrétiens : Tu constateras que les hommes les plus proches des croyants par l'amitié sont ceux qui disent : Oui, nous sommes chrétiens !, parce que parmi eux on trouve des prêtres et des moines qui ne s'enflent pas d'orgueil (Sourate V, 51). Et si, pendant des siècles, il y eut une grande incompréhension entre les musulmans et les chrétiens, une plus large place est accordée maintenant à la rencontre et au dialogue, dans l'affirmation d'une même foi monothéiste.

Le calendrier musulman

La communauté se trouve encore renforcée par l'utilisation d'un calendrier spécial, calculé sur les mois lunaires. Le mois lunaire correspond à l'intervalle de temps qui sépare deux nouvelles lunes consécutives ; l'année lunaire est alors formée de trois cent cinquante quatre jours, répartis en mois de vingt-neuf ou de trente jours, elle se trouve ainsi en avance de onze jours par an sur l'année solaire. Pour que le début du mois coïncide toujours avec la nouvelle lune, on ajoute pour chaque période de trente ans une journée aux années 2, 5, 7, 10, 13, 16, 18, 21, 24, 26 et 29, qui sont appelées années abondantes. De la sorte, trente quatre années musulmanes correspondent à trente-trois années du calendrier grégorien. Le début de l'année passe aussi rapidement par chacune des saisons, parcourant une année solaire en trente quatre années du calendrier musulman.

Les différents mois de l'année sont :

1) Moharram

2) çafar

3) Rabî I

4) Rabî II

5) Jomadâ I

6) Jomadâ II

7) Rajab

8) Chaban

9) Ramadan

10) Chawwâl

11) Dhoulquida

12) Dhoulhijja

Ce calendrier règle essentiellement la vie religieuse. Dans les États modernes, on utilise de plus en plus le calendrier solaire, pour régler toutes les questions administratives ou économiques. Il faut encore signaler que ce calendrier fut mis au point sous le califat d'Omar, qui prit comme point de départ de l'ère musulmane, l'émigration de Mahomet, l'Hégire de La Mekke à Médine. Cette émigration eut lieu le 20 Septembre 622, le lundi 12 de Rabî I, mais Omar ne choisit pas cette date comme premier jour de l'année, il préféra prendre le premier du premier mois, c'est-à-dire le vendredi 1er Moharram, qui correspondait au 16 juillet 622.

En utilisant ce calendrier, qui est commun à tous les musulmans du monde, ceux-ci ont conscience de participer à une même communauté religieuse, qui est entrée dans l'histoire, grâce au Prophète qui inaugurait une ère nouvelle.

Pratiques rituelles dans la vie courante

Ne disposant ni d'un sacerdoce ni d'une hiérarchie l'Islam ne compte pas de sacrements comme peut en compter le christianisme. Toutes les manifestations de ce qui peut être considéré comme un culte ne prennent leur valeur religieuse que si elles sont accomplies avec l'intention de les faire avec une intention droite, dans l'esprit de l'Islam, pour la gloire du nom de Dieu. Néanmoins, il faut reconnaître que l'Islam accorde une très grande importance aux actes extérieurs et particulièrement aux comportements rituels, définis avec précision dans le cadre des piliers de la religion, de telle manière que, vue de l'extérieur, la vie religieuse parait devenir une conduite entièrement mécanique ou formaliste, même si elle garde toute sa dignité ; un tel jugement oublierait la définition même des actes humains qui n'ont de valeur que d'après l'intention.

La vie quotidienne du musulman semble rythmée par des pratiques qui apparaissent très contraignantes aux yeux des Occidentaux, qui ne sont que très rarement mystiques ou même simplement pratiquants d'une religion... Le sens de la présence continuelle de Dieu, accompagné du sens de la dépendance de l'homme à l'égard de ce Dieu, remplit la vie du véritable croyant : tous ses actes doivent manifester son attitude de soumission et sa foi en la présence divine, exprimée dans la shahâda, laquelle rythme la journée du musulman comme elle rythme son existence, dès qu'il atteint l'âge du discernement.

En effet, chaque musulman doit attester quotidiennement de sa foi : J'atteste qu'il n'y a pas d'autre dieu qu'Allah et que Mahomet est l'envoyé d'Allah. Et, comme il n'existe aucun rite pour signifier l'entrée dans la communauté, c'est cette formule, murmurée à l'oreille droite, puis à l'oreille gauche du nouveau-né, qui le fait devenir un authentique musulman.

Ainsi, dès son plus jeune âge, l'enfant est intégré dans la grande famille de l'Islam. Naturellement, toute naissance est une fête, surtout la naissance d'un fils, qui pourra perpétuer la tradition patriarcale ; mais le Coran a condamné et interdit la pratique ancienne d'enterrer vivante les filles aussitôt après leur venue au monde. Cette fête familiale se marque par deux petits rites : d'abord, la prière murmurée aux oreilles de l'enfant qui vient de naître pour le constituer en un fidèle musulman, ensuite, le sacrifice de la chevelure du nouveau-né, en signe de purification et d'appartenance à Dieu.

Dans les pays d'Islam, mais plus particulièrement si la situation de fortune familiale le permet, la naissance est aussi marquée par le sacrifice d'un mouton, dont une partie est destinée aux pauvres. C'est la pratique du méchoui , signe de réjouissance familiale, parce que toute naissance doit être considérée comme are fête, l'idéal d'un couple étant d'être fécond : la finalité du mariage, en Islam, est la procréation des enfants, c'est un devoir pour les croyants. La tradition musulmane prescrit également le rite de la circoncision : celle-ci a lieu le septième jour de la vie des garçons ou à l'âge de sept ans. L'enfant reçoit alors un nom, constitué principalement par un prénom auquel s'ajoute celui du père : à ce nom de naissance, on adjoindra parfois des surnoms honorifiques, pour souligner l'origine ethnique ou la profession exercée. L'éducation religieuse s'inscrit comme un devoir universel, aussi bien pour les garçons que pour les filles : elle commence à l'âge de quatre ans, et elle est généralement inaugurée par les grands-parents, avant que l'enfant, surtout s'il s'agit d'un garçon, ne soit confié, à l'âge de sept ans, à une école coranique. Jadis, le Coran constituait la seule base de l'enseignement qui était donné aux jeunes croyants, maintenant, seuls, les établissements d'enseignement primaire portent ce nom, tandis que les établissements d'enseignement supérieur prennent le qualificatif de théologique. Ceci manifeste clairement que l'enseignement qui est donné aux musulmans, même s'il est comparable et même identique à la formation que peuvent recevoir des non-musulmans, se fonde essentiellement sur le message coranique, qui permet d'interpréter toutes les réalités du monde. Toute matière d'enseignement peut se comprendre en prenant appui sur la révélation même de Dieu. C'est la raison pour laquelle l'éducation apparaît comme un véritable devoir religieux. Tous, quelle que soit la situation de fortune familiale, peuvent et doivent recevoir cette éducation musulmane, qui est entièrement gratuite. Dans les écoles coraniques, un des premiers objets d'enseignement est la prière, qui est obligatoire pour tous les enfants d'âge scolaire. Cet apprentissage de la prière s'accompagne presque nécessairement par l'étude et la récitation du Coran, dont la lecture assidue restera une constante tout au long de la vie du croyant. La majorité légale est fixée à l'âge de quinze ans pour les filles et de dix-huit ans pour les garçons. C'est cet âge qui est également reconnu comme celui du mariage.

Le mariage est une occasion solennelle dans la vie du musulman qui peut rendre grâce à Dieu pour ses innombrables bienfaits. Contrairement à ce que l'on pense habituellement, le Coran n'a pas favorisé la polygamie, il a essayé de la réglementer, en conseillant aux croyants de n'avoir qu'une seule femme, tout en admettant qu'ils puissent en avoir quatre, dans la mesure où ils peuvent les nourrir, les faire vivre et les aimer de manière parfaitement équitable. Épousez, comme il vous plaire, deux, trois ou quatre femmes. Mais si vous craignez de n'être pas équitables, prenez une seule femme ou vos captives de guerre. Cela vaut mieux pour vous que de ne pas pouvoir subvenir aux besoins d'une famille nombreuse (Sourate IV, 3). En plus de ses épouses légitimes, le mari peut prendre parmi ses esclaves autant de concubines qu'il lui plaît ; mais il lui est fait un devoir de cohabiter avec elles et d'avoir avec elles des rapports sexuels normaux : l'égalité entre les épouses et les concubines est une règle absolument obligatoire. Aussi faut-il être particulièrement riche pour entretenir un harem... lequel n'existe maintenant plus que dans les visions plus ou moins imaginaires des sociétés musulmanes. Le mariage se compose d'un contrat, reposant sur le versement au père de la fille d'are certaine somme d'argent (une sorte de dot qui sera remboursée en totalité en cas de répudiation, et en partie seulement en cas de divorce) et d'une constatation régulière du consentement des deux parties : la volonté de s'unir dans le mariage doit être affirmée en présence de deux témoins musulmans. Au départ, il n'y avait pas de cérémonies particulières pour le mariage, qui n'a pas lieu nécessairement à la mosquée, pour la seule raison que le mariage n'est pas considéré comme un sacrement comme dans la religion catholique : le mariage est simplement un acte civil, qui ne revêt pas de caractère sacré et indissoluble. Ultérieurement, des cérémonies sont venues entourer le mariage, cérémonies destinées à conjurer les influences néfastes qui pourraient se manifester notamment lors du passage de l'état de célibat à celui du mariage. A l'occasion de cette union, le marié est tenu, à l'imitation du Prophète, d'offrir un repas, plus ou moins important selon ses moyens, invitant aussi bien les riches que les pauvres, ne témoignant aucune préférence à l'égard de l'un ou de l'autre, tous ses hôtes sont égaux devant Dieu, tous ses hôtes sont égaux à sa table. Il est interdit aux musulmans d'épouser des femmes polythéistes, mais il leur est quand même permis de prendre femme parmi les filles des gens du Livre , c'est-à-dire chez les juifs ou chez les chrétiens ; en revanche, il est interdit aux musulmanes de prendre pour époux un non-musulman. En effet, si le musulman est capable de respecter les religions révélées, et donc de respecter la foi de son épouse non-musulmane, il n'est absolument pas certain qu'un juif ou qu'un chrétien respecteront la foi de leur épouse musulmane : au contraire, ils n'auront de cesse de la voir se convertir à leur propre religion. Déjà, par cette simple interdiction, on perçoit que, quoi qu'en disent certains musulmans, il n'existe pas une égalité absolue entre l'homme et la femme dans le régime de l'Islam : la femme n'a pas les mêmes droits que l'homme, qui a toute autorité sur sa ou ses épouses, même s'il les vénère et s'il les aime, à l'exemple de Mahomet qui a beaucoup aimé les femmes. Il est vrai que c'est l'attitude du Prophète qui a régi la civilisation musulmane, notamment dans ce contexte du comportement des hommes vis-à-vis de leurs épouses. Dès l'origine, l'Islam a respecté la femme et lui a accordé des droits, mais aussi des devoirs, comme aux hommes : c'est ainsi que Mahomet décréta le droit des femmes à l'héritage (une demi-part), au témoignage devant les tribunaux, bien que celui-ci ne vaille que la moitié de celui un homme, qu'il promit le paradis aux mères de familles... En principe, les femmes peuvent exercer les mêmes professions que leurs maris, étant également soumises à l'impôt et à l'obligation de l'aumône. D'ailleurs, la vie rituelle de prière leur accorde une place, même si, à la mosquée, une pièce à part leur est réservée pour la prière - en effet, pendant que l'homme est en prière, rien ne doit venir le déranger de son union avec Dieu ; elles sont aussi tenues au jeûne de Ramadan, même si des assouplissements sont prévus pour elles pendant les périodes menstruelles ou à l'occasion d'une maternité.

Trois modes de rupture du mariage sont admis par la législation musulmane. Tout d'abord, l'annulation du mariage peut être prononcée par un cadi, par un juge musulman, sur la demande du mari ou de la femme, pour un motif grave d'un côté comme de l'autre. Ensuite, le divorce par consentement mutuel, lorsque la cohabitation entre les époux a cessé, par exemple. Enfin, la répudiation unilatérale, prononcée par le mari, si son mariage n'est pas fécond, en raison de la stérilité féminine. Cette répudiation peut être temporaire ou définitive, si elle a été prononcée trois fois. En cas de répudiation ou de divorce, le montant de la dot devra être intégralement ou partiellement restitué à l'épouse.

En ce qui concerne les rites funéraires, il convient de souligner, une fois de plus, que l'Islam croit ferrement que la mort débouche sur une autre vie qui ne fait d'ailleurs que prolonger la vie présente : tout ce que le croyant a fait, tout ce qu'il a pensé, subsiste pour toujours. Après le décès, quel que soit le membre de la communauté qui vient de trépasser, un service religieux se célèbre en présence du corps, l'objet principal de ce service étant de tourner la face du mort dans la direction de La Mekke (c'est aussi dans cette position qu'il reposera dans sa tombe). Commence alors la toilette funèbre, qui est une purification du corps qui va se présenter devant Dieu ; si le mort est un martyr ou un homme tombé au combat pour la défense de la foi islamique, il ne sera pas lavé, puisqu'il a déjà été purifié par son propre sang. Le corps est alors enveloppé dans un linceul blanc, souvent le vêtement du pèlerinage, pour celui qui a effectué le grand pèlerinage de La Mekke. C'est dans un linceul comparable que sont ensevelis les riches et les pauvres, les puissants et les misérables, car tous sont égaux devant la mort. L'office religieux peut simplement rassembler quelques musulmans, sans qu'il soit absolument nécessaire de passer par la mosquée. Il s'agit simplement de prier, c'est-à-dire de proclamer la grandeur et la miséricorde de Dieu, tout en lui demandant de prendre pitié de celui qui vient de mourir, et qui tout au long de sa vie avait proclamé la Shahâda que l'on a récitée à sa place au moment même de sa mort. La prière varie selon les écoles et les sectes islamiques, mais elle comporte obligatoirement quatre takbirs : Allah est grand ! Allah Akbar !.

Le rite chiite est le plus développé, en ce qui concerne la prière funèbre : Allah est grand : j'atteste qu'il n'y a pas d'autre Dieu qu'Allah et que Mahomet est l'envoyé d'Allah. Allah est grand : ô Dieu, bénis Mahomet et sa famille. Allah est grand : ô Dieu, pardonne les péchés des croyants et des croyantes. Allah est grand : ô Dieu pardonne les péchés de ce mort. La civière, sur laquelle repose le mort, est conduite jusqu'au cimetière, précédant le cortège qui répète, de manière litanique la shahâda. Puis, le corps est déposé dans la tombe, couché sur le côté droit, le visage tourné dans la direction de La Mekke. C'est alors le moment d'une dernière prière : Au nom d'Allah. Selon la religion du Prophète d'Allah : ô Dieu, que sa tombe lui soit large. Fais que ce mort rejoigne son Prophète. O Dieu, s'il était un homme de bien, augmente ses bienfaits ; s'il avait mal agi, pardonne-lui, aie pitié de lui et remets-lui tous ses péchés ! . Il est enfin recommande de réciter une dernière fois la Fatiha, la prière liminaire, qui ouvre le Coran.

La succession des défunts

Le Coran impose à tous les croyants l'obligation de faire un testament en faveur de ses parents ou de ses proches. Ce testament sera effectué en présence de deux témoins. Voici ce qui vous est prescrit : quand la mort se présente à l'un de vous, si celui-ci laisse des biens, il doit faire un testament en faveur de ses père et mère, de ses parents les plus proches, conformément à l'usage. C'est un devoir pour ceux qui craignent Dieu. Le péché de celui qui altère un testament, après l'avoir entendu, ne sera imputé qu'à ceux qui l'altèrent : Dieu entend, il sait et voit tout ! Celui qui rétablit la concorde entre les héritiers, par crainte d'une injustice ou d'un péché imputable au testateur, ne commet pas de faute : Dieu est celui qui pardonne, il est Miséricordieux (Sourate II, 180-182). Les deux témoins du testateur seront choisis parmi les hommes les plus intègres : O vous qui croyez ! Quand la mort se présente à l'un de vous, deux hommes intègres choisis parmi les vôtres, seront appelés comme témoins au moment du testament - ou bien deux étrangers, si vous êtes en voyage et que la calamité de la mort vous surprenne - vous retiendrez ces deux témoins après la prière. Si vous n'êtes pas sûrs d'eux, vous les ferez jurer par Dieu : Nous ne ferons pas argent de cela, même au bénéfice d'un proche. Nous ne cacherons pas le témoignage de Dieu, car nous serions alors au nombre des pécheurs. Si l'on découvre que ces deux témoins sont coupables de péché, deux autres plus intègres, parmi ceux auxquels le tort a été fait, prendront leur place. Tous deux jureront par Dieu : oui, notre témoignage est plus sincère que celui des deux autres. Nous ne sommes pas transgresseurs, car nous serions, alors, au nombre des injustes. Il sera ainsi plus facile d'obtenir que les hommes rendent un témoignage vrai ou qu'ils craignent de voir récuser leurs serments après qu'ils les auront prononcés (V, 106-108). Des règles précises ont été constituées par Mahomet lui-même à propos des successions, précisant comment les biens laissés devront être répartis entre les héritiers : une longue séquence de la sourate IV exprime les réglementations de la succession.

Remettez aux hommes une part de ce que leurs parents et leurs proches ont laissé, et aux femmes, une par de ce que leurs parents et leurs proches ont laissé, que cela représente peu ou beaucoup : c'est une part déterminée. Attribuez aussi une part aux proches, aux orphelins et aux pauvres lorsqu'ils assistent au partage, et adressez-leur des paroles convenables Ceux qui laisseraient après eux une postérité sans ressources et qui seraient inquiets à leur sujet, recourront à Dieu avec crainte et piété et ils prononceront une parole juste. Ceux qui dévorent injustement les biens des orphelins avalent du feu dans leurs entrailles. Ils tomberont bientôt dus le 3rasier. Quant à vos enfants, Dieu vous ordonne d'attribuer au garçon une part égale à celle de deux filles. Si les filles sont plus de deux, les deux tiers de l'héritage leur reviendront ; s'il n'y en a qu'une, la moitié lui appartiendra. Si le défunt a laissé un fils, un sixième de l'héritage reviendra à ses père et mère. S'il n'a pas d'enfants et que ses parents héritent de lui, le tiers reviendra à sa mère. S'il a des frères, le sixième reviendra à sa mère, après que ses legs ou ses dettes auront été acquittés. Vous ignorez si ce sont vos descendants ou vos ascendants qui vous sont le plus utiles. Telle est l'obligation imposée par Dieu : Dieu est celui qui sait, il est Juste. Si vos épouses n'ont pas d'enfants, la moitié de ce qu'elles vous ont laissé vous revient. Si elles ont un enfant, le quart de ce qu'elles vous ont laissé vous revient, après que leurs legs ou leurs dettes auront été acquittés. Si vous n'avez pas d'enfants, le quart de ce que vous avez laissé reviendra à vos épouses. Si vous avez un enfant, le huitième de ce que vous avez laissé leur appartient, après que vos legs ou vos dettes auront été acquittés. Quand un homme ou une femme, n'ayant ni parents, ni enfants laisse un héritage, s'il a un frère ou une soeur, le sixième en reviendra à chacun d'eux. S'ils sont plusieurs, ils se répartiront le tiers de l'héritage, après que ses legs ou ses dettes auront été acquittés, sans préjudice pour quiconque. Tel est le commandement de Dieu. Dieu est celui qui sait et il est plein de mansuétude (IV, 7-12). De cette manière, la possibilité de tester se trouve particulièrement réduite, puisque le maximum dont on puisse disposer librement est d'un tiers de la succession, qui ne peut d'ailleurs être attribué qu'à des musulmans.

Autres aspects de la législation islamique

Un certain nombre de règles concernent les esclaves, même si l'esclavage se trouve officiellement aboli dans tous les pays du monde musulman : jadis, les esclaves complétaient normalement l'organisation de la famille, et le Coran a maintenu cette pratique, tout en légiférant sur le statut des esclaves et en recommandant leur affranchissement comme un acte de piété. L'esclave apparaissait comme un bien semblable à tous les autres : il pouvait être acquis et transmis comme un bien matériel : s'il épousait une esclave, ses enfants partageaient la même condition que lui et son épouse ; une femme esclave pouvait devenir la concubine de son maître, à condition que celui-ci l'affranchisse et lui reconnaisse encore des droits supplémentaires à la naissance d'un enfant. Le Coran se montrait très strict sur les droits des esclaves, surtout s'ils étaient eux-mêmes musulmans. Rédigez un contrat d'affranchissement pour ceux de vos esclaves qui le désirent, si vous reconnaissez en eux des qualités et donnez-leur des biens que Dieu vous a accordés. Ne forcez pas vos femmes esclaves à se prostituer pour vous procurer les biens de la vie de ce monde, alors qu'elles voudraient rester honnêtes. Mais si quelqu'un les y contraignait... Quand elles ont été contraintes, Dieu est celui qui pardonne, il est Miséricordieux (Sourate XXIV, 33). Aussi, dans les familles musulmanes, l'esclave était-il généralement bien traité et acceptait-il, lors de son affranchissement, même s'il se rachetait lui-même en versant à son maître une somme d'argent fixée à l'avance, de rester attaché à la tribu de son maître.

Dans la vie courante, le musulman se trouve aussi soumis à toute une série d'interdits alimentaires. Ceux-ci ont été définis dans le Coran et demeurent valables pour les fidèles. La chair des animaux comestibles est interdite si la bête a été immolée pour un culte différent de celui du Dieu unique, ou si elle est morte de mort naturelle, car elle n'a pas été saignée, et la consommation du sang est strictement interdite : O vous qui croyez ! Mangez de ces bonnes choses que nous vous avons accordées ; remerciez Dieu, si c'est lui que vous adorez. Dieu vous a seulement interdit la bête morte, le sang, la viande de porc et tout animal sur lequel on aura invoqué un autre nom que celui de Dieu (Sourate II, 172-173). Et dans la sourate qui porte le nom de la table servie, on retrouve ces mêmes interdictions plus détaillées : O vous qui croyez ! respectez vos engagements. Les bêtes des troupeaux vous sont permises, à l'exception de celles qui vous ont été énumérées... Voici ce qui vous est interdit : la bête morte, le sang, la viande de porc, ce qui a été immolé à un autre que Dieu, la bête étouffée, ou morte à la suite d'un coup, ou morte d'une chute, ou morte d'un coup de corne, ou celle qu'un fauve a dévorée, sauf si vous avez eu le temps de l'égorger, ou celle qui a été immolée sur des pierres... A l'égard de celui qui, durant une famine, serait contraint de consommer des aliments interdits, sans vouloir commettre le péché, Dieu est celui qui pardonne, il est Miséricordieux. Ils te demandent ce qui leur est permis, dis : Les bonnes choses vous sont permises. Vous pourrez manger après avoir invoqué sur elles le nom de Dieu, les proies saisies pour vous par les animaux que vous avez dressés comme des chiens de chasse, d'après ce que Dieu vous a enseigné. Craignez Dieu ! Dieu est prompt dans ses comptes. Aujourd'hui, les bonnes choses vous sont permises. La nourriture de ceux auxquels le Livre a été donné vous est permise et votre nourriture leur est permise (V, 1...5). Ainsi, la communauté de table est autorisée avec les juifs et les chrétiens, mais la tradition précise qu'au moment de la consommation de nourriture chez les gens du Livre , il convient de prononcer une formule rituelle : Au nom du Dieu grand , formule à l'aide de laquelle les animaux sont égorgés chez les musulmans. Certains animaux sont considérés comme illicites : la consommation de leur chair n'est pas permise ; tels sont : le porc, les bêtes féroces, les rapaces, les chiens, les ânes et les mulets domestiques... Ces animaux ne sont pas considérés comme impurs en eux-mêmes, à l'exception du porc qui est déclaré tel dus le Coran. Naturellement, des cas de force majeure, comme la famine ou l'absolue contrainte peuvent annuler ces interdits.

Certaines boissons sont interdites, essentiellement toutes les boissons fermentées, qu'elles soient extraites des raisins, des dattes ou qu'elles soient extraites des céréales : O vous qui croyez ! Le vin, le jeu de hasard, les pierres dressées sont une abomination et une oeuvre du démon. Evitez-les. Satan veut susciter parmi vous l'hostilité et la haine au moyen du vin et du jeu de hasard. Il veut ainsi vous détourner du souvenir de Dieu et de la prière. Ne vous abstiendrez-vous pas ? (Sourate V, 90-9l). En proscrivant le vin, et par lui toutes les boissons enivrantes, Mahomet réagissait vivement contre tous les abus qui pouvaient détourner les hommes de son époque du véritable culte qu'il fallait rendre à Dieu seul : la vie de la communauté elle-même pouvait être perturbée par l'usage de ces boissons.

La législation coranique prévoyait également la semi-claustration des femmes et le port du voile. Celui-ci a sans doute été porté, à l'origine, pour des conditions climatiques aussi bien par les juives et les chrétiennes que par les musulmanes ; puis le Coran a estimé que le port de ce voile devait être conseillé pour des raisons de pudeur, afin de protéger les femmes des regards indiscrets. Dis aux croyants de baisser leurs regards, d'être chastes. Ce sera plus pu pour eux. Dis aux croyantes de baisser leurs regards, d'être chastes, de ne montrer que de l'extérieur leurs atours, de rabattre leurs voiles sur leurs poitrines, de ne montrer leurs atours qu'à leurs époux... Dis leur encore de ne pas frapper le sol de leurs pieds pour montrer leurs atours cachés (Sourate XXIV, 30-31) ; ou encore : O Prophète, dis à tes épouses, à tes filles et aux femmes des croyants de se couvrir de leurs voiles, c'est pour elles le meilleur moyen de se faire reconnaître et de ne pas être offensées (Sourate XXXII, 59). Actuellement encore, la plupart des femmes musulmanes continuent de porter le voile, comme un signe de reconnaissance : elles veulent vivre dans l'attitude pudique et modeste qui convient aux croyantes. Quant à l'abandon du voile, il correspond très souvent à des nécessités économiques beaucoup plus qu'à des convictions religieuses.

Enfin, la loi musulmane prévoit un certain nombre de pénalités dans les relations entre les hommes et les femmes. Le Coran visait déjà à ce que les femmes soient toujours respectées, et non pas à ce qu'elles soient considérées comme de simples esclaves des désirs des hommes. Il est formellement interdit de calomnier une femme ; et, pour qu'un adultère soit dûment constater, il faut recourir au témoignage de quatre musulmans, qui sont obligés d'apporter la preuve de ce qu'ils ont vu. Il faut dire que toute épouse coupable d'adultère peut être condamnée à mort, par lapidation ; aussi quiconque voudrait salir la réputation d'une femme se voit-il sévèrement puni, s'il ne peut apporter de preuves tangibles de son affirmation. Appelez quatre témoins que vous choisirez contre celles de vos femmes qui ont commis une action infâme. S'ils témoignent, enfermez les coupables jusqu'à leur mort, dans les maisons, à moins que Dieu ne leur offre un moyen de salut... Admonestez celles dont vous craignez l'infidélité, reléguez-les dans des chambres à part et frappez-les. Mais ne leur cherchez plus querelle, si elles vous obéissent (Sourate IV, 15 et 34). Il est souvent question, dans le Livre sacré de l'Islam, des fornicateurs et de la fornication, invitant les croyants à n'éprouver aucune pitié pour ceux qui se conduisent comme des débauchés, oubliant ainsi leur foi en Dieu : Frappez le débauché et la débauchée de cent coups de fouet chacun. N'usez d'aucune indulgence envers eux, afin de respecter la religion de Dieu ; un groupe de croyants sera témoin de leur châtiment. Le débauché n'épousera qu'une débauchée ou une polythéiste ; la débauchée n'épousera qu'un débauché ou un polythéiste - cela est interdit aux croyants. Frappez de quatre-vingt coups de fouet ceux qui accusent les femmes honnêtes, sans pouvoir désigner quatre témoins, et n'acceptez plus jamais leur témoignage... Dieu vous exhorte à ne jamais plus commettre une chose semblable, si vous êtes croyants. Ceux qui aiment que la turpitude se répande parmi les croyants subiront un châtiment douloureux en ce monde et dans la vie future... Ceux qui calomnient des femmes honnêtes, insouciantes et croyantes seront maudits en ce monde, et dans la vie future, ils subiront un terrible châtiment, le jour où leurs langues, leurs mains et leurs pieds témoigneront contre eux sur ce qu'ils ont fait (Sourate XXIV, 4...24). Il apparaît ainsi que le vice, sous toutes ses formes, particulièrement celui de l'homme et de la femme adultères, mais aussi des autres perversions sexuelles, comme l'onanisme, la bestialité, ou l'homosexualité... est vivement condamné par le Coran lui-même.

Ce sont des pratiques qui peuvent avoir cours chez les païens ou chez les infidèles ; mais elles ne peuvent se manifester chez ceux qui craignent Dieu et qui attendent son jugement à la fin des temps. Toutefois, il ne faudrait pas faire une exégèse trop sévère de ces textes, pour en conclure à une sorte de tabou sexuel dans la religion musulmane. A la différence des religions chrétiennes, l'Islam s'est entièrement libéré de tout tabou d'ordre sexuel dans la relation qui peut et qui doit exister entre les époux ou entre les concubins. Il est légitime et fortement recommandé d'entretenir des relations sexuelles avec ses épouses et concubines, non seulement en vue de la procréation, mais aussi pour le plaisir du couple.

Ce qui est interdit, c'est la licence, la débauche que les hommes ou les femmes peuvent entretenir entre eux : le plaisir n'est pas un péché, mais il sert à la plus grande gloire de Dieu, encore faut-il qu'il ne soit pas détourné vers des fins illégitimes.

Le droit dans la cité

La société musulmane est une théocratie, puisque c'est Dieu lui-même qui la dirige, selon les principes énoncés dans le Coran ; elle est une théocratie laïque, car elle ne connaît aucun sacerdoce, aucune hiérarchie proprement religieuse ; et sa dominante est l'égalitarisme : tous les musulmans, tous les croyants sont égaux, ils sont comme des frères. Aussi, en principe, l'exercice du droit revient-il, non pas à des institutions, mais à tout fidèle, qui a une connaissance suffisante de la Loi coranique. Dans ses origines la communauté musulmane s'en remit le plus souvent à son chef comme à l'autorité légitime : le Prophète, qui était l'envoyé de Dieu sur la terre, puis à ses représentants, les califes, les lieutenants du Prophète, après la disparition de celui-ci.

Toutefois, une difficulté se vit jour très rapidement, dans le monde islamique, à propos du choix de ces vicaires du Prophète : aucune règle n'avait prévu la manière de désigner celui qui serait le représentant de l'autorité divine, ni les prérogatives de sa charge, de sa fonction, de sa mission. Selon l'Islam sunnite, le calife ne peut détenir aucun pouvoir spirituel : le calife ne saurait être présenté comme le pape de la communauté musulmane, ainsi que le désignait trop souvent l'Europe, au moment de l'expansion de l'Islam, dans ses premières générations. Toujours selon cette même tradition, il ne pouvait pas davantage détenir de pouvoir législatif, puisque tout ce pouvoir appartenait au seul Coran, ni de pouvoir judiciaire, puisque chacun des croyants était habilité par le Livre sacré à exercer lui-même ce pouvoir. De la sorte, le seul pouvoir du calife, dans l'optique sunnite, était purement exécutif : le Commandeur des croyants, ainsi que l'on désignait le calife, était d'abord un imam, celui qui pouvait diriger la prière, puis un chef temporel chargé de faire respecter la Loi coranique, qui recouvrait les domaines religieux sociaux et politiques. Au nom de tous les croyants, il devait veiller à l'application de tous les principes de la législation, en exerçant la charge de la commanderie du bien : plus que tout autre musulman, il devait être celui qui commande le bien et qui interdit le mal. C'est dans le mode de désignation de ces Commandeurs des croyants qu'intervient la rupture entre le sunnisme et le chiisme. Le chiisme tenait à ce que le pouvoir des califes demeure aux mains de ceux qui appartenaient à la descendance même du Prophète, par l'intermédiaire d'Ali, à qui Mahomet aurait lui-même confié la charge de lui succéder, et qui désigne lui-même son successeur. Par privilège divin, selon la tradition sunnite, ces chefs des croyants disposaient de l'impeccabilité et de l'infaillibilité, de la même manière que tous les prophètes, envoyés de Dieu au milieu des hommes. Le calife devenait ainsi davantage un imam, un chef religieux, choisi parmi les hommes les plus sages de son temps. Selon le sunnisme, le calife n'apparaissait, en fait, que comme le premier fonctionnaire de la communauté sus avoir de grandes prérogatives religieuses, veillant seulement à faire respecter les droits de Dieu et les droits des hommes.

Avec l'extension de l'empire arabe, certains gouverneurs des provinces impériales se constituèrent en princes indépendants, prenant le titre de sultan et revendiquant ainsi are part du pouvoir temporel des califes. D'ailleurs, le principe du califat ne parvint pas à garder son unité.

Le pouvoir judiciaire se trouve placé entre les mains d'un cadi, qui exerce à la fois le rôle du juge et celui du notaire. Le tribunal est toujours formé par ce juge unique qui connaît en principe toutes les formes possibles de litiges pouvant intervenir entre les croyants : les droits du mariage et de la séparation des époux, les droits de successions, la défense des orphelins, la réglementation des différents contrats, et les châtiments qui peuvent être encourus par ceux qui auraient enfreint tel ou tel aspect de la législation.

Dans l'exercice de sa fonction judiciaire, le cadi est alors amené à faire appliquer le droit pénal. Ce droit pénal, défini par la Loi, reconnaissait six crimes : l'homicide, l'adultère, la fausse imputation d'adultère, le vol, l'usage du vin ou de toute boisson fermentée, le brigandage. Pour ces crimes, il existe une peine fixe que le cadi devait faire appliquer.

L'homicide volontaire, la peine encourue par le coupable est la mort, châtiment qui était appliqué par la famille de la victime sous le contrôle du juge ; dans certains cas, cette sanction peut être remplacée par le paiement d'une rançon.

C'est aussi le versement d'une rançon qui sanctionne l'homicide ou les blessures involontaires. L'adultère pouvait être puni également d'une peine de mort par lapidation ou par l'application de la flagellation (cent ou quatre-vingt coups de fouet) ; cette même sanction s'applique aussi à tous ceux qui font une fausse accusation d'adultère. Le vol était puni par l'ablation de la main droite, tandis que celui qui était reconnu coupable de brigandage était passible de la peine de mort, par crucifixion par exemple. En dehors de ces délits sanctionnés par une peine fixe, les délits considérés comme moins graves, non prévus par la Loi, étaient punis de peines laissées à la discrétion du juge.

A l'heure actuelle, le droit musulman n'est plus que le droit de la famille, dans la plupart des pays islamiques, qui ont adopté une législation civile calquée très souvent sur le modèle occidental. De nouveaux codes sont donc apparus pour régler les relations entre les citoyens ou les relations de l'Etat moderne avec les citoyens. En tout état de cause, les institutions et les coutumes, réglant la vie communautaire des croyants, même si elles ne sont plus toujours d'origine purement musulmane, demeurent néanmoins fortement imprégnées de l'esprit que le Coran a voulu instaurer dans les rapports entre croyants. Ainsi, le droit civil et pénal, dans les pays d'Islam, se présente comme un ensemble très complexe formé par la juxtaposition et l'interpénétration des législations canoniques et des dispositions civiles venues compléter ou nuancer, par une sorte de pratique de la jurisprudence, de type occidental. Il importe toujours que la justice soit rendue entre les hommes, afin que la voix de Dieu soit aussi entendue et respectée.