Les piliers de la foi islamique

 

La foi islamique repose sur une dogmatisation relativement simple du donné révélé dans le Coran, mais elle est structurée par l'accomplissement rituel des cinq obligations mentionnées précédemment, comme les piliers de la foi. La religion musulmane ne reconnaît aucune paternité divine par rapport aux hommes, comme peut le reconnaître le christianisme.

Dieu est toujours considéré comme le Seigneur et le Souverain maître de l'univers et de l'humanité ; en face de lui, le fidèle ne peut avoir qu'une seule attitude, celle de la soumission, et non pas celle de la filiation.

La shahâda, première obligation canonique

Le premier devoir de tout musulman, c'est de professer la foi islamique, telle qu'elle a pu être révélée au Prophète Mahomet, telle qu'elle a été enseignée dans le Livre saint du Coran, telle qu'elle a été explicitée par la première Tradition. C'est ainsi que la profession de foi musulmane, la fameuse shahâda, est une composition tirée du Coran et de la Tradition. La première partie de cette confession de foi il n'y a de Dieu qu'Allah revient très fréquemment dans le Coran, tandis que la seconde partie Mahomet est l'envoyé d'Allah a été ajoutée par la Tradition. Pour entrer dans la communauté de foi et dans la communauté de vie, il suffit au croyant de proférer cette shahâda, soit publiquement soit intérieurement, pourvu qu'il le fasse dans la sincérité de son coeur. Si, de plus, il obéit aux préceptes coraniques, il ne sortira plus jamais de cette communauté. Religieusement, il n'y aurait pas d'autre obligation que de professer la foi, et de la renouveler chaque jour au cours des prières rituelles. Il n'est pas besoin d'en savoir davantage : Dieu seul sait tout, il connaît le bien et le mal ; il suffit de se conformer à sa volonté pour suivre la voie droite et parvenir ainsi au bonheur paradisiaque.

Proclamer sincèrement la profession de foi islamique c'est reconnaître l'absolue unité et transcendance de Dieu, son éternité ainsi que sa toute-puissance. Cette croyance au Dieu unique est, pour les musulmans, ce qui caractérise leur religion par rapport à toutes les autres, à commencer par le christianisme qui, par son dogme de la Trinité, a porté une atteinte fatale à l'unicité divine, puisqu'il attribue des associés à ce Dieu.

Proclamer la profession de foi, c'est reconnaître que Dieu a parlé aux hommes par l'intermédiaire de prophètes, et, en particulier, par Mahomet, qui détient le sceau de toute prophétie, apportant à l'ensemble de l'humanité la révélation divine dans toute son intégrité, complétant ainsi le caractère partiel de la révélation judéo-chrétienne. Mahomet représente un idéal de vie, sociale et morale, pour chaque musulman : il lui inspire respect et obéissance, puisque toute l'existence du Prophète a été faite de soumission à la volonté divine.

Proclamer la foi islamique, c'est également prendre conscience que le jugement de Dieu va s'opérer sur tous les hommes, selon leurs conduites, bonnes ou mauvaises. Sans Mahomet, les hommes n'auraient sans doute pas eu conscience de l'urgence de se préparer à cette heure importante du jugement de Dieu sur l'ensemble de l'humanité et sur chaque individu en particulier. Cette annonce du jugement est porteuse non pas seulement de crainte, mais aussi d'espoir : Dieu va récompenser les justes et punir les méchants !

Affirmer sa foi musulmane, c'est aussi reconnaître que le Coran est l'expression même de la Parole de Dieu, telle qu'elle a été révélée au Prophète. L'Islam reconnaît l'existence des livres saints des religions monothéistes, que ce soit la Torah donnée par Dieu à Moïse pour qu'il la transmette au peuple hébreu, que ce soit l'Évangile donné par Jésus aux chrétiens ; mais il place au-dessus de ces révélations le recueil du Coran qui a été dicté à Mahomet par l'intermédiaire de l'ange Gabriel. Chacun de ces livres, Torah, Évangile et Coran, est strictement envoyé par Dieu aux hommes, sans que les prophètes qui les ont transmis aient pu exercer une influence quelconque sur eux. Pourtant, seul le Coran n'a subi aucune modification, aucune transformation de la part des hommes, seul il présente un texte sûr de la Parole de Dieu, car les hommes eux-mêmes ont veillé à ce que le texte ne subisse aucune altération ou modification, alors que les juifs aussi bien que les chrétiens ont transformé le texte révélé. Ainsi, par exemple, alors que Jésus annonçait Évangile (au singulier) les chrétiens ont écrit et lisent quatre Évangiles (au pluriel) L'essentiel de la foi islamique pourrait donc se résumer, dans la profession de foi, de la manière suivante : un seul Dieu, Allah ; un seul grand Envoyé, Mahomet ; un seul Livre véritable et authentique : le Coran.

L'obligation de la prière, deuxième pilier de la religion

Si la shahâda est la première de toutes les obligations rituelles, la prière est une obligation beaucoup plus contraignante, puisqu'elle doit se renouveler cinq fois pendant les vingt-quatre heures de la journée. A partir de la puberté, le musulman est tenu d'accomplir ces cinq prières, en réponse à l'appel du muezzin qui, du haut du minaret, appelle tous les fidèles à la prière. Celle-ci rythme la journée, puisque la première invitation à la prière rituelle se fait entre l'aurore et le lever du soleil, la deuxième juste après midi, la troisième au milieu de l'après-midi, la quatrième aussitôt après le coucher du soleil, et la dernière à un moment quelconque de la nuit. Chacune de ses prières se déroule d'une manière à peu près identique. Du haut du minaret de la mosquée, le muezzin appelle à la prière en psalmodiant les paroles :

Allah est grand

Allah est grand

Il n'est pas d'autre divinité qu'Allah

Il n'est pas d'autre divinité qu'Allah

Mahomet est son prophète

Mahomet est son prophète

Venez à la prière

Venez à la prière

Venez à la félicité

Venez à la félicité

Il n'est pas d'autre Dieu qu'Allah

Avant chacune de ses prières, le fidèle doit procéder à des ablutions rituelles, pour se mettre en état de pureté légale, grâce à une ablution générale ou réduite selon les cas, qui peut être remplacée, le cas échéant par une purification avec de la terre ou du sable, s'il n'y a pas d'eau à la disposition du croyant. Celui-ci ne peut se présenter devant Dieu sans s'y être préparé. Cette purification du corps (visage, oreilles, cou, mains et pieds), le croyant, qu'il se trouve dans une maison ou qu'il soit en plein air, s'oriente vers La Mekke et délimite un espace sur le sol qui le sépare du monde extérieur, utilisant souvent, pour ce faire, un tapis de prière.

L'office de l'oraison se compose d'attitudes et de gestes, accompagnés de formules, appelés rakats. Leur nombre varie selon les moments de prière : et le détail des gestes fait toujours l'objet de discussions entre les différentes écoles juridiques de l'Islam. A la prière de l'aube, deux rakats ; à la prière de midi, quatre ; à la prière de l'après-midi, quatre également ; à la prière du soir, trois ; à la prière de la nuit ; c'est le nombre obligatoire de rakats, mais les fidèles, en souvenir de la coutume instaurée par le Prophète lui-même, ajoutent deux rakats, à la suite de chacune de ses prières La prière se déroule de la manière suivante. Le croyant se tient debout, le visage tourné vers La Mekke ; puis, il lève les mains à la hauteur de ses oreilles, en prononçant une formule de sacralisation : Dieu est le plus grand ! Allah Akbar ! Ensuite, en plaçant ses mains sur sa poitrine, il récite la Fatiha, c'est-à-dire la première sourate du Coran : Au nom de Dieu, celui qui fait miséricorde, le Miséricordieux. Louange à Dieu Seigneur des mondes, celui qui fait miséricorde, le Miséricordieux, le roi du Jour du jugement. C'est toi que nous adorons, c'est toi dont nous implorons le secours. Dirige-nous dans le droit chemin, le chemin de ceux que tu as comblés de bienfaits, non pas le chemin de ceux qui encourent ta colère, ni celui des égarés. Puis, il récite une partie du Coran qu'il connaît par coeur - ceci uniquement pour la première et la deuxième rakat, les rakats suivantes ne comportant que la récitation de la Fatiha. Puis, le croyant répété la formule : Dieu est le plus grand , il s'incline, les mains touchant les genoux en répétant trois fois : Gloire à notre Seigneur le Sublime.

Il se redresse alors en disant : Dieu accepte celui qui le loue, ô Seigneur, à toi la louange. En redisant une nouvelle fois : Dieu est le plus grand , il se prosterne de tout son long, le visage touchant la terre, les mains allongées sur le sol, en répétant trois fois : Gloire à mon Seigneur, le Très-Haut. Puis, il s'assied, et se prosterne à nouveau, en prononçant les mêmes paroles. Tout ceci constitue simplement une seule rakat. Le fidèle recommence sa prière, selon le nombre prescrit de formules qu'il est appelé à réciter. Après la deuxième rakat en position assise, le fidèle récité la profession de foi musulmane : J'atteste qu'il n'y a pas d'autre Dieu qu'Allah. Allah est grand et il n'y a pas d'autre Dieu que lui. Et j'atteste que Mahomet est son prophète. Avant de terminer sa prière, le croyant s'incline une fois à droite et une fois à gauche, aussi bien pour saluer ses anges gardiens que pour appeler la bénédiction de Dieu sur ses frères dans la foi et la prière : Que la paix soit avec vous et la Miséricorde de Dieu. C'est ainsi qu'il se trouve désacralisé et qu'il peut reprendre son activité ordinaire.

La pratique de ces prières à des moments bien définis de la journée permet à la communauté musulmane de se constituer en une vaste communauté mystique : sans montre et sans horloge, le plus humble bédouin du désert, en observant simplement le soleil, sait qu'il peut s'unir à la prière de la grande Umma islamique répandue à travers le monde. Il se trouve alors en communion avec tous ceux qui rendent un culte au Dieu unique et qui lui rendent la louange qui convient à sa Puissance.

Ensemble, en suivant simplement les mouvements astronomiques, les musulmans se mettent ainsi au diapason de l'univers tout entier qui rend grâce à Dieu pour tous ses bienfaits. Le temps de la prière est un temps sacré, ordonné par le Coran, pour proclamer la grandeur de Dieu : Dis : Invoquez Dieu, ou bien invoquez le Miséricordieux. Quel que soit le nom sous lequel vous l'invoquez, les plus beaux noms lui appartiennent. Lorsque tu pries : n'élève pas la voix, ne prie pas à voix basse, cherche un mode intermédiaire, et dis : Louange à Dieu ! Il ne s'est pas donné de fils, il n'a pas d'associé en royauté. Il n'a pas besoin de protecteur pour le défendre contre l'humiliation. Proclame hautement sa grandeur (Sourate XVII, 110-111). Cet appel à la prière qui proclame la grandeur de Dieu est si vénéré qu'il est annoncé à l'oreille des nouveaux-nés, en souvenir de ce que fit le Prophète lui-même, au moment de la naissance d'un de ses enfants... Et le musulman pieux a dans le coeur de se sacraliser entièrement quand il prononce la première formule : Dieu est le plus grand ! Allah Akbar !, formule appelée d'un nom spécial : takbir. Il tient à ce que son coeur et son esprit confessent unanimement avec ses lèvres cette reconnaissance de la souveraineté absolue de Dieu : il ne faudrait pas que son coeur démente ce que prononce ses propres lèvres.

Une fois par semaine, la prière de l'après-midi ne se fait pas individuellement, selon les lieux où se trouvent les musulmans, mais elle se déroule communautairement, à la mosquée, au cours d'un service religieux, pendant lequel c'est l'imam qui dirige la prière. Cet imam agit comme les califes des premières communautés musulmanes. Ce chef religieux est appelé ainsi chez les sunnites, il est appelé ayatollah chez les chiites, ou encore mollah, ou cheikh, selon les écoles religieuses de l'Islam. Toutefois, il faut remarquer que l'Islam ne connaît pas de hiérarchie ni de sacerdoce ; si bien que lorsque plusieurs musulmans se réunissent pour prier, l'un d'entre eux peut se faire imam, guide dans la prière commune.

Cet office, même s'il ne se déroule pas dans une mosquée, dans les régions où l'Islam n'est pas encore implanté officiellement réunit les croyants ensemble : c'est le jour de l'assemblée.

Le Coran insiste sur la nécessité de cette assemblée des croyants : O vous les croyants, quand on vous appelle à la prière du vendredi, accourez à l'invocation de Dieu ! Interrompez tout négoce : c'est un bien pour vous, si vous saviez ! Lorsque la prière est achevée, dispersez-vous dans le pays, recherchez la grâce de Dieu ; invoquez le Nom de Dieu. Peut-être serez-vous heureux ! (Sourate LXII, 9-11). Pour le Livre saint, la fréquentation de Dieu dans la prière est la meilleure des choses dans la vie d'un fidèle. Cette assemblée hebdomadaire du vendredi est l'occasion d'une prédication par celui qui est appelé à jouer le rôle d'imam. Après la récitation de la shahâda, et celle d'un texte du Coran, imam prononce son sermon, qui est la caractéristique de cet office religieux.

A la fin de ce sermon, il récite une nouvelle prière de louange à la gloire et à l'exaltation de Dieu, lui en qui les fidèles ont placé leur confiance, lui qui les guide sur les chemins droits et véridiques. Puis, l'office se poursuit comme chaque prière quotidienne de l'après-midi. Les hommes seuls se rassemblent pour cet office qui est la seule forme de liturgie communautaire dans le monde islamique. Et cette réunion des hommes, surtout dans les pays à majorité musulmane, constitue un spectacle assez étonnant : le bédouin et l'artisan, le riche et le pauvre, le notable et le plus petit commerçant se retrouvent ainsi côte à côte, unis dans la prière, la tête baissée devant Allah, Dieu qui est plus grand que tout. Cette assemblée hebdomadaire est aussi commandée par une forte pression sociale : pratiquement, tous les hommes y participent, quelles que soient leurs convictions religieuses, plus ou moins profondes. C'est aussi dans ce contexte qu'il est possible de percevoir la cohésion de tout un peuple dans l'unité de la religion, manifestée dans cette prière communautaire.

Il existe aussi d'autres prières facultatives, comme les prières de la nuit ou des prières de demandes spéciales, telles les prières pour demander la pluie, ou les prières faites à l'occasion de la mort ou des funérailles d'un croyant. Mais elles n'entrent pas dans le cadre obligatoire de la prière rituelle.

L'obligation du jeûne annuel, le Ramadan

Si la prière manifeste, chaque semaine, l'unité de la communauté musulmane dans le cadre d'un petit territoire, le jeûne annuel, au mois de Ramadan, manifeste également cette unité de la Umma à travers le monde entier. En effet, ce jeûne n'est pas une pratique individuelle, c'est une véritable manifestation sociale durant tout un mois lunaire. Pendant ce mois, tout musulman, ayant atteint l'âge de la puberté, doit jeûner pendant toute la journée en signe d'humilité et de soumission à Dieu. Dans toutes les religions, le jeûne constitue une sorte de purification nécessaire à l'entretien de la spiritualité.

Mahomet avait coutume de jeûner trois jours par mois quand il reçut une révélation, qui est rapportée par le Coran. O vous qui croyez ! Le jeûne vous est prescrit comme il a été prescrit aux générations qui vous ont précédées. - Peut-être craindrez-vous Dieu - Jeûnez durant des jours comptés. Celui d'entre vous qui est malade ou qui voyage jeûnera ensuite un nombre égal de jours. Ceux qui pourraient jeûner et qui s'en dispensent devront, en compensation, nourrir un pauvre. Celui qui, volontairement, fera davantage y trouvera son propre bien. Jeûner est un bien pour vous. Peut-être le comprendrez-vous. Le Coran a été révélé durant le mois de Ramadan. C'est une direction pour les hommes, une manifestation claire de la direction et de la loi. Quiconque d'entre vous verra la nouvelle lune jeûnera le mois entier. Celui qui est malade ou celui qui voyage jeûnera ensuite le même nombre de jours. Dieu veut la facilité pour vous, il ne veut pas, pour vous, la contrainte. Achevez cette période de jeûne ; exaltez la grandeur de Dieu qui vous a dirigés... La cohabitation avec vos femmes vous est permise durant la nuit qui suit le jeûne... Mangez et buvez jusqu'à ce que l'on puisse distinguer à l'aube un fil blanc d'un fil noir. Jeûnez, ensuite, jusqu'à la nuit. N'ayez aucun rapport avec vos femmes, lorsque vous êtes en retraite dans la mosquée. Telles sont les lois de Dieu, ne les transgressez pas (Sourate II, 183...187).

C'est par ces quelques versets du Coran que le jeûne du Ramadan fut institué, alors que Mahomet se trouvait à Médine dans le courant de la deuxième année de l'Hégire. Il est certain que le climat torride ne devait pas faciliter ce jeûne absolu pendant les différentes journées de ce mois ; mais le fidèle qui aurait pu succomber à la tentation de rompre le jeûne pour calmer sa soif se voyait encouragé par ses compagnons, qui menaient le même combat spirituel que lui. Ainsi, ce premier jeûne communautaire devait déjà renforcer l'unité du premier groupe musulman : s'ils pouvaient s'abstenir de manger et de boire pendant tout un mois, les fidèles musulmans pouvaient se préparer à traverser les déserts et à partir à la conquête du monde, afin d'y répandre leur foi naissante.

Cette première expérience du jeûne volontaire et communautaire devait se poursuivre à travers les siècles. Et, chaque année, le mois de Ramadan est encore marqué par cette abstinence diurne ; ce n'est pas un moment de tristesse, au contraire, le fidèle vit dans la joie de pouvoir s'imposer des privations afin de manifester sa soumission au Dieu unique et de lui plaire en toutes choses.

Le jeûne est obligatoire pendant tout le mois pour tous les musulmans, sauf pour ceux qui sont malades et pour ceux qui sont en voyage, sous certaines conditions. Il commence au moment de l'apparition de la nouvelle lune, qui est annoncée officiellement ; il doit être observé rigoureusement du lever au coucher du soleil. Avant l'aube, le fidèle formule son intention de jeûner, dans le respect de la tradition islamique, car sans cette intention de pureté légale, l'acte même de son jeûne ne serait pas valable. Cette épreuve, qu'il s'impose dans la prière et la privation, manifeste sa foi d'une manière encore plus évidente que les prières rituelles ou que l'assemblée à la mosquée, le vendredi : il peut davantage réfléchir à sa condition de croyant, car la tradition veut que l'on ait les idées plus nettes lorsqu'on a le ventre creux. Le jeûne consiste à ne rien absorber pendant toute la journée, à ne prendre ni nourriture ni boisson depuis la fin de la nuit noire jusqu'au coucher du soleil ; le tabac comme les relations sexuelles sont également interdits pendant ces heures diurnes. Les juristes discutent encore sur certaines pratiques interdites ou permises pendant ces journées de Ramadan : les piqûres médicales, les vaccins... et sur les cas de dispense autorisés ou de remplacement compensatoire.

Ce mois de jeûne, pendant le Ramadan, est destiné non seulement à rappeler le souvenir du don du Coran à Mahomet, mais aussi à rappeler l'existence des pauvres : la faim rappelle aux riches que des pauvres ont faim durant toute leur vie.

C'est donc un mois très orienté spirituellement ; et la permission de se sustenter durant la veillée nocturne n'intervient pas comme l'occasion de banqueter, depuis le coucher du soleil jusqu'à l'apparition de l'aube : les interdits de la journée cessent, il est possible au musulman de prendre un repas après le coucher du soleil et un autre avant l'aube. Ce mois de Ramadan apparaît comme l'occasion offerte aux fidèles d'exercer leur volonté, en vivant également dans un climat de fête religieuse et familiale, d'autant qu'à la fin de ce mois prend place une des deux fêtes du monde musulman : la fête de la rupture du jeûne. Les réjouissances sont alors permises et même fortement recommandées : les croyants sacrifient un mouton, après avoir prié et distribué des offrandes aux pauvres.

Certes, le travail, la vie économique se ressentent beaucoup de ce mois de jeûne, car les privations diurnes et les veillées nocturnes épuisent tout le monde. Dans les pays à majorité musulmane, les fidèles se trouvent en quelque sorte contraints de pratiquer cette abstinence volontaire, en raison de la pression sociale ; dans les autres pays, où l'Islam s'est répandu, sans être la religion majoritaire, certains croyants y souscrivent de plein gré ; c'est même, pour la plupart d'entre eux, un mois de retour à la pratique de la religion. Cependant, il faut reconnaître que beaucoup, en dehors des pays à dominante islamique, se dispensent de ce jeûne, non sans gêne de conscience, mais parce qu'ils éprouvent beaucoup de peine à l'accomplir, à cause des difficultés qui se présentent à eux qui vivent dans un monde où l'exercice de la puissance de la vie communautaire ne se fait pas ressentir. En tout état de cause, celui qui se dispense du jeûne peut invoquer un texte rapporté par la tradition, rappelant que le jeûne n'est qu'une pratique secondaire, par rapport à la disposition du coeur, par rapport au respect intérieur de la foi islamique. Selon Abou-Horaïra, le Prophète a dit : Celui qui ne renonce ni à dire des mensonges, ni à pratiquer des erreurs, Dieu n'a nul besoin qu'il se prive de boire ou de manger . Ainsi, le jeûne qui plaît à Dieu, ce n'est pas seulement l'abstinence volontaire de nourriture ou de boisson, le jeûne qui plaît à Dieu, c'est de respecter la pratique de l'Islam. De plus, il viendra sans doute un temps où les différentes écoles juridiques du monde musulman devront elles-mêmes revoir la question du jeûne pendant ce mois de Ramadan, eu égard aux exigences du monde actuel et des conditions de travail souvent pénibles dans lesquelles se trouvent plongés ceux qui ne vivent plus en terre d'Islam.

L'obligation de l'aumône légale

Déjà dans la pratique du jeûne communautaire, le musulman découvre une nécessité du partage de ses richesses avec les plus pauvres, cette nécessité prend force de loi dans l'obligation qui lui est faite de pratiquer l'aumône. Celle-ci, dans son acception purement légale, est désignée par le terme de zakat qui implique une idée de purification. L'aumône est destinée à purifier religieusement les biens dont le fidèle dispose mais dont il ne peut réellement jouir qu'en reconnaissant qu'ils appartiennent à Dieu. Cette obligation de l'aumône est d'origine coranique : O vous qui croyez ! lorsque vous avez un entretien privé avec le Prophète, faites-le précéder d'une aumône ; c'est préférable pour vous, et plus pur. Si vous ne trouvez pas les moyens de le faire, sachez que Dieu est celui qui pardonne, qu'il est miséricordieux ! Appréhendez-vous de faire précéder d'aumônes votre entretien ? Mais, quand vous ne le faites pas et que Dieu accueille votre repentir, acquittez-vous alors de la prière, faites l'aumône, obéissez à Dieu et à son Prophète. Dieu est parfaitement informé de ce que vous faites (Sourate LVIII, 12-13). Tout au long du Livre saint, le terme d'aumône revient régulièrement comme la nécessité d'une pratique de la charité envers les frères et envers tous les hommes. Les produits de cette aumône volontaire, et pour ainsi dire rituelle, comme a pu l'être la dîme dans la tradition chrétienne, doivent subvenir aux besoins des pauvres et de ceux qui les recueillent ; ils doivent aussi aider ceux qui luttent pour défendre la cause de l'Islam, ainsi que ceux qui auparavant rachetaient les esclaves. Les aumônes sont destinées aux pauvres et aux nécessiteux, à ceux qui sont chargés de les recueillir et de les répartir, à ceux dont les coeurs sont à rallier au rachat des captifs, à ceux qui sont chargés de dettes, à la lutte dans le chemin de Dieu et au voyageur. Tel est l'ordre de Dieu. Dieu sait et il est juste (IX, 60).

Cette sorte d'impôt servit, dès les origines de l'Islam, à alimenter les caisses de la première communauté médinoise, notamment pour l'entretien de la lutte pour la propagation de la foi islamique ; et, dès l'année 626, les juifs et les chrétiens résidant à Médine, et désirant poursuivre leurs activités dans cette ville, furent également soumis à cet impôt qui devait les taxer très lourdement. Le payement de cette aumône se faisait initialement en nature, proportionnellement aux revenus de chacun : les paysans, les artisans, les commerçants devaient abandonner le dixième, ou parfois seulement le vingtième de leurs récoltes ou de leurs gains, en faveur des plus nécessiteux. Par la suite, cette aumône légale perdit de son caractère véritablement charitable pour devenir un réel impôt.

Et aujourd'hui, cet impôt, ayant beaucoup évolué, n'est plus distribué aux plus pauvres, mais il continue néanmoins de servir à la communauté musulmane, pour la construction de mosquées, d'écoles coraniques ou d'hôpitaux. L'intention première de cette aumône légale est donc maintenue : il est important, pour le croyant, de reconnaître que tous les biens de ce monde appartiennent en propre à Dieu, les hommes n'en étant que les dépositaires et les gérants, usant de ces biens comme d'autant de bienfaits venant de Dieu. Dans cette même ligne, l'Islam interdit l'usure : s'il est possible de consentir un prêt, moyennant un intérêt, à quelqu'un qui a besoin d'argent pour un investissement, il n'est pas permis de demander un intérêt à celui qui se trouve dans le besoin, il est même recommandé de lui donner alors ce qui lui est nécessaire. Quelque dépense en aumônes que vous fassiez, quel que soit le voeu par lequel vous vous êtes engagés, Dieu le sait vraiment. Les injustes ne trouvent pas de défenseurs. Si vous donnez vos aumônes d'une façon apparente, c'est bien. Si vous les cachez pour les donner aux pauvres, c'est préférable pour vous. Elles effacent en partie vos mauvaises actions - Dieu est bien informé de ce que vous faites -. Il ne t'incombe pas de diriger les incrédules. Dieu dirige qui il veut. Ce que vous dépensez en aumônes est à votre avantage. Ne donnez que poussés par le désir de la face de Dieu. Ce que vous dépensez en aumônes vous sera exactement rendu ; vous ne serez pas lésés... Ceux qui se nourrissent de l'usure ne se dresseront, au jour du Jugement, que cor me se dresse celui que le Démon a violemment frappé... Celui qui renonce au profit de l'usure, dès qu'une exhortation de son Seigneur lui parvient, gardera ce qu'il a gagné. Son cas relève de Dieu. Mais ceux qui retournent à l'usure seront les hôtes du Feu où ils demeureront immortels... Si votre débiteur se trouve dans la gêne, attendez qu'il soit en mesure de vous payer. Si vous faites l'aumône en abandonnant vos droits, c'est préférable pour vous ! (Sourate II, 270...280).

Cette pratique de l'aumône légale a constitué, elle aussi, un grand facteur d'unification et de cohésion dans la communauté musulmane ; elle est encore citée en exemple par tous ceux qui veulent démontrer le caractère socialisant de l'Islam. Toutefois, la majorité des pays islamiques ont abandonné cette coutume pieuse, pour la remplacer, ainsi qu'il vient d'être dit, par un impôt sur le revenu ; mais les plus fidèles parmi les musulmans s'acquittent de manière purement volontaire d'une autre aumône. Ainsi, pour la fête qui marque la fin du jeûne de Ramadan, le fidèle donne une aumône spontanée et privée à des croyants plus nécessiteux que lui, afin de leur permettre de fêter eux aussi la Rupture du jeûne. Cette dernière pratique est encore très suivie actuellement.

Le pèlerinage à La Mekke

Dès avant la prédication de Mahomet, La Mekke était considérée comme une ville sainte, où les polythéistes se rendaient en pèlerinage pour vénérer, à la Kaaba, leurs nombreuses idoles. Tout pèlerinage porte en lui-même le désir du croyant de se tourner vers son Dieu: Le désir du croyant est donc non seulement de se rapprocher de Dieu, mais aussi de mieux le connaître, devenant ainsi un meilleur pratiquant de sa religion Le pèlerinage répond à une obligation imposée à tout croyant adulte, libre de sa personne, dans la possibilité matérielle d'accomplir ce voyage vers les lieux saints  : Accomplissez, pour Dieu, le grand et le petit pèlerinages. Si vous en êtes empêchés, envoyez en compensation l'offrande qui vous est facile. Ne vous rasez pas la tête avant que l'offrande n'ait atteint sa destination. Si l'un de vous est malade, s'il souffre d'une affection de la tête, il doit se racheter par des jeûnes, par une aumône ou par des sacrifices... Le pèlerinage a lieu en des mois déterminés. Le pèlerin devra s'abstenir de toute cohabitation avec une femme, de libertinage et de disputes, durant le pèlerinage. - Dieu connaît le bien que vous faites -. Emportez des provisions de voyage ; mais, vraiment, la meilleure provision de voyage est la crainte révérencielle de Dieu... Lorsque vous déferlez d'Arafa, invoquez Dieu auprès du monument sacré ; invoquez-1le, puisqu'il vous a dirigés, alors que vous étiez, auparavant, au nombre des égarés. Déferlez ensuite par où les gens déferlent. Demandez pardon à Dieu - Dieu est celui qui pardonne, il est miséricordieux -. Souvenez-vous de Dieu en accomplissant vos rites, comme vous vous souvenez de vos ancêtres ou d'un souvenir encore plus vif (Sourate II, 196-200).

Le but du pèlerinage est le sanctuaire de La Mekke, au centre duquel se trouve la Kaaba (littéralement : le cube), édifice rectangulaire en pierre (dix mètres sur douze en base, et quinze mètres de hauteur), entouré d'un dallage et recouvert d'un voile de brocart noir, renouvelé chaque année. A l'un des angles se trouve la pierre noire considérée comme une pierre céleste jetée par Dieu sur la terre ; à l'endroit où cette pierre avait été jetée, Seth, un des fils d'Adam, aurait édifié une première Kaaba, que le déluge universel, au temps de Noé, aurait détruite, et que le patriarche et prophète Abraham aurait reconstruite, aidé de son fils Ismaël. Le croyant peut pénétrer à l'intérieur de la Kaaba par une porte située à deux mètres du sol : cet intérieur ne comprend que des lampes et des inscriptions. Un autre petit édifice abrite une pierre qu'Abraham aurait foulée, et sous une coupole se trouve la source de Zemzem. Il existe encore beaucoup de petits édifices dans la cour du sanctuaire...

Le territoire de La Mekke est un territoire sacré qui est, en principe, interdit à tout non musulman, surtout pendant le temps du pèlerinage. De plus, le pèlerin doit accomplir un certain nombre de règles rituelles très strictes, afin de se mettre lui-même en état de sacralisation. La première chose que le pèlerin doit faire, qu'il arrive à pied, en avion ou en bateau, c'est de se changer pour revêtir la tenue obligatoire du pèlerin, le voile blanc (qui lui servira un jour de linceul). Ce vêtement est en deux parties : une partie basse et une partie haute ; il est fait en tissu non cousu: et il est le même pour tous, qu'il soit un prince ou qu'il soit un simple homme du peuple. Après s'être rasé et avoir accompli une ablution rituelle, il peut réciter la prière propre du pèlerin : Je réponds à ton appel, ô Allah, je réponds à ton appel, toi qui es unique. Louange, grâce et domination à toi, qui es l'unique. De cette manière, le croyant se met en présence de Dieu, car c'est pour lui seul qu'il est venu sur ce territoire sacré, sur lequel il devra se maintenir en état de grâce, tout le temps du pèlerinage. Cet état de sacralisation comporte de nombreuses obligations, qui remontent au Coran lui-même. Il est interdit de chasser, de tuer, de se couper les cheveux et les ongles, d'avoir des relations sexuelles. Il existe aussi des recommandations morales, dans la mesure où l'Islam se reconnaît aussi comme une religion de l'intention : c'est sur leurs intentions que les hommes seront jugés, au jour de Jugement, en plus de leurs conduites personnelles. Il convient donc que celui qui veut accomplir le pèlerinage en ait l'intention authentique et qu'il l'exprime, en la maintenant et en la répétant tout au long du pèlerinage.

Le pèlerin peut alors entrer dans la grande Mosquée qui peut contenir cinq cents mille personnes. Il entre dans cette mosquée du pied droit, avant d'entreprendre le premier rite du pèlerinage : la circumambulation autour de la Kaaba. Il doit faire le tour de la Kaaba sept fois ; ce rite existait bien avant Mahomet. Il essaie d'aller poser son front sur l'angle qui renferme la pierre noire, en signe d'allégeance, manifestant son entière soumission à Dieu : c'est un rappel du pacte conclu par Dieu avec l'humanité tout entière en Adam. Le fait même de toucher cette pierre, considérée comme la main droite de Dieu, est une marque que ce pacte est conclu par les descendants du premier homme.

Le second rite est une course de quatre cent mètres qu'il faut parcourir également sept fois, en répétant les litanies rituelles des quatre-vingt dix-neuf noms de Dieu. Cette course entre deux petits monticules est un souvenir des épreuves d'Agar, qui recherchait une source pour elle-même et pour son fils Ismaël, mourant de soif dans leur fuite à travers le désert. Ayant fait sourdre une source sous ces pieds, un ange lui permit de désaltérer son fils ; elle ramassa cette eau dans ses mains, en disant : Zemzem , c'est-à-dire : regroupe-toi. Ce nom est resté à la source sacrée, qui ne s'est jamais épuisée, malgré l'aridité des territoires avoisinant. Le pèlerin en recueille : c'est le seul souvenir qu'il pourra emporter de son pèlerinage.

Ayant accompli ces premiers rites, dits du petit pèlerinage, qui peut se pratiquer tout au long de l'année, il peut participer au grand pèlerinage, qui n'a lieu qu'une seule fois par an, du 7 au 13 du douzième mois de l'année lunaire.

Le hajj, grand pèlerinage, a pour lieu, la montagne Arafat, lieu où Adam et Ève se seraient retrouvés après qu'ils aient été chassés du Paradis terrestre. Le prophète Mahomet accomplit à cet endroit son dernier pèlerinage, peu avant sa mort ; aussi est-il appelé le pèlerinage de l'adieu. L'essentiel du rite de ce hajj est une station sur le mont Arafat : le croyant est invité à se tenir debout, les mains nues, en face de son Dieu, sur cette montagne, appelée montagne de la Miséricorde.

Cette station permet au musulman de se souvenir, d'une manière encore plus prégnante du jour du jugement ; elle entraîne les croyants dans une atmosphère d'extase, tant est grand le déploiement de la foi et de l'espérance du pardon de Dieu. Le retour à La Mekke comporte également plusieurs rites. Le pèlerin se rend d'abord à Mozdalifa, parce que le Prophète a veillé une nuit à cet endroit ; le pèlerin ramasse alors sept petits cailloux qu'il devra jeter sur une stèle de Mina, en souvenir du sacrifice d'Abraham. En effet, Satan, alors qu'Abraham, Agar et leur fils Ismaël avaient accepté la décision de Dieu d'accomplir le sacrifice d'Ismaël, avait tenté les uns et les autres, afin qu'ils n'accomplissent pas ce sacrifice. Les trois membres de la famille avaient alors lapidé Satan ; et c'est en souvenir de cette lapidation de Satan que le pèlerin jette ces petits cailloux sur la stèle de Mîna. Ce rite signifie pour le croyant le désir qu'il a de lutter contre lui-même, en jetant les cailloux en invoquant le nom de Dieu, lui le plus grand, le sublime.

Le dernier jour de ce grand pèlerinage, les croyants (et non pas seulement les pèlerins ; car dans le monde entier, en communion avec les pèlerins de La Mekke, les fidèles accomplissent le même rite) sacrifient un mouton, en prononçant la phrase rituelle : O mon Dieu, de toi, par toi et pour toi ce sacrifice. Les bêtes immolées ne peuvent être vendues, mais elles doivent être distribuées aux pauvres : la plus grande partie sera perdue, mais ce sacrifice est, avant tout, offert à Dieu.

Ayant accompli tous ces rites, le pèlerin doit accomplir un nouveau rite important, celui de la désacralisation. Il se fait couper les cheveux, la barbe et les ongles ; il abandonne le vêtement du pèlerin ; c'est alors qu'il peut réaliser l'ordre même donné par le Prophète de se désacraliser, avant de retourner au monde ordinaire.

Avant de rentrer dans son pays, le pèlerin aime se rendre à Médine, où est enterré le Prophète ; ce pèlerinage est facultatif mais il couronne véritablement le hajj. Le prophète a dû quitter sa ville de La Mekke pour se réfugier à Yatrib, laquelle est devenue Médine, la ville . En se rendant sur les lieux mêmes où le Prophète a vécu ses dernières années, le pèlerin peut méditer sur l'expérience qu'il vient de vivre. Mahomet, qui n'était pas un homme instruit, a été choisi par Dieu pour porter aux hommes son message ; le pèlerin peut se saisir lui-même comme porteur du message coranique à l'ensemble de l'humanité, en prenant le Prophète comme idéal et comme modèle de vie, il découvre aussi que tout ce qu'il doit faire désormais, c'est de se soumettre entièrement à Dieu, de s'annihiler lui-même pour faire une plus grande place à ce Dieu qu'il vient de rencontrer pendant son temps de pèlerinage.

Importante manifestation religieuse, ce rassemblement des fidèles musulmans, pour le grand pèlerinage, comporte aussi une véritable dimension politique : il rassemble tous les musulmans, vivant sous toutes les latitudes du monde, en un seul peuple. Il soude une fois de plus l'unité de la communauté islamique, malgré toutes les dissensions qui peuvent exister entre les différents pays à majorité musulmane. Comme les autres piliers de la religion, le pèlerinage vise à assurer une certaine cohésion de tous les fidèles, en vue de la plus grande gloire et de la plus grande louange du Dieu unique, qui s'est manifesté au Prophète.

La guerre sainte

Ne constituant pas, à proprement parler une obligation, au même titre que les cinq autres piliers de la religion la guerre légale, el djihad, considérée comme une guerre sainte apparaît quand même comme un devoir pour le croyant, une de ses grandes obligations envers le Dieu unique, puisqu'il s'agit surtout d'une guerre de défense de la religion islamique, par l'exemple donné de la foi absolue, et non pas seulement par l'usage de la force armée, bien que, dès les premières années de l'Islam, le combat de la foi ait été inséparable d'une véritable lutte armée. Le premier aspect de cette guerre, c'est qu'elle ne peut jamais être que défensive, et non pas offensive Le Coran est suffisamment explicite à ce sujet, quand il affirme que Dieu n'aime pas les transgresseurs, ceux qui s'attaquent aux autres hommes, et en particulier à ses fidèles : Combattez dans le chemin de Dieu ceux qui luttent contre vous. Ne soyez pas transgresseurs, Dieu n'aime pas les transgresseurs. Tuez les partout où vous les rencontrerez, chassez-les des lieux d'où ils vous auront chassés... Combattez-les jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de sédition et que le culte de Dieu soit rétabli. S'ils arrêtent, cessez de combattre, sauf contre ceux qui sont injustes... Soyez hostiles envers quiconque vous est hostile, dans la mesure où il vous est hostile. Craignez Dieu ! Sachez que Dieu est avec ceux qui le craignent (Sourate II, 190-194).

De plus, ce combat pour Dieu est dirigé par Dieu lui-même : c'est lui qui combat à la tête de ses fidèles : Ce n'est pas vous qui les avez tués ; mais Dieu les a tués. Tu ne lançais pas toi-même les traits quand tu les lançais, mais Dieu les lançait pour éprouver les croyants au moyen d'une belle épreuve venue de lui... Vos troupes ne serviront à rien, même si elles sont nombreuses. Dieu est avec les croyants (VIII, 17-19).

Le deuxième aspect de cette guerre est qu'elle est pour la défense de la religion. Dieu combat avec ses fidèles contre tous ceux qui demeurent incrédules, malgré les avertissements prophétiques. La première communauté médinoise s'est d'abord constituée en une communauté de défense des intérêts du Prophète, ces intérêts étant naturellement les intérêts même du Dieu unique qui l'avait envoyé : la lutte sera dirigée contre ceux qui ont attaqué le Prophète, l'obligeant à quitter sa propre ville, puis contre tous les polythéistes, puis contre tous ceux qui refuseront de croire à la religion révélée. A ceux qui tomberont dans ce juste combat de la foi, le Coran, fort de la révélation divine, promet l'immortalité bienheureuse dans le Paradis divin, sans qu'ils aient à attendre le jour du Jugement et de la résurrection. La sourate IX, dite sourate de l'immunité est très explicite à ce sujet. Quand ils (les polythéistes) l'emportent sur vous, ils ne respectent, à votre égard, ni alliance, ni pacte qui assure la protection. Ils cherchent à vous plaire avec leurs bouches, mais leurs coeurs sont rebelles ; la plupart d'entre eux sont pervers... Leurs actes sont mauvais. Ils n'observent à l'égard d'un croyant ni alliance ni pacte qui assure la protection : tels sont les transgresseurs. Mais s'ils se repentent, s'ils s'acquittent de la prière, s'ils font l'aumône, ils deviennent vos frères en religion. S'ils violent leurs serments, après avoir conclu un pacte, s'ils attaquent votre religion, combattez alors les chefs de l'infidélité... Ne combattrez-vous pas des gens qui ont violé leurs serments et qui ont cherché à expulser le Prophète ? Ce sont eux qui vous ont attaqué les premiers. Les redouterez-vous ? Alors que Dieu mérite plus qu'eux d'être redouté, si vous êtes croyants. Combattez-les ! Dieu les châtiera par vos mains ; il les couvrira d'opprobres, il vous donnera la victoire ; il guérira le coeur des croyants et il en bannir la colère... Ceux qui ont cru, ceux qui auront émigré, ceux qui auront combattu dans le chemin de Dieu avec leurs biens et leurs personnes, seront placés sur un rang très élevé auprès de Dieu, voilà les vainqueurs !... O vous qui croyez ! Ne prenez pas pour amis vos pères et vos frères, s'ils préfèrent l'infidélité à la foi. Ceux qui les prendraient pour amis, seraient injustes (IX, 8...23).

Ceux qui sont combattus sont appelés à la conversion et ils deviennent alors des frères dans la foi, mais s'ils refusent de se soumettre, eux et leurs biens sont conquis de force : ils deviennent des prisonniers de guerre, et leurs biens font partie du butin qui est réservé aux combattants de Dieu, à l'exception d'un cinquième, appelé la part de Dieu qui est réservée aux nécessiteux : Sachez que quel que soit le butin que vous preniez, le cinquième appartient à Dieu, au Prophète et à ses proches, aux orphelins, aux pauvres et aux voyageurs, si vous croyez en Dieu et à ce qu'il a révélé à notre Serviteur (Sourate VIII, 41). Les juifs et les chrétiens jouissent cependant d'un statut privilégié, en tant qu'ils sont aussi les gens du Livre , ceux à qui Dieu s'est déjà révélé par l'intermédiaire des prophètes antérieurs, après le combat, s'ils refusent de se soumettre à l'Islam, ils garderont un statut particulier, conservant le libre exercice de leur culte, mais ils seront soumis à une taxe spéciale, afin que leur sécurité soit assurée par les musulmans.

En tout état de cause, la tradition islamique a interprété cette guerre sainte dans le sens d'une prédication de l'Islam au monde entier beaucoup plus que comme un appel à conquérir par la force les pays auxquels la Révélation n'avait pas encore été annoncée : il s'agit, pour les croyants, d'étendre à l'univers entier les droits de Dieu et les droits des hommes. Finalement, la guerre sainte n'apparaît plus comme une lutte militaire, mais comme un combat spirituel contre toutes les forces du mal.