L'organisation visible de l'Eglise

 

Aussi spirituelle que puisse être la vie de l'Eglise catholique, cette même Eglise fonctionne selon les critères humains : elle est une institution, presque deux fois millénaires, et qui paraissait être tombée en désuétude, sinon dans l'oubli, avant que le deuxième concile du Vatican ne vienne lui donner un souffle nouveau. Certes, les catholiques ne cessent de croire que le Christ a posé les fondations d'une réalité collective, celle d'un peuple en marche vers son dieu et Père. Mais, d'autre part, ils constatent que cette Eglise est composée d'hommes et de femmes traversés par le doute, installés dans leurs habitudes, repliés sur eux-mêmes, parfois jusqu'au plus grand égoïsme. Par sa nature même, et quoi qu'il en soit de la qualité spirituelle de ses membres, l'Eglise ne cesse d'affirmer qu'elle demeure le signe même de la présence de Dieu au coeur du monde. En elle et à travers elle, il est possible de retrouver le Christ, la parole qu'il ne cesse d'adresser aux hommes de la part de son père, les gestes qui témoignent de son attention et de son amour envers l'ensemble de l'humanité. Certains gestes ont été ceux qu'il effectua lui-même au cours de sa vie terrestre ; et, par ses sacrements, l'Eglise catholique continue de rendre effective la présence du Christ jusqu'à ce qu'il revienne. Cela est particulièrement vrai dans l'eucharistie, sacrement de la présence de Jésus au milieu de son peuple, selon la consigne qu'il donnait à ses apôtres, au cours de son dernier repas : Faites ceci en mémoire de moi.

Cela est aussi vrai du baptême qui fait des baptisés des membres vivants du Christ et de son Eglise, des membres aptes à la communion chrétienne Pour les catholiques, les autres sacrements orientent vers l'eucharistie. La confirmation permet à chacun de mettre au service de tous les dons les plus variés de l’Esprit-Saint. La réconciliation réintègre les fidèles pécheurs dans la communion ecclésiale. L’ordre donne à des hommes, évêques et prêtres, le pouvoir de célébrer l’eucharistie. Le sacrement de l’onction des malades aide ceux-ci à joindre leurs souffrances à celles de la Passion du Christ, dans l’espérance de sa résurrection. Le mariage constitue le couple humain comme la cellule originaire de l’Eglise. Du fait de son aspect sacramentel, l’Eglise n’est pas une société humaine comme les autres : pour le croyant, elle est porteuse de Dieu, elle est " le peuple que Dieu s’est choisi ".

Aussi ce peuple apparaît-il comme un ensemble organisé, ordonné notamment autour des évêques et du pape, successeur de Pierre comme évêque de Rome. Sa tâche est d’affermir la foi de ses frères, ainsi que Jésus le recommandait à Pierre. Mais cette institution subit aussi toutes les tensions que peuvent connaître les sociétés humaines.

"Un pape, pour quoi faire ?"

De toutes les tensions qui peuvent exister dans l’Eglise, la question sur le pape et sur son autorité est une question majeure, puisqu’elle pose encore des problèmes pour l’unité des chrétiens. Depuis la mort de Paul VI jusqu’à l’attentat contre Jean-Paul II, pendant trois années, la papauté a fait recette parmi les mass-média et elle continuera sans doute de la faire dans les temps prochains, puisque certains prophètes annoncent que le vingt-et-unième siècle sera un siècle "religieux", après les temps de crise religieuse des siècles précédents. Dans un ouvrage important, Monseigneur Paul Poupard, alors recteur de l’Institut catholique, devenu depuis pro-président du Secrétariat pour les non-croyants, apportait une réponse à la question : "Un pape, pour quoi faire ?". Cette question pouvait paraître incongrue aux catholiques les plus fervents mais elle se posait sérieusement dans les mentalités humaines : à quoi pouvaient bien servir ces personnages lointains et quelque peu distants qui dirigeaient l’ensemble de la catholicité, sans toujours mesurer, selon l’opinion publique, la distance qui pouvait exister entre leurs décisions et la réalité contemporaine. Après avoir dressé un tableau historique de la papauté, Monseigneur Poupard s’efforce de répondre aux questions relatives à l’activité des papes.

Le nom de "pape" dérive de "papa" (titre d’honneur signifiant : père) ; ce titre était donné, jusqu’au septième siècle, à tous les évêques, même si, à partir du sixième siècle, il tendait à être réservé plus spécialement à l’évêque de Rome, qui est aussi alors désigné sous les noms de "vicaire du Christ" et de "souverain pontife". Le terme de "papauté" apparaît, quant à lui, à la fin du onzième siècle, en même temps que l’usage du terme "curie" pour désigner l’administration centrale et romaine de l’Eglise catholique. Depuis lors, la papauté, même si elle a pu être souvent contestée par les catholiques eux-mêmes, a occupé une place privilégiée dans la représentation que les catholiques se font de l’Eglise. Selon le mot de saint Ambroise, là où est Pierre, là est l’Eglise, et la papauté se présente comme la succession légitime au siège apostolique de Pierre à Rome.

Le choix du pape : le conclave

Il n’est sans doute pas nécessaire de rappeler que ce ne sont pas les apôtres qui ont choisi Pierre pour être leur chef et le successeur du Christ : c’est Jésus lui-même qui a institué Pierre comme la Pierre sur laquelle il pourrait édifier son Eglise. Mais on ne connaît pas les noms des successeurs immédiats de Pierre, bien que la tradition de l’Eglise ait suppléé à la carence des documents écrits authentiques pour établir la succession apostolique de Rome : il n’est donc pas possible de savoir comment le successeur de Pierre a pu être choisi... En ce domaine, l’Eglise a aussi tâtonné au cours des siècles pour parvenir au mode de désignation actuel, qui pourrait très bien être modifié dans un avenir plus ou moins proche, Paul VI lui-même ayant envisagé une refonte de l’organisation de l’élection pontificale.

Le témoignage de saint Cyprien, évêque de Carthage, permet de se faire une idée sur le mode d’élection des successeurs de Pierre, au milieu du troisième siècle : Corneille a été fait évêque (de Rome) par le jugement de Dieu et de son Christ, par le témoignage du clergé presque entier, avec le suffrage du peuple qui était présent...

L’élection de l’évêque de Rome se déroulait de la même manière que le choix des autres évêques, par le suffrage du peuple chrétien rassemblé autour de ses prêtres. Mais un tel mode de désignation ne devait pas tarder à dégénérer, puisque les chrétiens supportaient tel ou tel candidat et n’hésitaient pas à en venir aux mains pour imposer leur propre choix devant ceux qui supportaient un autre candidat Il fallut même que l’administration impériale intervienne directement dans cette élection, si bien que l’empereur lui-même ne résistait pas à la tentation d’imposer un candidat qui lui agrée. Certains papes demandent même l’appui des empereurs d’Occident ou des rois chrétiens pour veiller eux-mêmes à l’élection de leur successeur. La papauté n’allait pas tarder à tomber entre les mains des grandes familles de l’époque... Une réforme de l’élection papale s’imposait : en 1059, le pape Nicolas II promulguait une loi nouvelle, réservant aux seuls cardinaux le pouvoir d’élire le pape. L’élection des papes ne devait plus être l’affaire des laïcs, elle était remise entre les mains du collège des cardinaux, associés directement au gouvernement de l’Eglise. Malgré les réformes relatives à la modalité du scrutin depuis cette décision, le principe même du monopole des cardinaux n’a encore jamais été modifié, bien que certains pères conciliaires, à Vatican II, l’aient trouvé quelque peu anachronique et auraient préféré une désignation du pape par les représentants de l’ensemble du collège épiscopal ; Paul VI, d’abord favorable à une telle proposition a finalement préféré ne pas dénaturer l’élection traditionnelle, arguant du fait que Pierre n’avait pas été choisi par les autres apôtres, mais par le Christ seul, et qu’un tel mode de désignation n’aurait fait qu’essayer de copier les scrutins électoraux humains, faisant du pape le simple délégué de ses pairs. En droit, l’évêque de Rome est élu par le clergé romain, représenté par les cardinaux : la majorité des deux tiers est requise pour que cette élection soit validée. Mais il fallut attendre Pie X, en janvier 1904, pour que le droit de veto accordé aux puissances civiles soit complètement aboli. Les élections se font maintenant dans le secret du conclave, un terme qui signifie littéralement : "sous clé". Cette forme d’élection remonte à 1271 : dix-sept cardinaux ne parvenaient pas à s’entendre pour élire un nouveau pape. Devant la longueur de leurs délibérations, le peuple chrétien mit ces cardinaux au pain et à l’eau, pour leur apprendre un peu de sagesse : cette méthode, qui forçait quelque peu la main des cardinaux, fut approuvée par le nouvel élu, Grégoire X, qui l’érigea en règle pour l’avenir.

Quand les cardinaux se rassemblent en conclave pour élire un successeur au trône de Pierre, ils sont presque complètement isolés du monde extérieur : leur correspondance est sévèrement contrôlée... Tous les accès aux locaux où sont enfermés les cardinaux sont scellés... et les locaux eux-mêmes sont jugés inconfortables par l’ensemble des cardinaux, si bien que la tradition inaugurée à Viterbe demeure encore bien vivante. L’élu n’est pas nécessairement un Italien, bien que, très souvent, dans le cours de l’histoire de l’Eglise, ce sont des Italiens qui ont eu le plus fréquemment accès au trône de Pierre ; la preuve en est que Jean-Paul II vient de la Pologne catholique. Sur les 265 papes jusqu’à Jean-Paul II inclus, 211 furent Italiens, dont 98 Romains, 2 sont d’origine inconnue et 52 furent étrangers à l’Italie, à commencer par Pierre, qui était Palestinien. Tout catholique, de sexe masculin, est éligible : et il est arrivé que des laïcs, tels que Benoît VIII ou Jean XIX aient été élus papes ; dans le cas où l’élu serait un laïc ou un simple prêtre, il devrait se faire ordonner évêque avant un délai de trois mois pour accéder véritablement à la charge pontificale.

Lorsque la majorité est acquise, le cardinal doyen ou le cardinal camerlingue de l’Eglise, celui qui assure l’intérim entre deux pontificats, demande à celui qui vient d’être élu s’il accepte son élection : Acceptez-vous votre élection, faite selon les règles canoniques, au souverain pontificat ?  L’élu qui accepte est immédiatement considéré comme le pape, et sa juridiction s’étend, à l’instant même sur l’ensemble des catholiques du monde : chaque cardinal vient faire obédience à celui qui vient d’être élu et qui a choisi le nom par lequel il veut être appelé. Après cette obédience des cardinaux, le nom du nouveau pape est annoncé aux fidèles assemblés sur la place Saint-Pierre et au monde entier, par l’intermédiaire de la télévision : le pape donne alors sa première bénédiction "urbi et orbi", à la ville de Rome et au monde. C’est ainsi que les mass-média ont fait rapidement partager au monde l’étonnement de la foule romaine qui apprenait, le soir du 16 Octobre 1978, que son pasteur était désormais Karol Wojtyla, qui prenait le nom de Jean-Paul II ; c’est ainsi également qu’ils ont transmis au monde l’acquiescement de la foule qui acclamait celui qui lui recommandait de ne pas avoir peur : la base du peuple chrétien, renouant avec l’antique tradition, confirmait le choix des cardinaux. Pendant près d’un millénaire, jusqu’à Paul VI, le début du nouveau pontificat était marqué par le rite du couronnement : le nouveau pape était couronné d’une tiare à triple couronne, signifiant qu’il était le père des princes et des rois, le guide visible du monde et le vicaire du Christ dans l’ensemble de l’Eglise : la papauté était alors considérée comme un pouvoir temporel qui pouvait s’exercer en tous les domaines. Paul VI recommanda de renoncer à cette pratique devenue anachronique. Jean-Paul I et Jean-Paul II ont poursuivi cette évolution, en abolissant la cérémonie officielle du couronnement par une intronisation liturgique, avec la remise du "pallium", simple bande de laine blanche marquée de croix noires, dont la signification est la juridiction archiépiscopale. Au lendemain de cette célébration, purement liturgique, le nouveau pape prend officiellement possession de son diocèse de Rome, en visitant la cathédrale romaine de saint Jean de Latran, en présence du clergé et des fidèles de la cité romaine, réunie dans leur église-cathédrale.

La tâche spirituelle du pape

Le successeur de Pierre n’est pas au-dessus des autres évêques ou des autres chrétiens : il est membre de l’Eglise de Jésus-Christ. Pierre était d’abord un apôtre, et, le pape est d’abord un évêque, l’évêque de Rome : sa tâche première n’est pas dans l’exercice d’un pouvoir, d’une domination, elle réside dans le ministère, c’est-à-dire dans le service de la foi et de l’Eglise. Sa tâche est d’abord spirituelle : il a pour mission de sanctifier le peuple chrétien, de le gouverner dans sa marche vers le Royaume de Dieu et de l’enseigner dans sa recherche toujours plus grande de Jésus-Christ et de l’Evangile. Son pouvoir de juridiction est un pouvoir simplement pastoral, son souci étant de mener le peuple chrétien vers son unique Seigneur. II est le "pasteur suprême", celui qui "préside à la charité" des Eglises, et qui a la charge supérieure de l’unité de la catholicité : il exerce son pastorat universel, en veillant avec sollicitude sur l’ensemble du peuple chrétien, en union avec les autres évêques, dans le sens d’une confirmation mutuelle dans la foi. En effet, le catholicisme voit dans l’ensemble du collège épiscopal, c’est-à-dire dans l’ensemble des évêques répartis à travers le monde, le successeur du collège des douze apôtres, et il découvre dans le pape le successeur de Pierre, à qui Jésus a confié son Eglise, en lui recommandant : Toi, affermis la foi de tes frères.

Le pape est personnellement le signe et le garant de l’unité et de l’universalité de l’Eglise. C’est la raison pour laquelle il oriente l’enseignement de toute l’Eglise, dont il se doit d’assurer l’unité, en assurant la transmission fidèle du message évangélique.

Depuis le concile Vatican I, en 1870, les catholiques affirment l’infaillibilité du pape, lorsqu’il parle "ex cathedra", c’est-à-dire lorsqu’il définit une doctrine sur la foi ou sur les moeurs "en vertu de sa suprême autorité apostolique". Le texte ajoute : le pape jouit pour cela, grâce à l’assistance divine promise à Pierre, de l’infaillibilité dont le Christ a pourvu son Eglise.

II n’est nullement indiqué, dans le texte même de la définition dogmatique, que tout ce que dit le pape, sur n’importe quel sujet ou dans n’importe quelle circonstance, doit être tenu pour une vérité absolue qui réclame l’obéissance de la foi. C’est ainsi que l’on affirme, dans certains milieux autorisés, que le pape Paul VI raya lui-même un passage où il était fait allusion à l’infaillibilité, dans le domaine des moeurs, dans la préparation de l’encyclique "Humanae Vitae", relative à la régulation des naissances. Les déclarations pontificales, même si elles n’engagent pas l’infaillibilité, réclament cependant un assentiment respectueux de la part des catholiques. En fait, les papes n’ont guère utilisé cette sorte de privilège qui leur avait été accordé dans une époque troublée, pour raffermir la vigueur et l’autorité de l’Eglise catholique en face de la montée du rationalisme. La seule occasion où un pape a fait usage de l’infaillibilité fut la définition solennelle du dogme de l’Assomption de la Vierge Marie, par Pie XII, en 1950. II ne le fit d’ailleurs pas sans avoir consulté tous les évêques et obtenu leur adhésion quasi unanime. Signe que l’assistance divine qui garantit l’exercice de l’enseignement pontifical ne place pas le pape au-dessus de l’Eglise : c’est au nom de toute l’Eglise qu’il parle, dans la solidarité avec les autres évêques.

La succession au siège apostolique de Pierre

 

Ordre      Année            Nom & Origine

 

   1                33            Pierre (st) Galiléen

   2                67            Lin (st)

   3                76            Clet (st) Romain

   4                88            Clément I (st) Romain

   5                97            Evariste (st) Grec

   6              105            Alexandre I Romain

   7              115            Sixte I (st) Romain

   8              125            Télesphore (st) Grec

   9              136            Hygin (st) Grec

 10              140            Pie I (st) Italien

 11              155            Anicet (st) Syrien

 12              166            Soter (st) Campanien

 13              175            Eleuthère (st) Grec

 14              189            Victor I (st) Africain

 15              199            Zéphyrin (st) Romain

 16              217            Calixte I (st) Romain

 17              222            Urbain I (st) Romain

                   217-235    Hippolyte (st), antipape Romain

 18              230            Pontien (st) Romain

 19              235            Anthère (st) Grec

 20              236            Fabien (st) Romain

 21              251            Corneille (st) Romain

                   251            Novatien, antipape

 22              253            Lucius I (st) Romain

 23              254            Etienne I (st) Romain

 24              257            Sixte II (st) Grec

 25              259            Denys (st)

 26              269            Félix I (st) Romain

 27              275            Eutychien (st)

 28              263            Caïus (st) Dalmate

 29              296            Marcelin (st) Romain

 30              308            Marcel I (st) Romain

 31              309            Eusèbe (st) Grec

 32              311            Miltiade (st) Africain

 33              314            Sylvestre I (st) Romain

 34              336            Marc (st) Romain

 35              337            Jules I (st) Romain

 36              352            Libère (st) Romain

                   355-365    Félix II, antipape

 37              366            Damase I (st) Espagnol

                   366-367    Ursinus, antipape

 38              384            Sirice (st) Romain

 39              399            Anastase I (st) Romain

 40              401            Innocent I (st) Albanais

 41              417            Zosime (st) Grec

 42              418            Boniface I (st) Romain

                   418-419    Eulalius, antipape

 43              422            Célestin I (st) Campanien

 44              432            Sixte III (st) Italien

 45              440            Léon I le grand (st) Italien

 46              461            Hilaire (st) Sarde

 47              468            Simplice (st) Italien

 48              483            Félix III (st) Romain

 49              492            Gélase I (st) Africain

 50              496            Anastase II Romain

 51              498            Symmaque (st) Sarde

                   498-505    Laurent, antipape

 52              514            Hormisdas (st) Italien

 53              523            Jean I (st) Italien

 54              526            Félix IV (st) Italien

 55              530            Boniface II Romain

                   530            Dioscore, antipape

 56              533            Jean II Romain

 57              535            Agapet I (st) Romain

 58              536            Silvère Italien

 59              537            Vigile Romain

 60              556            Pélage I Romain

 61              561            Jean III Italien

 62              575            Benoît I Romain

 63              579            Pélage II Romain

 64              590            Grégoire I le Grand Romain

 65              604            Sabinien Italien

 66              607            Boniface III Romain

 67              608            Boniface IV (st) Italien

 68              615            Dieudonné I (st) Romain

 69              619            Boniface V Italien

 70              625            Honorius I Campanien

 71              640            Séverin Romain

 72              640            Jean IV Dalmate

 73              642            Théodore I Grec

 74              649            Martin I (st) Italien

 75              654            Eugène I (st) Romain

 76              657            Vitalien (st) Italien

 77              672            Adéodat Romain

 78              676            Donus Romain

 79              678            Agathon (st) Italien

 80              682            Léon II (st) Italien

 81              684            Benoît II (st) Romain

 82              685            Jean V Syrien

 83              686            Conon Italien

                   687            Théodore et Pascal, antipapes

 84              687            Serge I (st) Syrien

 85              701            Jean VI Grec

 86              705            Jean VII Grec

 87              708            Sisinnius Syrien

 88              708            Constantin Syrien

 89              715            Grégoire II (st) Romain

 90              731            Grégoire III (st) Syrien

 91              741            Zacharie (st) Grec

 92              752            Etienne Italien

                       celui-ci, étant mort avant sa consécration qui marquait le début du pontificat officiel, n’est pas enregistré dans la suite des papes.

 93              752            Etienne II Romain

 94              757            Paul I (st) Romain

                   767-769     Constantin, antipape

                   768            Philippe, antipape

 95              768            Etienne III (st) Italien

 96              772            Adrien I Romain

 97              795            Léon III (st) Romain

 98              816            Etienne IV Romain

 99              817            Pascal I (st) Romain

100             824            Eugène II Romain

101             827            Valentin Romain

102             827            Grégoire IV Romain

                   844            Jean, antipape

103             844            Serge II Romain

104             847            Léon I V (st) Romain

105             855            Benoît III Romain

                   855            Anastase, antipape

106             858            Nicolas I (st) Romain

107             867            Adrien II Romain

108             872            Jean VIII Romain

109             882            Marin I Italien

110             884            Adrien III (st) Romain

111             885            Etienne V Romain

112             891            Formose Italien

113             896            Boniface VI Italien

114             896            Etienne VI Romain

115             897            Romain Italien

116             897            Théodore II Romain

117             898            Jean IX Italien

118             900            Benoît IV Romain

119             903            Léon V Italien

                   903-904    Christophore, antipape

120             904            Serge III Romain

121             911            Anastase III Romain

122             913            Landon Italien

123             914            Jean X Italien

124             928            Léon VI Italien

125             928            Etienne VII Romain

126             931            Jean XI Romain

127             936            Léon VII Romain

128             939            Etienne VIII Romain

129             942            Marin II Romain

130             946            Agapet II Italien

131             955            Jean XII Romain

132             963            Léon VIII laïc Romain

133             964            Benoît V Romain

134             965            Jean XIII Romain

135             973            Benoît VI Romain

                   974            Boniface VII, antipape

136             974            Benoît VII Romain

137             983            Jean XIV Italien

                   984            Boniface VII, de nouveau, antipape

138             985            Jean XV Romain

139             996            Grégoire V Saxon

                   997            Jean XVI, antipape

140             999            Sylvestre II Français

141           1003            Jean XVII Romain

142           1004            Jean XVIII Romain

143           1009            Serge IV Romain

144           1012            Benoît VIII Italien

                 1012            Grégoire, antipape

145           1024            Jean XIX laïc Italien

146           1032            Benoît IX Italien

                              célèbre pour ses dérèglements, il sera déposé

147           1045            Sylvestre III Romain

148           1045            Benoît IX, de nouveau déposé

149           1045            Grégoire VI Romain

150           1046            Clément II Saxon

151           1047            Benoît IX, pour la troisième fois

152           1048            Damase II Bavarois

153           1049            Léon IX (st) Français

154           1055            Victor II Allemand

155           1057            Etienne IX Français

                 1058            Benoît X, antipape

156           1059            Nicolas II Français

157           1061            Alexandre III Italien

                 1061-1072   Honorius II, antipape

158           1073            Grégoire VII (st) Italien

                 1080-1100   Clément III, antipape

159           1086            Victor III Italien

160           1088            Urbain II Français

161           1099            Pascal II Italien

                 1100            Théodoric, antipape

                 1102            Albert, antipape

                 1105-1111   Sylvestre IV, antipape

162           1118            Gélase II Italien

                 1118-1121   Grégoire VIII, antipape

163           1119            Calixte II Français

164           1124            Honorius II Italien

                 1124           Célestin II Romain

165           1130            Innocent II Italien

                 1130-1138 Anaclet II, antipape

                 1138            Victor IV, Grégoire, antipapes

166           1143            Célestin II Italien

167           1144            Lucius II Italien

168           1145            Eugène III Italien

169           1153            Anastase IV Romain

170           1154            Adrien IV Anglais

171           1159            Alexandre III Italien

                 1159-1164   Victor IV, antipape

                 1164-1168   Pascal III, antipape

                 1168-1178   Calixte III, antipape

                 1179-1180   Innocent III, antipape

172           1181            Lucius III Italien

173           1185            Urbain III Italien

174           1187            Grégoire VIII Italien

175           1187            Clément III Romain

176           1191            Célestin III Romain

177           1198            Innocent III Romain

178           1216            Honorius III Romain

179           1227            Grégoire IX Italien

180           1241            Célestin IV Italien

181           1243            Innocent IV Italien

182           1254            Alexandre IV Italien

183           1261            Urbain IV Français

184           1265            Clément IV Français

185           1271            Grégoire X Italien

186           1276            Innocent V Italien

187           1276            Adrien V Italien

188           1276            Jean XXI Portugais

189           1277            Nicolas III Romain

190           1281            Martin IV Français

191           1285            Honorius IV Romain

192           1288            Nicolas IV Italien

193           1294            Célestin V (st) Italien

194           1294            Boniface VII Italien

195           1303            Benoît XI Italien

196           1305            Clément V Français

197           1316            Jean XXII Français

                 1328-1330   Nicolas V, antipape

198           1334            Benoît XII Français

199           1342            Clément VI Français

200           1352            Innocent VI Français

201           1362            Urbain V Français

202           1370            Grégoire XI Français

203           1378            Urbain VI Italien

204           1389            Boniface IX Italien

205           1404            Innocent VII Italien

206           1406            Grégoire XII Italien

                 1378-1394   Clément VII, antipape

                 1394-1423   Benoît XIII, antipape

                 1409-1410   Alexandre V, antipape

                 1410-1415   Jean XXIII, antipape

207           1417            Martin V Romain

208           1431            Eugène IV Italien

                 1439-1449   Félix V, antipape

209           1447            Nicolas V Italien

210           1455            Calixte III Espagnol

211           1458            Pie II Italien

212           1464            Paul II Italien

213           1471            Sixte IV Italien

214           1484            Innocent VIII Italien

215           1492            Alexandre VI Espagnol

216           1503            Pie III Italien

217           1503            Jules II Italien

218           1513            Léon X Italien

219           1522            Adrien VI Hollandais

220           1523            Clément VII Italien

221           1534            Paul III Romain

222           1550            Jules III Romain

223           1555            Marcel II Italien

224           1555            Paul IV Italien

225           1559            Pie IV Italien

226           1566            Pie V (st) Italien

227           1572            Grégoire XIII Italien

228           1585            Sixte-Quint Italien

229           1590            Urbain VII Romain

230           1590            Grégoire XIV Italien

231           1591            Innocent IX Italien

232           1592            Clément VIII Italien

233           1605            Léon XI Italien

234           1605            Paul V Romain

235           1621            Grégoire V Italien

236           1623            Urbain VIII Romain

237           1644            Innocent X Romain

238           1655            Alexandre VII Italien

239           1667            Clément IX Italien

240           1670            Clément X Romain

241           1676            Innocent XI Italien

242           1689            Alexandre XIII Italien

243           1691            Innocent XII Italien

244           1700            Clément XI Italien

245           1721            Innocent XIII Romain

246           1724            Benoît XIII Italien

247           1730            Clément XII Italien

248           1740            Benoît XIV Italien

249           1758            Clément XIII Italien

250           1769            Clément XIV Italien

251           1775            Pie VI Italien

252           1800            Pie VII Italien

253           1823            Léon XII Italien

254           1829            Pie VIII Italien

255           1831            Grégoire XVI Italien

256           1846            Pie IX Italien (bx)

257           1878            Léon XIII Italien

258           1903            Pie X (st) Italien

259           1914            Benoît XV Italien

260           1922            Pie XI Italien

261           1939            Pie XII Romain

262           1958            Jean XXIII Italien (bx)

263           1963            Paul VI Italien

264           1978            Jean-Paul I Italien

265           1978            Jean-Paul II Polonais

 

Les cardinaux, ces "princes de l’Eglise"

L’élection des papes se fait par le Collège des cardinaux qui forment le conseil du pape. Jusqu’à une époque très récente, ils étaient considérés comme des "princes de l’Eglise", et les souverains du monde les appelaient même parfois leurs "cousins". Depuis le pontificat de Paul VI, ils ont perdu de leur prestige mondain. C’est à Rome, dans les premiers siècles du christianisme que la fonction cardinalice a pris naissance. Le titre de "cardinal" était alors attribué aux clercs, prêtres ou diacres, qui étaient chargés de conseiller un évêque dans l’administration d’une église locale importante. Plus tard, vers le huitième siècle, les évêques des diocèses voisins de Rome, appelés "diocèses suburbicaires", reçurent, eux aussi, le titre cardinalice. Plus tard encore, ce même titre fut attribué à des évêques ou à des prélats, qui étaient éloignés de Rome par la distance, mais qui étaient proches du siège apostolique de Pierre, en aidant le pape dans son gouvernement de l’Eglise : pour ce faire, ils quittaient leur diocèse d’origine pour travailler à l’administration centrale de l’Eglise catholique. Le pape Sixte-Quint établit, en 1586, une nouvelle législation à propos des cardinaux : il les établissait comme les sénateurs de l’ancienne Rome, chargés d’aider l’empereur dans son administration temporelle, il prenait également exemple sur le conseil des vieillards qui aidaient Moïse, au temps de l’exode du peuple juif, depuis le pays de la servitude en Egypte jusqu’à l’installation dans la Terre Promise Pour cette raison, Sixte-Quint fixait à soixante-dix le nombre des cardinaux. Mais, dans le même temps, ces cardinaux devenaient de véritables princes, qui n’avaient plus grand-chose à voir avec la charge sacerdotale et pastorale des clercs : que l’on songe, par exemple, au cardinal Mazarin... Le cardinalat ne gardait pratiquement aucun lien avec l’idéal de la pauvreté évangélique, telle qu’elle pouvait être prêchée aussi bien par Jésus que par l’ensemble du clergé. Une réforme devenait absolument nécessaire dans l’Eglise du vingtième siècle : elle s’est faite par étapes successives. C’est d’abord le pape Pie XII qui entreprit d’enlever à l’Italie le privilège presque exclusif du cardinalat. Son successeur, Jean XXIII, décidait de ne plus limiter le Sacré-Collège au nombre de soixante-dix cardinaux ; sous son pontificat, le collège des Cardinaux devait atteindre quatre-vingt dix membres, tous ordonnés évêques. Mais c’est Paul VI qui entreprit la plus grande réforme du Sacré-Collège. En février 1965, il y admet des patriarches orientaux ; en juin 1967, le Collège regroupe cent dix-huit membres ; en novembre 1970, il fixe la limite d’âge des cardinaux électeurs du pape à 80 ans ; et, en mars 1973, il élargissait la possibilité de participer au conclave et donc d’élire son successeur à des évêques et des patriarches qui n’étaient pas membres du Collège cardinalice.

La double décision de Paul VI d'augmenter à cent vingt le nombre des cardinaux-électeurs et de fixer une limite d'âge à quatre-vingts ans permettait, sans trop augmenter le nombre des électeurs de donner à celui-ci un élan de jeunesse relative : le souci qui le dirigeait était celui d'une représentativité plus large, tenant compte notamment de la montée des Eglises non-occidentales. C'est de cette façon qu’il laissait, pour choisir son successeur, un collège de cardinaux comprenant seulement 28 Italiens sur 114 électeurs, dont la majorité, pour la première fois dans l'histoire de l'Eglise catholique, n'était plus européenne, les Eglises du Tiers-Monde étant représentées par quarante-cinq cardinaux. Il poursuivait ainsi l'oeuvre de mise à jour de l'Eglise, voulue par le concile Vatican II, élargissant les structures ecclésiales aux dimensions de la catholicité. A sa manière, il préparait ainsi l'élection d'un pape non-italien. Le collège électoral, réuni après la mort de Paul VI, choisissait, en un seul jour, le patriarche de Venise, Albino Luciani, pour successeur de Paul VI : pour manifester son souci de fidélité au Concile et aux deux papes qui l'avaient précédé, il choisissait comme nom pour son pontificat le prénom de Jean-Paul. Après un mois de pontificat, le 29 Septembre 1978, les radios du monde annonçaient l'incroyable nouvelle : le pape Jean-Paul Ier est mort.

Il avait fallu une journée pour élire Jean-Paul Ier, il en faudra deux pour désigner celui qui le remplacera ; et pour la première fois depuis 1522, il ne sera pas Italien ni Romain, il sera polonais ; pour manifester son désir de poursuivre l'oeuvre entreprise par ses prédécesseurs, il décide de se nommer Jean-Paul également.

Le territoire du pape : l'Etat du Vatican

Les dimensions territoriales de l'actuelle "Cité du Vatican" sont très éloignées de celles des "Etats pontificaux" qui s'étendaient, au dix-neuvième siècle, sur une très grande part de l'Italie qui recherchait alors son unité. Le Vatican n'est pas un état comme les autres, en raison de sa taille : quarante-quatre hectares à peine. Pourtant, le Vatican reste un état, même s'il est le plus petit des états du monde, et il est reconnu comme tel par les nations du monde, alors que, géographiquement, il ne représente qu'un petit quartier de la ville de Rome. C'est donc un état symbolique, si l'on considère sa superficie ou sa puissance militaire, mais c'est aussi un état très écouté dans le concert des nations, en raison de la personnalité morale de son chef et de l'autorité spirituelle qui lui est reconnue par plus de sept cents millions de fidèles. Le Vatican est représenté auprès des différentes nations par des nonces ou par des délégués apostoliques, qui sont chargés d’entretenir des relations officielles avec les gouvernements civils des pays dans lesquels ils sont en mission. Le "Saint-Siège", autre nom qui est donné à l'Etat du Vatican, dispose aussi d'observateurs auprès de grandes instances internationales, comme l'Organisation des Nations Unies ou le Conseil de l'Europe...

La Cité du Vatican proprement dite comprend la basilique et la place Saint-Pierre, le palais pontifical et les jardins du Vatican. Mais le traité du Latran, qui donna naissance à l'Etat du Vatican, en 1929, garantit également à un certain nombre d'immeubles ecclésiastiques de Rome les privilèges d'extraterritorialité et d'exemption d'impôts. Alors que tous les états du monde ont été constitués pour permettre la cohabitation organisée entre toutes les personnes résidant sur un même territoire, le Vatican, quant à lui, a été créé pour garantir la liberté et l'indépendance politique du Saint-Siège. D'ailleurs, le Vatican ne compte à peine qu'un millier d'habitants, dont la moitié seulement jouissent de la citoyenneté ; il s'agit essentiellement de cardinaux, de prêtres, de diplomates et des gardes suisses qui assurent la police et l'armée de cet Etat. Le Vatican émet sa propre monnaie, dont le cours est d'ailleurs identique à celui de la monnaie italienne. Le chef de cet état n'est autre que le pape lui-même, et la forme de son gouvernement est celle d'une monarchie élective à vie. Le pape dispose de tous les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire : il existe au Vatican un tribunal de première instance, une cour d'appel et une cour de cassation qui exercent leurs fonctions au nom du pape. Enfin, depuis 1954, cet Etat est placé sous la protection de la Convention de La Haye, en cas de conflit armé, d'autant plus que les corps militaires pontificaux n'existent plus mise à part la garde suisse - depuis 1970.

Le gouvernement du pape repose essentiellement sur la Curie romaine, qui regroupe des organismes dont les institutions remontent souvent à plusieurs siècles. Cette Curie se compose des collaborateurs immédiats et quotidiens du pape, pour que celui-ci puisse exercer son ministère plein et entier envers l'Eglise universelle. La Curie romaine est les complexe des Congrégations et des Bureaux cardinalices, des organes juridiques, des secrétariats et des représentations officielles à l'extérieur du Vatican dont le pape se sert pour le gouvernement de l'Eglise universelle.

La Secrétairerie d'Etat ou Secrétariat du pape occupe une place particulièrement importante : le cardinal secrétaire d'Etat est le premier collaborateur du pape et il n'y a aucun organisme dans l'administration pontificale où il n'ait la possibilité de faire entendre sa voix, en écho direct de la voix du pape lui-même, de qui il tire tous ses pouvoirs. La Secrétairerie d'Etat fait penser au cabinet privé d'un véritable chef d'Etat : elle assiste directement le souverain pontife dans son service quotidien de l'Eglise catholique et elle constitue, en même temps, l'organe privilégié des relations entre l'ensemble des fidèles et des pasteurs de l'Eglise et les différentes commissions de la Curie romaine. Le même cardinal secrétaire d'Etat est, en outre, chargé des relations du Saint-Siège avec les différents gouvernements du monde, avec lesquels le Vatican entretient des relations diplomatiques.

Alors qu'elles trouvent leur origine au seizième siècle, les congrégations romaines sont des commissions stables qui, sous la direction d'un cardinal, sont chargées d'étudier toutes les affaires de l'Eglise, dans leur diversité. La congrégation pour la doctrine de la foi, qui a pris le relais de la congrégation de l'Inquisition, instituée en 1542 pour lutter contre les hérésies qui menaçaient l'Eglise catholique à la Renaissance, devenue ultérieurement le Saint-Office, est chargée d'examiner les questions relatives à la doctrine chrétienne elle-même, dans le domaine de la foi et de la morale. La congrégation pour les Eglises orientales est chargée des questions relatives aux chrétiens appartenant aux rites orientaux, soit environ onze millions de fidèles, dont près de la moitié sont persécutés par les autorités civiles de leur pays respectif. La congrégation pour les évêques est chargée de tout ce qui peut concerner les trois mille sept cents évêques, répartis en deux mille trois cent quatre-vingts diocèses, à l'exception de ceux qui sont soumis à la juridiction de la congrégation pour les Eglises orientales ; c'est cette congrégation qui est chargée de la création de nouveaux diocèses ou de la désignation des nouveaux évêques, en négociant ses décisions avec les pouvoirs civils. La congrégation pour les sacrements et le culte divin est chargée de la discipline en matière de sacrements, en particulier des conditions de validité du mariage ou des ordinations sacerdotales. La congrégation pour les causes des saints est chargée de l'examen des différentes causes des serviteurs de Dieu, dont elle entreprend le procès canonique, fondé sur l'examen très précis de leurs écrits ou de leurs enseignements, de leurs vertus personnelles ou des miracles qu'ils ont pu accomplir, après leur mort, en réponse à leur invocation par des fidèles ; après le procès canonique, un rapport est adressé au pape qui procède lui-même à la canonisation solennelle de tel ou tel serviteur de Dieu. La congrégation pour le clergé s'occupe de la vie et du ministère des deux cent soixante mille prêtres séculiers répartis dans le monde, en se chargeant de la sanctification du clergé et du ministère de la parole que le prêtres peuvent exercer quotidiennement dans leur mission d'évangélisation et de formation religieuse de tous les fidèles ; enfin, cette congrégation est également chargée de tout ce qui peut concerner la vie matérielle des prêtres et l'administration des biens temporels de l'Eglise universelle. La congrégation pour les religieux et les instituts séculiers a une juridiction totale sur tous les religieux, qu'ils soient ou qu'ils ne soient pas prêtres, et sur toutes les religieuses de rite latin : elle est chargée de promouvoir le renouveau de la vie religieuse dans le monde présent. La congrégation pour l'éducation catholique est subdivisée en plusieurs bureaux pour régler toutes les affaires qui peuvent concerner l'éducation chrétienne, en commençant par la formation des prêtres, mais aussi en veillant aux universités et aux instituts d'enseignement supérieur catholique, aux écoles non universitaires quel que soit le niveau de l'enseignement qui y est dispensé ; sa juridiction ne s'étend pas cependant aux affaires orientales, qui, elles, sont soumises à la congrégation pour les Eglises orientales. La congrégation pour l’évangélisation des peuples exerce sa juridiction sur tous les pays considérés comme "pays de mission" : tout en respectant le souci premier de l'évangélisation de ces peuples, elle est chargée de veiller, avec une particulière attention, à la promotion du clergé autochtone, sont elle doit susciter la vocation et veiller à l'expansion, par respect pour les Eglises locales.

Toutes ces congrégations, appelées également les "dicastères", sont animées, depuis la réforme entreprise par Paul VI, d'un souci de service de l'Eglise universelle : les évêques qui résident dans leur diocèse respectif sont aussi appelés à travailler dans les différentes commissions, en tant que membres des dites congrégations. Pourtant, cette décision d'appeler au travail romain des représentants des épiscopats locaux se heurte à la difficulté qu'éprouvent les évêques résidentiels de quitter leur diocèse pour se mettre au service des différentes organismes de la Curie romaine. De plus, et c'est la deuxième difficulté, il est très difficile d'établir un contact permanent entre les épiscopats locaux et l'administration romaine, qui exige, pour pouvoir exercer efficacement sa tâche, un personnel stable.

Le gouvernement de l'Eglise catholique repose aussi sur différents secrétariats. C'est le pape Jean XXIII qui a ouvert la voie à un nouveau type de dialogue entre la papauté et l'Eglise universelle. En annonçant l'ouverture du Concile Vatican II, il créa le Secrétariat pour l'unité des chrétiens chargé d'établir des relations nouvelles et fraternelles avec les chrétiens qui ne sont pas de confession catholique, qu'ils soient occidentaux ou qu'ils soient orientaux : le travail de ce secrétariat est particulièrement important dans la marche vers la communion oecuménique de toutes les Eglises, puisqu'il s'agit d'éviter de diviser les catholiques davantage en même temps qu'il s'agit d'oeuvrer à la réconciliation chrétienne universelle. Dans le sillage de son prédécesseur, Paul VI créa un Secrétariat pour les non-chrétiens chargé de nouer des relations avec tous les croyants qui n'appartiennent pas au christianisme, afin de permettre aux chrétiens de les connaître et de les estimer et que les non-chrétiens, quant à eux, puissent également connaître et apprécier la foi chrétienne dans toutes ses dimensions. Après avoir renoué les contacts avec les chrétiens non-catholiques, après avoir ouvert le dialogue avec les non-chrétiens, Paul VI souhaita ouvrir également le dialogue avec tous ceux qui se présentent comme incroyants et qui refusent toute valeur religieuse : le Secrétariat pour les non-croyants trouvait là son acte de naissance ; sa mission est d'étudier le phénomène de l'athéisme et d'entreprendre des relations avec (et non pas contre) tous les incroyants, en s'appuyant également sur les Eglises locales, affrontées plus directement au phénomène de l'incroyance.

Deux autres commissions ont vu le jour après le deuxième concile du Vatican. Le Conseil pontifical pour les laïcs était créer pour le service et la promotion de l'apostolat des laïcs chrétiens, qui peuvent, eux aussi, jouer un rôle important dans la mission évangélisatrice de l'Eglise dans les différentes communautés chrétiennes au sein desquelles ils vivent chaque jour. La Commission pontificale "Justice et paix" veut favoriser partout dans le monde la justice et y répandre l'amour annoncé par le Christ lui-même : elle se doit de veiller à la promotion et à l'essor des nations pauvres et d'inciter les nations à vivre dans la justice sociale, en travaillant au développement des peuples et en faisant respecter les droits de l'homme. Dans la ligne de cette dernière commission, le pape Paul VI créait, en 1911, un autre organisme dont le nom "Cor unum", "un seul coeur", est à lui seul tout un programme : il lui revient d'apporter les secours d'urgence aux victimes des catastrophes et de travailler également au développement des peuples.

Le tribunal de la signature apostolique veille à la parfaite administration de la justice dans toute l'Eglise et à la régularisation des concordats qui peuvent être conclus entre les nations et le Saint-Siège ; et il étend sa compétence sur les différents contentieux qui peuvent naître des actes de l'administration ecclésiastique. Le rote romaine est une véritable cour d'appel qui examine les causes déjà jugées par les tribunaux ecclésiastiques ordinaires, en particulier les causes de nullité de mariage, celles qui font qu'un mariage sacramentel n'a pas réuni toutes les conditions nécessaires à sa validité. La pénitencerie apostolique est chargée d'assurer toujours la paix des consciences, même en cas de vacance du siège apostolique : elle peut examiner les affaires de conscience, même celles qui ne relèvent pas directement du sacrement de la réconciliation.

Ces différentes organismes du gouvernement de l'Eglise se doivent d'avoir pour règle de conduite de toujours remplir leur service qualifié, de manière à ce qu'il soit profitable pour les différents épiscopats du monde, dans leur ministère auprès des hommes qu'ils rencontrent.

La papauté à la fin du vingtième siècle

La définition de l'infaillibilité papale, au premier concile du Vatican, avait sérieusement compromis toute forme de dialogue avec les Eglises chrétiennes non catholiques Ainsi les protestants, les anglicans et les orthodoxes ne sont toujours pas prêts à accepter un tel dogme, même s'ils reconnaissent certains points d'une importance capitale dans l'exercice de la papauté. Un ministère d'unité oecuménique est indispensable : celui-ci, dès les origines de l'Eglise, a reposé sur la responsabilité de Pierre, le premier entre des égaux. Ce ministère d'unité, tel qu'il est souhaité par les Eglises, pourrait donc revenir à l'évêque de Rome, si la papauté acceptait de changer et de se renouveler. Le pape Jean XXIII a beaucoup contribué à transformer ce visage de la charge pontificale : il est apparu comme un père et comme un pasteur, veillant avec un souci quotidien sur l'ensemble du peuple chrétien, en adoptant définitivement un style évangélique dépourvu de tout le poids de l'autorité dont il pouvait être investi en raison de sa charge papale.

Le 28 Octobre 1958, au douzième tour de scrutin du conclave réuni pour choisir un successeur à Pie XII, c'est Angelo Roncalli qui est élu, à l'étonnement de tous : il avait soixante-dix sept ans, et, selon l'opinion des observateurs, il devait être un "pape de transition", après le brillant pontificat de Pie XII, mais aussi dans l'attente d'un renouvellement de l'Eglise catholique, renouvellement qui était l'objet de l'espérance de beaucoup de catholiques eux-mêmes. Mais très rapidement, on s'aperçoit qu'il ne sera pas un "pape de transition" : il sera plutôt le pape du renouvellement. Trois mois après son élection, le 25 Janvier 1959, il convoque un concile Cette annonce fait l'effet d'une bombe dans l'Eglise : ce pape était décidé à mener à bien "l'aggiornamento" de l'Eglise : ce qu'il attendait de ce concile, c'était "un peu d'air frais pour l'Eglise". Aussitôt sa décision prise de convoquer le deuxième concile du Vatican, il fait accélérer le processus de sa préparation, en envoyant une lettre à tous les évêques du monde pour leur demander leurs suggestions. Les décisions qui devraient être prises ne seraient pas le seul fait d'un pouvoir centralisé, mais le fait de la collégialité des évêques, tous responsables de l'évangélisation. Il fallait rajeunir l'Eglise, l'ouvrir au monde du vingtième siècle pour lui annoncer l'Evangile, il fallait aussi rassembler les chrétiens désunis, ces frères séparés. Il ne s'agissait pas de mettre l’Eglise au goût du jour, mais bien de rendre au monde le goût de l'Evangile. Quand le concile s'ouvre, quatre ans après, le 11 Octobre 1962, certains pensaient qu'il serait simplement une affaire de formalités et qu'il s'agirait simplement d'entériner les mesures prises par la curie romaine et par les spécialistes, désignés par Rome, pour la préparation rapide de ce rassemblement des 2860 évêques du monde. Pourtant, le pape laisse aux évêques une totale liberté : on verra bien ce qui arrivera, disait-iI.

Et, ce fut, pour l'Eglise, une nouvelle Pentecôte. La première séance, le 13 Octobre, fut l'occasion d'un nouveau coup d'éclat, qui fut l'oeuvre du cardinal Liénart, évêque de Lille. Alors qu'il fallait simplement élire les membres des différentes commissions conciliaires, alors que le plus simple, selon les secrétaires du concile, était de reconduire dans leurs fonctions ceux qui avaient déjà été choisis par les instances romaines, ce cardinal s'empare du micro, pour déclarer :  Ce schéma ne me plaît pas, et il propose de surseoir au vote, afin de permettre aux différents épiscopats du monde de mieux se connaître, avant d'élaborer des listes de candidats. Le cardinal Frings, archevêque de Cologne, intervient alors au nom des Allemands, pour apporter son soutien à l'évêque de Lille. Il ne restait plus qu'à lever la séance... elle n'avait duré que vingt minutes, mais ce bref moment avait permis aux évêques de trouver toute leur liberté d'expression.

Jean XXIII suit avec une vive attention les travaux du Concile en veillant cependant à ne pas intervenir directement dans les délibérations des évêques, les laissant mener à bien leurs travaux. Mais la maladie l’atteignait et il ne cessait de souffrir. D'ailleurs, quand on l'interrogeait, au début du concile, en lui demandant ce qu'il comptait faire, il répondait : Ma part à moi, ce sera la souffrance.

L'annonce de sa maladie lui attire de très nombreux témoignages de sympathie, d'affection et d'estime, dans les milieux catholiques bien sûr, mais aussi dans les milieux chrétiens non-catholiques, dans les milieux non-chrétiens, et même dans le monde non-croyant. Son agonie est suivie, d'heure en heure, dans le monde entier, et quand il meurt, le soir du lundi de Pentecôte, le 3 juin 1963, le monde a l'impression d'avoir perdu un père. Sa mission s'achevait, lui, le "pape de transition'', au terme de cinquante-cinq mois de pontificat, avait fini par réconcilier l'Eglise avec son siècle.

Autant la surprise avait été grande, lors de l'élection de celui que l'on nomme déjà ''le bon pape Jean" - le canonisant populairement, avant même tout procès canonique, autant on s'attendait alors à l'élection du cardinal Jean-Baptiste Montini, l'archevêque de Milan, à qui, dans son agonie, Jean XXIII avait recommandé la destinée de l'Eglise et du concile. Au cours de son bref pontificat, Jean XXIII n'avait pu qu'entreprendre la réforme de l'Eglise ; c'est son successeur, qui prend le nom de Paul VI, qui devrait mener à bien l'oeuvre entreprise. Il lui fallut d'abord mener à bonne fin le Concile Vatican II, qui venait d'achever sa première session, puis confirmer la réforme liturgique, la plus importante depuis celle de Pie V, et affirmer aussi la collégialité du corps épiscopal, en réorganisant le gouvernement central de l'Eglise de manière à laisser l'initiative aux épiscopats du monde. Dans son discours de couronnement, le 30 Juin 1963, Il confirme solennellement son engagement de poursuivre les travaux du concile. Et, de fait, pendant les quinze années que dura son pontificat, il permit à l'Eglise de se transformer, en appliquant avec prudence les documents conciliaires ; Paul VI mena à bien les trois dernières sessions.

Et il réussit à marquer les premières années de son pontificat par des gestes prophétiques. Depuis la prise de Rome en 1870, qui mettait fin au pouvoir temporel des papes, ceux-ci s'étaient considérés comme les "prisonniers du Vatican" et n'en étaient jamais sortis. Paul VI rompt avec cet usage et prend le bâton de pèlerin. Le 5 Décembre 1963, il annonce aux pères conciliaires, à la clôture de la deuxième session du concile, son intention de partir en pèlerinage à Jérusalem, un geste qu'aucun pape n'avait fait, un geste qui voulait montrer au monde entier que le véritable chef de l'Eglise n'était autre que le Christ lui-même, un geste qui permettait à l'Eglise elle-même de retrouver son véritable but. Après le retour aux sources sur les pas du Christ et sur les pas de Pierre, le premier pape, Paul VI entreprend sa mission vers l'ensemble du monde, en marchant dans le sillage de saint Paul dont il avait pris, symboliquement, le nom. Après ce pèlerinage, Paul VI effectuera huit voyages à l'étranger. Le 2 Décembre 1964, il se rend à Bombay, en Inde pour y présider la clôture du Congrès eucharistique International. Le 4 Octobre 1965, ce pèlerin de la paix, ainsi qu'il se présente lui-même, lance, du haut de la tribune des nations unies, un vibrant appel à la paix : plus jamais la guerre.

Le 13 Mai 1967, il reprend son bâton de pèlerin pour aller célébrer le cinquantième anniversaire des apparitions de la Vierge Marie à Fatima. Deux mois plus tard, le 25 Juillet, il se trouve à Istanbul, où il rencontre à nouveau le patriarche Athénagoras qu'il avait embrassé à Jérusalem, permettant à une brouille de neuf siècles de s'estomper, il se rend également à Ephèse où Marie, la mère de Jésus, vécut, à la fin de sa vie. Le 22 Août 1968, il se rend à Bogota, en Colombie, pour participer au Congrès Eucharistique International ; il y affirme son souci des nations en voie de développement. Le 10 Juin 1969, il se rend à Genève, pour célébrer les cinquante années de l'Organisation Internationale du Travail, manifestant ainsi que l'Eglise ne cesse de s'attacher aux questions sociales et au sort des travailleurs. Le 31 juillet 1969, il entreprend la première visite pontificale en terre d'Afrique, pour assister à la conférence épiscopale de Kampala. Et, pour son dernier voyage, le 26 Novembre 1970, il entreprend une véritable expédition en Extrême-Orient pour visiter les Philippines, l'Australie, l'Indonésie, la Chine de Hongkong, proclamant le message évangélique renouvelé par le concile, un message de foi, un message d'unité, un message d'amour envers tous les croyants et envers tous les hommes. Par ces voyages à l'étranger, comme par les visites qu'il effectua en Italie, Paul VI manifestait la volonté de l'Eglise d'être présente au monde, pour lui faire connaître la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, sans compromissions.

Tout en voulant renouer des relations suivies avec les autres confessions chrétiennes, Paul VI consacra l'essentiel de ses forces à la vie interne du catholicisme. L'enseignement qu'il dispense se retrouve dans ses grandes encycliques, ces lettres qui permettent à un pape de faire connaître aux chrétiens du monde ses décisions, en matière de doctrine ou en matière des sentiments chrétiens ou de la morale chrétienne. Le 11 Août 1964, il traçait son programme d'action dans l'encyclique "Ecclesiam suam", sur les chemins que l'Eglise devait suivre aujourd'hui pour accomplir sa mission dans le monde sur le plan spirituel, sur le plan moral et sur le plan apostolique. Le 28 Mars 1967, dans son encyclique "Populorum progressio" il lançait un appel à une éthique internationale de la justice, préconisant le développement intégral de tout homme et de tous les hommes, pour sensibiliser tous les hommes de bonne volonté aux problèmes des pays en voie de développement. Fin diplomate et habile politique, Paul VI n'a absolument pas cherché à plaire, notamment dans le domaine de la discipline morale chrétienne, surtout dans les questions relatives au célibat sacerdotal et de la régulation des naissances. Sa dernière encyclique, "Humanae vitae" condamne les moyens illicites de régulation des naissances, pour défendre le droit fondamental à la vie et à l'existence humaine.

Le pontificat de Paul VI s'est surtout attaché à fixer l'interprétation droite des décisions conciliaires. Mais, au coeur même de sa volonté de mener à bien l'oeuvre entreprise par Jean XXIII, il eut le sentiment d'avoir affaire à une Eglise déchirée entre les "progressistes" qui le jugeaient trop timoré et les "traditionalistes" qui le considéraient presque comme un hérétique. II eut beaucoup à souffrir des contestations du dedans de l'Eglise, alors qu’il se voulait un pasteur universel, soucieux d'appliquer les grandes décisions prises collégialement par les évêques du Concile, dans la fidélité à la foi apostolique et dans le souci de l'évangélisation du monde entier. Il pensait que le renouveau de l'Eglise ne pouvait se faire dans la facilité, mais dans la foi authentique et dans la conversion des personnes soucieuses de parvenir à l'unité chrétienne. Il fut certainement un grand pape ; et cependant, douloureux et tourmenté, il mourut le 6 Août, le jour de la Transfiguration, sans avoir eu la joie de voir surmonter la crise dogmatique du catholicisme, sans avoir eu la joie de connaître l'amitié entre les peuples pour lesquels il s'était fait le pèlerin de la paix.

Malgré la maladie qui frappait depuis longtemps le pape Paul VI, sa mort fut soudaine et imprévue : la question de sa succession posait, aux yeux des observateurs, un difficile problème. Pourtant, le 26 Août, vingt-six heures seulement après l'ouverture du conclave, la surprise fut totale pour le monde et pour l'Eglise : au quatrième tour de scrutin, le cardinal Albino Luciani, patriarche de Venise, devenait le nouveau pape, et prenait le nom de Jean-Paul, pour marquer son désir de poursuivre l'oeuvre entreprise par ses deux prédécesseurs. II s'expliquait sur le choix de son nom, le lendemain, devant une foule innombrable massée sur la place Saint-Pierre :

Je n'ai ni la sagesse du coeur du pape Jean ni la préparation et la culture du pape Paul, mais je suis à leur place, je dois chercher à servir l'Eglise. J'espère que vous m'y aiderez de vos prières.

Cette première déclaration officielle laissait apparaître une personnalité qui ne répondait guère à l'image que les foules pouvaient se faire d'un souverain pontife, majestueux et solennel. Il était un homme simple, chaleureux, avec un sourire qui devait marquer le monde entier. Les cardinaux l'avaient choisi parce qu'ils voulaient à la tête de l'Eglise un véritable pasteur, beaucoup plus qu'un diplomate, beaucoup plus qu'un simple bureaucrate... Alors que quelques semaines plus tôt, l'Eglise semblait encore déchirée par la manière dont les uns et les autres prétendaient interpréter le concile, il semblait alors qu'elle retrouvait son unanimité, son unité : progressistes et traditionalistes ne tarissaient pas d'éloges sur ce nouveau pontife romain, même si l'envergure du pape Jean-Paul ne correspondait pas du tout à celle de ses brillants prédécesseurs sur le siège de Pierre ; il semblait avoir été élu pour permettre de faciliter aux évêques le travail collégial, sans avoir toujours besoin de recourir à la Curie romaine, si souvent décriée par les évêques eux-mêmes. En prenant le nom de Jean-Paul, le premier du nom, le cardinal Albino Luciani voulait ainsi continuer l'oeuvre de ses deux prédécesseurs, mais il voulait marquer le commencement d'une nouvelle ère pour l'Eglise : depuis le onzième siècle, les papes n'avaient jamais innové dans le choix de leur nom... Mais, pour ouvrir une nouvelle période dans l'histoire de l'Eglise, Jean-Paul Ier n'a disposé que de trente-trois jours. Le 29 Septembre 1978, le monde apprenait, avec consternation, la mort de ce pape, qui avait conquis les foules par son sourire. L'histoire dira sans doute que ce bref pontificat a été suffisant pour ouvrir de nouveaux chemins à l'Eglise catholique. Jean-Paul l a été le "pape de transition" qui a rendu possible l'élection d'un pape non Italien.

Le 16 Octobre 1978, quarante-huit heures après l'ouverture du deuxième conclave de l'année, et après huit tours de scrutin, le cardinal Karol Wojtyla était élu pape. Premier pape non-italien depuis 1522, premier pape à venir d'un pays socialiste, l'archevêque de Cracovie, en Pologne, n'avait que cinquante-huit ans ; du même coup, l'Eglise catholique se trouvait rajeunie. Le conclave, cette institution que beaucoup considère comme archaïque, avait fait preuve de créativité, déjouant ainsi tous les calculs qui pouvaient être faits quant au choix du successeur de Jean-Paul Ier. Lors de la cérémonie de l'intronisation, il déclarait son intention d'ouvrir encore plus grandes les portes de l'Eglise

N'ayez pas peur ! Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ ! A sa puissance salvatrice, ouvrez les frontières des Etats, les systèmes économiques et politiques, les immenses domaines de la culture, de la civilisation, du développement.

Reprenant à sa manière les gestes prophétiques de Paul VI, Jean-Paul II se fait le pèlerin du Christ à travers le monde : la ville éternelle ne le retient pas prisonnier, il poursuivra la route qui le mène vers le grand large de la catholicité de l'Eglise et de l'universalité du monde. A Puebla, au Mexique, il est le premier pape à entrer dans le "nouveau continent" et il ouvre les travaux de l'épiscopat latino-américain. En Pologne, il célèbre le neuvième centenaire de son prédécesseur martyr, comme archevêque de Cracovie, saint Stanislas, avant de faire ses adieux à sa chère patrie. En Irlande et aux Etats-Unis, il plaide la cause des droits de l'homme, comme le faisait déjà Paul VI, et il souhaite l'inauguration d'un nouvel ordre mondial, fondé sur la justice et sur la fraternité des peuples. Marchant encore dans les pas de Paul VI, il rencontre le patriarche orthodoxe Dimitrios I, pour travailler avec lui à l'oecuménisme de toutes les Eglises chrétiennes. En se rendant en Afrique noire, il soulève l'enthousiasme des jeunes Eglises débordantes de vitalité et de créativité. A Paris, il souligne la dimension collégiale de l'Eglise, dans la mission d'évangélisation du monde et il met en relief le rapport étroit qui peut et doit exister entre l'Eglise et la culture du monde, à l'occasion de sa visite à l'UNESCO, l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture. Au Brésil, à l'occasion du dixième congrès eucharistique national, il interroge le monde sur l'ensemble de sa destinée dans le sens de la justice et de la paix. En Allemagne fédérale, il affirme sa volonté de servir l'unité des chrétiens, en mettant ses pas dans ceux du Christ et il invite les chrétiens à devenir les pionniers d'une civilisation de l'amour qui peut rendre le monde plus digne de l'homme. Au cours de son voyage aux Philippines et au Japon, il présente sa visite comme un voyage de fraternité, dans la ligne d'une mission qui est entièrement religieuse et spirituelle, pour témoigner de l'amour ineffable du Père, qui permet à chaque homme d'être véritablement humain et d'accéder à sa pleine dignité.

Le 13 Mai 1981, avant l'audience générale prévue pour 17 heures, sur la place saint Pierre, Jean-Paul II, debout dans sa Jeep blanche, achevait le tour habituel qu'il fait de la place, lorsqu'il a été victime d'un attentat, perpétré par un jeune homme, d'origine turque, Mehemet Ali Agça. Cet événement tragique souligne, beaucoup mieux que de simples paroles, la dure exigence de la mission du chrétien dans le monde : l'évangélisation, la Bonne Nouvelle de la libération des hommes par le Christ, la proclamation d'un monde nouveau, construit sur la fraternité, l'amour et la paix entre les hommes, n'est jamais sans risque pour celui qui parle au nom même de Dieu. Le vrai prophète, c'est celui qui paie, jusque dans le sang, le prix de la parole qu'il porte fidèlement, dans l'obéissance à Celui qui veut rassembler tous les hommes dans la fraternité. Cet attentat immobilisait Jean-Paul II dans un hôpital italien, mais ne l'empêchait pas de poursuivre la proclamation de son message au monde.

Ce message, il l'avait déjà proclamé au monde entier, au cours de ses déplacements et visites, il l'avait également proclamé dans deux encycliques, deux lettres circulaires adressées aux chrétiens, mais aussi, comme le faisait le pape Jean XXIII, à tous les hommes de bonne volonté. Sa première encyclique commençait par une affirmation qui en indiquait la touche caractéristique, en centrant tout l'effort de l'humanité vers le Christ : Le Rédempteur de l'homme, Jésus-Christ, est le centre du cosmos et de l'histoire.

L'homme de cette fin du vingtième siècle est un homme menacé par ses propres découvertes, par les systèmes politiques et économiques qu'il a lui-même mis en place : l'homme risque toujours de devenir l'esclave de ses propres progrès, et il arrive que certains hommes sont déjà les esclaves des autres. Les droits fondamentaux de la personne humaine sont violés en de nombreux pays : l'homme est atteint dans sa vie par la famine, la torture et la discrimination, qu'elle soit raciale ou qu'elle soit culturelle, même ses droits les plus sacrés, comme le droit à la liberté, ne sont plus respectés. Le tableau du monde, tel qu'il se présentait à Jean-Paul II, en 1979, était pour le moins sombre, et pourtant, le pape demeurait résolument optimiste et réaliste en affirmant qu'il était possible de sortir d'une telle situation, en retrouvant la dignité de l'homme, comme fils de Dieu, dignité qui avait été révélée par Jésus-Christ : il est possible de sortir d'un tel état de choses, en retrouvant les certitudes fondamentales de la foi chrétienne : le mystère de l'amour qui est plus fort que la haine et que la mort, Jésus-Christ. La deuxième encyclique, "Dieu riche en miséricorde", revenait, d'une manière quelque peu différente, sur ce même thème de l'amour de Dieu qui est plus fort que le mal, plus fort que la mort, qui est aussi capable de rendre à l'homme sa véritable dignité. Jésus-Christ a révélé aux hommes le vrai visage de Dieu, un visage de tendresse, que Jean-Paul II souhaitait voir manifesté non seulement en paroles, mais aussi par des actes. Le Christ a révélé un Dieu proche des hommes, proche des hommes qui souffrent de la dureté du monde actuel. Il fallait donc faire connaître au monde ce Père d'amour et de miséricorde, Il fallait donc manifester la tendresse de Dieu dans un monde toujours plus inégalitaire. A l'aube du troisième millénaire, l'humanité est à un nouveau tournant de son histoire : le monde présente de graves déséquilibres qui traduisent le déséquilibre enraciné au plus profond du coeur de chaque homme. Ce monde est devenu capable de se détruire lui-même, et les menaces d'assujettissement de l'homme par l'homme sont devenues parfois des réalités, tant augmentent les inégalités entre les hommes. Un sens plus aigu de la justice s'impose comme une nécessité vitale pour l'ensemble de l'humanité. Alors, les chrétiens, en premier lieu, sont invités à introduire davantage d'amour dans les rapports humains, car l'amour seul est capable de rendre à l'homme sa dignité d'homme : la mission de l'Eglise, telle qu'elle était déjà affirmée par le deuxième concile du Vatican, est de rendre toujours le monde plus humain.

C'est dans cette même perspective que s'ouvrait, en l'absence du pape Jean-Paul II, le quarante-deuxième Congrès eucharistique international, à Lourdes, en juillet 1981. Changer les logiques de la misère, de la violence et de la division n'est pas une tâche impossible ; telle était la visée de la première encyclique, Redemptor hominis. Le monde nouveau, que les chrétiens, forts de l'eucharistie, pain rompu pour un monde nouveau, peuvent construire dès aujourd'hui, s'inscrit dans une nouvelle logique, qui est celle de l'amour. Seul, l'amour construit l'humanité nouvelle. Au cours de la célébration solennelle d'ouverture de ce Congrès, le cardinal Bernardin Gantin, légat du pape, lisait le message que le pape envoyait aux congressistes :

La rénovation réelle du monde entier dont le genre humain a, de nos jours, un si grand besoin est comprise, avant tout, comme spirituelle et surnaturelle. Or, le sacrement de l'amour Ineffable de Dieu recrée l'homme tout entier et le rétablit dans son humanité par la présence mystérieuse du Christ sauveur.

Jean-Paul II souhaitait ardemment participer en personne à ce Congrès qu'il avait voulu et dont il avait lui-même suivi attentivement la préparation ; malgré l'attentat du 13 Mai 1981, il espérait y venir, ne serait-ce que quelques heures. Absent physiquement, le pape était présent spirituellement au coeur des congressistes, auxquels il s'associait dans leur démarche de construction d'un monde nouveau. Ce monde, à la construction duquel chacun se doit de contribuer activement, exige que chacun apprenne à vivre la fraction du pain, non seulement le pain spirituel, mais aussi le pain de la terre, avec tous les hommes, selon toutes les exigences que pose le repas eucharistique : l'accueil, l'échange, le partage, le dépassement des frontières, la volonté de conversion, le renoncement aux préjugés, le souci de transformer les milieux sociaux jusque dans leurs structures et leur esprit.

L'important, pour les chrétiens rassemblés, était de participer à la construction d'un monde plus désirable et plus humain, dans le sens d'une dynamique du partage de la justice et de l'amour. Le partage d'un même pain, celui de l'eucharistie, par tous les chrétiens, porte en lui la promesse de l'unité pour tous les hommes.

Selon l'impulsion nouvelle donnée à l'Eglise catholique depuis l'élection du pape Jean-Paul II, il s'agit, pour les chrétiens de relever, en cette fin de vingtième siècle, le défi du partage et de la solidarité authentique entre toutes les nationalités et toutes les races, entre toutes les cultures et toutes les civilisations. Dans la grande aventure de l'Eglise, le Congrès eucharistique de Lourdes a certainement marqué un tournant historique dont les conséquences ne seront sans doute pas toutes appréciables avant quelques années : l'arrivée des nouvelles Eglises d'Afrique et d'Amérique latine marque déjà l'internationalisation de l'Eglise catholique, qui ne peut plus demeurer simplement européenne ; enfin, un défi est lancé à toutes les nations riches, qui ont sans doute été généreuses et le demeurent : il ne s'agit plus de donner aux peuples pauvres' il s'agit de partager.

Les finances de l'Eglise

Appelée à travailler à l'évangélisation du monde, l'Eglise catholique est aussi une institution humaine ; et, dans ce monde, la puissance de l'argent est très souvent souveraine. Si le Christ n'avait pas une pierre où reposer la tête, il semble que ce ne soit pas le cas de l'Eglise ; et beaucoup pensent que le Vatican est une puissance financière. Et, au moment où s'ouvrait le Congrès eucharistique de Lourde ; le pape Jean-Paul II créait un conseil de cardinaux pour étudier l'organisation et les finances du Saint-Siège, en collaboration avec les organismes compétents de la Curie romaine. La richesse de l'Eglise catholique apparaît comme un véritable mythe : le Vatican n'est qu'un tout petit Etat parmi les grandes puissances mondiales ; mais cet Etat a hérité de l'histoire de la papauté des biens immobiliers et des richesses qui sont incluses dans ses musées. Ces richesses font partie du patrimoine de l'humanité, et elles coûtent souvent très cher à entretenir. Ces richesses sont sans prix mais il n'est pas possible de les monnayer. D'autre part, il semble que l'argent afflue, du monde entier, vers le Vatican ; mais cet argent est immédiatement mis au service de l'Eglise universelle. Une partie de cet argent est destiné à subvenir aux besoins les plus urgents des jeunes Eglises, fondées dans les pays en voie de développement : ces jeunes Eglises, qui ne peuvent survivre que par les allocations du Vatican, connaissent souvent la misère... Une autre partie de cet argent sert à subvenir à la bonne marche des services centraux de l'Eglise, à Rome même... Et le budget de l'Eglise est déficitaire. L'annonce de la création du conseil des cardinaux, choisis parmi les archevêques résidentiels non-italiens, souligne la tâche qui sera la leur : celle de participer à l'étude des problèmes d'organisation et de financement de l'Eglise. Deux problèmes économiques urgents se posent : il faut d'abord moderniser le système de la comptabilité vaticane afin de pouvoir établir un budget cohérent ; il faut ensuite assurer au Siège apostolique de Rome des revenus clairs et stables, afin de pouvoir éponger le déficit sans cesse croissant...

En France, la réputation de l'Eglise d'être riche est illusoire. Certes, l'Eglise de France dispose encore de beaucoup de biens immobiliers : évêchés, séminaires, presbytères, pensionnats, couvents... tout un étalage de biens qui semblent être importants. Certes, depuis la séparation de l'Eglise et de l'Etat, la plupart des églises et des presbytères sont la propriété des communes. Et les autres établissements sont simplement au service de la communauté catholique, affectés qu'ils sont aux besoins de l'administration ou de l'évangélisation. Ces biens ne sont donc pas rentables : en France, l'Eglise est loin d'être riche, et une bonne partie du Clergé n'a que le strict minimum pour vivre. Malgré cela, l'Eglise de France demeure une Eglise généreuse, dont le souci est de partager avec les jeunes Eglises. C'est ainsi que les diocèses français continuent de prendre en charge financièrement les prêtres diocésains français qui vont exercer leur ministère dans un pays du Tiers-Monde ; c'est ainsi également que les diocèses français envoient des offrandes, souvent substantielles, à des diocèses du Tiers-Monde, pour qu'ils puissent disposer de ressources suffisantes dans leur tâche d'évangélisation.

Dans le monde où l'argent est roi, les chrétiens refusent d'en subir la tyrannie, pour adopter une volonté de pauvreté dans la droite ligne de l'évangile. Cependant, il faut être réaliste : certains biens matériels sont indispensables pour mener à bien la tâche d'évangélisation des peuples. L'Eglise de Jésus-Christ se veut servante et pauvre, elle se veut une communauté fraternelle qui possède simplement, les biens nécessaires et indispensables à sa mission, elle se veut enfin une communauté où les premiers bénéficiaires de toutes les ressources soient les pauvres. Cela était déjà vrai au deuxième siècle, ainsi que Justin de Rome le décrivait :

Après la communion, ceux qui ont davantage de moyens, poussés par leur générosité, apportent ce qui leur paraît superflu, et leurs offrandes, déposées entre les mains de celui qui préside l'assemblée, sont ensuite distribuées aux veuves, aux étrangers, aux orphelins, aux malades, aux prisonniers, bref à tous ceux qui sont dans le besoin, pour leur venir en aide.

Depuis toujours, les biens de l'Eglise sont les biens des pauvres. En voulant remettre de l'ordre dans les finances de l'Eglise, les cardinaux, nommés par Jean-Paul II, ne perdront certainement pas de vue cette urgence de redonner, ou plus exactement de partager avec tous ceux qui sont dans le besoin. D'autant plus que cette urgence s'inscrit dans la droite ligne des requêtes, posées par les catholiques rassemblés au Congrès eucharistique de Lourdes. Le gouvernement des Eglises locales

Les Eglises catholiques locales constituent l'ensemble des communautés chrétiennes regroupées au sein de l'Eglise universelle, sous l'autorité du pape, le patriarche d'Occident. Mais il existe aussi d'autres Eglises locales, catholiques, qui ne relèvent pas directement de la juridiction du pape : ce sont les Eglises catholiques orientales.

D'après la conception catholique, comme d'après la conception de toutes les Eglises orientales, c'est le diocèse qui constitue la communauté ecclésiale de base. Le diocèse regroupe, sur un territoire assez vaste, une partie du peuple chrétien qui est confiée à un évêque, chargé de représenter en cet endroit le collège épiscopal tout entier, dans son union avec l'évêque de Rome, le pape. En France, les diocèses correspondent, en gros, aux départements ; mais l'évêque est bien plus qu'un préfet ; il est le responsable direct de son diocèse et il dispose de tous les pouvoirs qui lui sont nécessaires dans l'exercice de sa tâche pastorale, sans avoir besoin de recourir à une instance supérieure. La constitution dogmatique sur l'Eglise, au concile Vatican II, a défini la mission des évêques :

Les évêques étant successeurs des apôtres reçoivent du Seigneur, à qui tout pouvoir a été donné dans le ciel et sur la terre, la mission d'enseigner toutes les nations et de prêcher l'Evangile à toute créature, afin que tous les hommes, par la foi, le baptême et l'accomplissement des commandements, obtiennent le salut... Parmi les charges principales des évêques, la prédication de l'Evangile est la première... Chargés des Eglises particulières comme vicaires et légats du Christ, les évêques les dirigent par leurs conseils, leurs encouragements, leurs exemples, mais aussi par leur autorité et par l'exercice du pouvoir sacré, dont l'usage cependant ne leur appartient qu'en vue de l'édification en vérité et en sainteté de leur troupeau, se souvenant que celui qui est le plus grand doit se faire comme le plus petit, et celui qui commande comme le serviteur.

Ce Concile indiquait aux évêques leur triple charge : la prédication de l'Evangile, le rassemblement du peuple chrétien pour la célébration de l'eucharistie, et aussi le gouvernement direct de la partie du peuple de Dieu qui leur était confiée. Cependant, loin d'être un préfet ou un administrateur, l'évêque apparaît de plus en plus comme le chef d'une équipe, qui se doit de permettre à tous ses collaborateurs de pouvoir travailler ensemble, dans l'évangélisation du monde contemporain. Ainsi il est parfois aidé d'un évêque coadjuteur ayant droit de succession ou d'un ou de plusieurs évêques auxiliaires, qui n'ont pas le droit de succession ; ses collaborateurs immédiats, les vicaires généraux ou vicaires épiscopaux, forment, sous sa direction, le conseil épiscopal qui examine régulièrement les besoins vitaux du diocèse ; il dispose également d'un conseil presbytéral, composé uniquement de prêtres, et d'un conseil pastoral, composé de clercs mais aussi de religieux et de laïcs.

Le diocèse est lui-même subdivisé en unités plus restreintes. L'archidiaconé ou l'archiprêtré correspond à la délimitation administrative de l'arrondissement ; le doyenné correspond au canton ; la paroisse correspond à la commune ou à un grand quartier d'une même commune, pour les villes de moyenne et de grande importance. La paroisse est vraiment la cellule de base de la communauté catholique, puisque sa mission est de rassembler tous les catholiques habitant sur un même territoire, sans qu'il soit tenu compte des différents milieux socioculturels : la paroisse est confiée soit à un prêtre seul, le curé, soit à une équipe de prêtres, l'équipe sacerdotale. Cette équipe permet à des prêtres différents de répondre aux multiples appels des communautés chrétiennes afin de mieux répondre à la nécessité première de l'Eglise, qui est celle d'évangéliser tous les hommes, en les rencontrant dans les lieux où ils vivent le quotidien de leur existence.

Même si l'évêque est l'unique responsable du peuple de Dieu résidant sur un territoire délimité, qui constitue le diocèse, il n'en demeure pas moins lié étroitement avec les autres évêques d'une même nation, afin de former avec eux et avec l'ensemble des chrétiens l'Eglise de tel ou tel pays. Le concile Vatican II a largement favorisé l'organisation des conférences épiscopales nationales, qui reçoivent ainsi un plus large pouvoir de décision pour tout un territoire. C'est ainsi qu'en France, chaque année, à l'époque de la Toussaint, tous les évêques français prennent le chemin de Lourdes pour une semaine de travail en commun. Les assemblées plénières de l'épiscopat français ont alors donné naissance à des textes importants et doctrinaux qui peuvent nourrir la réflexion du peuple chrétien : pour cette assemblée, il s'agit toujours de chercher les nouvelles initiatives qui répondent aux espérances des hommes et qui leur permettent de rencontrer Jésus-Christ vivant au milieu d'eux et de connaître la Bonne Nouvelle de son Evangile. Cette assemblée plénière ne se réunit donc qu'une seule fois par an, rassemblant les évêques résidant en France métropolitaine et dans les territoires d'Outre-mer ; mais, un Conseil permanent de l'épiscopat se réunit chaque mois, de Septembre à Juin. Ce conseil comprend le président de la conférence épiscopale, le vice-président, neuf évêques représentant chacun une région apostolique, l'archevêque de Paris, et un cardinal élu par l'ensemble des cardinaux français, s'il n'y a pas déjà un cardinal parmi les membres du conseil. Les différentes Commissions épiscopales travaillent les nombreux dossiers que la Conférence épiscopale doit examiner. Ces commissions sont au nombre de quinze : Famille et communautés chrétiennes, Monde ouvrier, Monde rural, Milieux indépendants, Enfance et jeunesse, Monde scolaire et universitaire, Migrations, Clergé et séminaires, Etat religieux, Liturgie et pastorale sacramentelle, Commission sociale, Opinion publique, Enseignement religieux, Missions à l'extérieur, Unité des chrétiens. Il existe, en outre, six comités épiscopaux : les Finances, la Mission de France, la Mission ouvrière, les Relations avec le Judaïsme, les Relations entre la France et l'Amérique latine, le Comité de la Mer. Un Secrétariat Général de l'épiscopat assure la coordination de tous les travaux et le fonctionnement normal de toute la structure : le Secrétaire Général est nommé par l'Assemblée plénière, il est aidé, dans sa mission, par trois secrétaires généraux adjoints chargés respectivement des finances, de l'opinion publique et des mouvements du laïcat.

Au niveau international, le concile oecuménique est le rassemblement de tous les évêques du monde, en une assemblée délibérante autour du pape, le chef du collège épiscopal. Ce rassemblement a pour objet de résoudre les grands problèmes qui peuvent se poser à l'Eglise catholique aux grands moments de son histoire. Ainsi, l'Eglise est appelée périodiquement à préciser la ligne de conduite qu'elle doit tenir dans le monde. Les décisions, prises après de longues délibérations qui permettent aux minorités de s'exprimer très librement, sont adoptées à la condition d'atteindre une très forte majorité, les deux tiers des voix. Mais un tel rassemblement de tous les évêques catholiques ne peut avoir lieu que très rarement : il n'y a eu que vingt-et-un conciles oecuméniques dans l'histoire de l'Eglise.

Les difficultés d'organisation et de convocation de tous les évêques en conciles oecuméniques ne peuvent rendre ceux-ci que très exceptionnels. Cependant, le deuxième concile du Vatican a largement insisté sur la nécessité d'une collaboration très étroite des évêques du monde entier avec le pape, dans sa tâche pastorale. C'est pour répondre à ce souhait légitime des évêques qu'en 1965-1966 a été créé le Synode d'évêques pour l'Eglise universelle ; il est maintenant appelé plus simplement : le Synode épiscopal. Dans l'état actuel du droit ecclésiastique, il n'est encore qu'une simple assemblée consultative, mais ses membres, élus par les différentes Conférences épiscopales du monde, souhaitent qu'ils deviennent une véritable assemblée délibérante, dont le rythme de réunion devrait être au moins annuel. Par le Synode est signifié l'esprit collégial qui anime tous les évêques : cette assemblée apparaît comme le carrefour des différentes expériences des Eglises locales qui donne à chacune d'elle sa dimension de catholicité. L'Eglise locale n'est pas une sorte de département de l'Eglise universelle : elle est l'expression vraie et originale du peuple de Dieu dans un pays déterminé du monde.

Les Eglises orientales catholiques

Les Eglises orientales catholiques constituent des Eglises locales particulières appartenant au christianisme oriental ; elles sont minoritaires parmi leur soeurs, les Eglises orthodoxes, et elles ont gardé avec l'Eglise de Rome des liens de solidarité et de communion. Elles constituent ainsi une forme très particulière de l'Eglise catholique, qui pourrait être une voie privilégiée pour l'avenir de l'oecuménisme, puisqu'elles forment le lien entre l'Eglise d'Occident et les Eglises orthodoxes d'Orient.

Au deuxième concile du Vatican, parmi les deux mille deux cents pères conciliaires, deux-cent vint étaient des évêques catholiques orientaux, représentant environ quatorze millions de fidèles, qui gardent une identité de foi fondamentale avec l'Eglise romaine, en dépit d'une séparation due à des motifs historiques très complexes. Les grandes différences demeurent simplement dans une question de rite. En plus du rite maronite entièrement catholique, on trouve d'autres rites proprement orientaux : le rite byzantin (grec, melkites, slaves), le rite arménien, le rite syrien, le rite chaldéen, le rite copte (égyptien et éthiopien). Ces Eglises catholiques orientales occupent une position très inconfortable entre les deux grandes Eglises, catholique et orthodoxe. Autrefois considérées comme "traîtres"par l'Orthodoxie et comme "simples appendices" par le Catholicisme, elles ont été entraînées dans le grand fossé qui séparait Rome de Constantinople. Des Eglises locales d'Orient se sont séparées de Constantinople, bien avant la rupture de Michel Cérulaire, pas seulement pour des questions de discipline ecclésiastique ou de rattachement à l'Eglise-mère de Constantinople, mais beaucoup plus pour des questions dogmatiques qui mettaient en cause la foi chrétienne. Considérées comme hérétiques ou comme schismatiques, ces Eglises se sont fermées sur elles-mêmes, dans un caractère fortement nationalisant : ce sont les Eglises arménienne, chaldéenne, copte, syrienne.

Il est possible de ranger ces Eglises orientales séparées sous deux qualifications, les nestoriennes et les monophysites, en raison de leurs origines, au cinquième siècle, dans les discussions à propos de la personne du Christ, prolongeant ainsi les querelles du quatrième siècle, provoquées par Arius. Le problème posé était de connaître le statut du Christ et de l'union en lui des deux natures, la nature humaine et la nature divine. Selon qu'en lui est reconnue la nature humaine exclusivement ou la nature divine exclusive ment, on tombe dans le nestorianisme ou dans le monophysisme. Alors que les théologiens ariens n'avaient guère obtenu de succès dans leur entreprise de réflexion, les nestoriens et les monophysites trouvèrent un appui vigoureux auprès des populations qui voulaient secouer le joug tant politique que religieux de l'empire byzantin.

Fidèles néanmoins au principe de l'autocéphalie, c'est-à-dire de l'autonomie totale à l'intérieur de l'Eglise universelle, ces Eglises se constituèrent plus ou moins rapidement en Eglises nationales, basées sur les communautés ethniques, ayant leur hiérarchie, leur liturgie, leur langue et leur juridiction propres. Tous les efforts entrepris par les empereurs d'Orient pour restaurer l'unité politique et religieuse furent pratiquement vains : seules, quelques communautés minoritaires se rallièrent et furent qualifiées, dédaigneusement par les autres de "melkites ", c'est-à-dire de "royalistes" à cause de leur rattachement à l'empereur. Malgré toutes les tragédies qu'a pu connaître l'histoire des Eglises orientales, elles ont survécu au prix de persécutions et d'humiliations en tout genre, mais en gardant leur fidélité à la tradition d'origine absolument intacte, ce qui leur donne, à l'époque actuelle, un aspect très particulier par rapport à toutes les autres Eglises qui ont fait évoluer leurs propres traditions au fil de l'histoire. Au concile Vatican II, la bienveillance à l'égard des évêques des Eglises catholiques orientales était grande, mais la connaissance de leur histoire, de leur théologie et de leur liturgie était beaucoup moins grande, Le décret conciliaire sur les Eglises catholiques orientales a reconnu le droit à la diversité dans la théologie, dans la liturgie et dans la législation dans les différents patriarcats orientaux. Et c'est même la reconnaissance de ces patriarcats qui a été le point le plus décisif des décisions conciliaires à l'égard de ces Eglises. En Occident, le patriarcat n'est plus qu'un simple titre honorifique attaché à certains évêchés, comme celui de Venise, de Lisbonne ou de Madrid ; mais, en Orient, c'est le titre le plus vénérable après la papauté. Les quatre plus anciens patriarcats existaient dès les premiers temps de l'Eglise : Antioche, Alexandrie, Constantinople et Jérusalem. Pendant le premier millénaire de l'histoire, les patriarches jouissaient d'une autonomie totale dans le cadre même de l'Eglise universelle. D'ailleurs, le pape, dans cette perspective, était considéré comme le patriarche de l'Occident, un titre qu'il porte toujours, en tant qu'il est l'évêque de Rome ; et c'était aussi à lui que les patriarches orientaux avaient recours dans les questions les plus délicates de leur patriarcat. Le décret conciliaire continue de reconnaître cette autonomie, telle qu'elle était en vigueur au temps de l'union entre l'Occident et l'Orient. Cette nouvelle conception catholique constitue un jalon non négligeable sur le chemin de l'unité entre les Eglises orthodoxes et l'Eglise catholique romaine.

Les chemins de l'oecuménisme chrétien

L'oecuménisme avance certainement, avec des tâtonnements indéniables. Pendant les dix premiers siècles de l'histoire du christianisme, il n'y avait eu pratiquement qu'une seule et même Eglise. C'est la séparation de l'Orient et de l'Occident, en 1054, qui devait inaugurer une très longue période d'ignorance mutuelle et de division. Le deuxième millénaire a été marqué par la séparation et la division des Eglises Pourtant, il semble que, depuis peu, les chrétiens soient déjà entrés dans leur troisième millénaire, qui sera celui de la réconciliation et du retour à l'unité. Mais le mouvement oecuménique est une entreprise de longue haleine, car on n'efface pas rapidement plusieurs siècles de querelles liturgiques et théologiques.

Lorsqu'il se décida à convoquer le concile du Vatican, le 8 Septembre 1868, le pape Pie IX envoya à tous les chrétiens, séparés de l'Eglise de Rome, une lettre d'invitation qui se heurta à un refus catégorique ; il faut souligner que sa demande était celle de la réintégration pure et simple au sein de la véritable Eglise de Jésus-Christ. L'unité des chrétiens constituait simplement un voeu pieux. La prière de Jésus pour l'unité de ses disciples, à la veille de sa mort, semblait ne jamais pouvoir être exaucée : Que tous soient un... qu'ils soient parfaitement un...

Les chrétiens reçoivent le même baptême, ils prient le même Dieu et Père. Et pourtant, leurs divisions ne cessent pas, ils communient encore séparément : catholiques, protestants, orthodoxes, anglicans ne célèbrent pas ensemble la même eucharistie. Toutefois, dès la fin du dix-neuvième siècle, une tentative de rapprochement se fait jour. A Madère, au cours de l'hiver 1889, lord Halifax, un père de famille, anglican de 50 ans, et le Père Portal, un lazariste français de 34 ans, se rencontrent au cours d'un séjour de convalescence. Une amitié, qui devait durer jusqu'à la mort, se noue entre ces deux hommes à la foi très profonde. Dès lors, lord Halifax, président de l'English Church Union, voue toute sa vie à la réconciliation de l'Eglise anglicane avec l'Eglise romaine ; le père Portal, quant à lui, fonde à Paris une association oecuménique et lance la Revue Anglo-Romaine. L'un et l'autre, chacun dans son Eglise propre, multiplient les démarches, les conférences, les rencontres... Et, au départ, le pape Léon XIII, comme les responsables anglicans, est assez favorable à cette tentative de rapprochement, puisque, en 1895, il organise la "Neuvaine de Pentecôte "pour hâter la réconciliation entre les frères séparés. Mais les mentalités n'étaient pas encore prêtes pour cette idée nouvelle.

Sous la pression des catholiques anglais, dont la thèse est défendue par le cardinal-archevêque de Westminster, le pape déclare nulles les ordinations des prêtres et des évêques anglicans, en 1896. Le mouvement d'union lancé par lord Halifax et le père Portal est momentanément arrêté ; toutefois, leurs idées font lentement leur chemin. En 1909, deux anglicans américains organisent une "semaine de prière pour l'unité des chrétiens", initiative qui sera reprise et développée par l'abbé Couturier, de Lyon, qui obtient en 1935 l'adhésion des orthodoxes et en 1936 celle des Eglises réformées de France. En 1910, les protestants éprouvent le besoin de se regrouper pour éviter la dispersion de leurs efforts missionnaires : deux mouvements naissent alors en milieu protestant, Vie et Action et Foi et constitution ; ces deux mouvements donneront ultérieurement naissance au Conseil Oecuménique des Eglises auquel vont s'adjoindre les Eglises d'Orient.

Ce Conseil se réunit périodiquement à Genève et regroupe les confessions protestantes et les Eglises orthodoxes. En 1920, les évêques anglicans publient un texte apaisant sur la question des ordinations, texte qu'ils envoient à Rome et au cardinal Mercier, archevêque de Malines-Bruxelles. A la demande de lord Halifax et du père Portal, ce cardinal organise des conférences entre les anglicans et les catholiques, "les conversations de Malines", qui ne survécurent pas à la mort du cardinal et du père Portal. Du côté catholique, on s'en tient très officiellement à l'écart du mouvement. En 1928, le pape Pie XI, dans une encyclique, se déclare étranger à ce mouvement ; et il faudra attendre 1952 pour que des observateurs catholiques puissent participer à des conférences oecuméniques.

La "semaine de prière pour l'unité des chrétiens", reprise de l'idée anglicane, visera, dès 1936, à rechercher l'unité que le Christ voudra, par les moyens qu'il voudra ; un véritable dialogue pouvait ainsi naître, puisqu'il ne s'agissait plus, dès lors, de ramener au bercail romain des chrétiens non-catholiques. Pourtant, certains catholiques dénoncent la "protestantisation" de leur Eglise ; des groupes protestants dénoncent le rapprochement avec les "papistes", suspectés de superstition et de papolâtrie ; et, du côté orthodoxe, quelques manifestations violentes se dressent contre l'oecuménisme. Toutefois, il ne s'agit là que d'événements marginaux, et il ne vient déjà plus à l'idée de la majorité des chrétiens de traiter d'hérétiques ceux qui n'interprètent pas l'Evangile d'une manière différente. L'oecuménisme évolue assez rapidement sur le plan doctrinal, par des rencontres entre théologiens et spécialistes des questions religieuses, chacun ne cherchant plus à convertir l'autre, mais chacun cherchant davantage à se convertir lui-même, en fixant son attention sur la personne unique de Jésus-Christ. En 1959, à peine élu pape, Jean XXIII multiplie les gestes prophétiques qui pourront favoriser le rapprochement entre les différentes confessions chrétiennes.

Dans sa pensée, le concile Vatican II devait être, initialement, très orienté vers la réconciliation des Eglises. Jean XXIII accueille très chaleureusement l'archevêque orthodoxe d'Amérique, le roi et la reine de Grèce, devant qui il fait l'éloge des grands docteurs de l'Eglise grecque ; il souligne également la très grande valeur des liturgies orientales ; il admet, au titre d'observateurs des représentants des communautés non-catholiques : des orthodoxes russes et syriens, des Vieux-Catholiques de Hollande, des Anglicans, des Presbytériens, des Protestants de différentes obédiences, ainsi que des personnes qu'il invite personnellement, comme le frère Roger Schutz et le frère Max Thurian, tous deux fondateurs de la "communauté de la Réconciliation" de Taizé, en France. La mort de ce "pape bon" sera pleurée dans le monde entier, et particulièrement par les chrétiens non-catholiques. Succédant à Jean XXIII, Paul VI continuera dans les voies tracées par son prédécesseur : en 1964, lors de son pèlerinage sur les lieux saints, Paul VI échange le baiser de paix avec le patriarche Athénagoras de Constantinople, qu'il rencontrera de nouveau à Istanbul, en 1967, et qu'il recevra à Rome en 1970 ; en 1966, Paul VI reçoit également l'archevêque anglican de Cantorbery ; et en 1969, après avoir permis les création d'une commission mixte entre le Conseil Oecuménique des Eglises et l'Eglise catholique, il rend visite à ce Conseil à Genève. Cette oeuvre oecuménique se poursuit sous le pontificat de Jean-Paul II, qui, lors de son voyage en Turquie, rencontra le patriarche grec orthodoxe Dimitrios Ier. Ainsi, les plus hautes autorités ecclésiastiques de chaque communauté chrétienne donnent l'exemple du respect mutuel et de la même affection fraternelle. Les murs de la séparation ne s'élèvent donc pas jusqu'au ciel ; et, le jour viendra où il n'y aura plus qu'un seul troupeau et qu'un seul pasteur, pour l'ensemble du peuple chrétien. Le frère Roger Schutz s'interroge ainsi sur la question de cet unique pasteur : Comment espérer une communion entre les chrétiens à travers la terre sans un pasteur universel, placé au coeur du coeur ?

Le problème de l'unité des chrétiens pose, chez les catholiques, la question de la papauté, qui apparaît comme un problème majeur dans le dialogue oecuménique. Il faut, cependant, se souvenir que l'Eglise n'est pas une société monarchique comme les autres : le seul chef et le seul vrai pasteur de l'Eglise, c'est le Christ lui-même, dont le pape, en tant qu'il est l'évêque de Rome, est le vicaire et le serviteur, même s'il est le chef du collège apostolique formé par les évêques du monde entier. Dans l'esprit du concile Vatican II, le premier devoir pastoral du pape est de "confirmer ses frères dans la foi". L'important dans cette affaire, c'est d'aborder la question même de la papauté dans le cadre d'un renouvellement des mentalités. Certes, l'unique Eglise de Jésus-Christ est divisée surtout depuis la rupture millénaire entre le catholicisme romain et l'orthodoxie orientale, et depuis la séparation séculaire avec l'Occident protestant. Le vingtième siècle a pris une conscience des plus vives du scandale de la division de ceux qui se réclament d'un seul et même Christ Sauveur, et, après avoir longuement suspecté les approches du dialogue oecuménique, l'Eglise catholique y participe désormais activement. La papauté, dans un esprit nouveau, peut, elle-même, devenir un foyer d'unité pour l'ensemble des chrétiens du monde : le ministère du pape, en tant qu'il est soumis à la seule loi évangélique, ne peut pas nuire à la liberté chrétienne dont se réclame le protestantisme depuis ses origines ; et la tradition orientale, quant à elle, ne nie pas l'importance capitale du siège apostolique de Rome, en tant que celui-ci est uni à tout le corps épiscopal. Aussi le dialogue avec l'Eglise orthodoxe est-il déjà très fructueux, depuis la levée des anathèmes respectifs lancés contre les chefs de l'Eglise d'Orient et de l'Eglise d'Occident ; du côté protestant, les premiers luthériens n'ont pas immédiatement rejeté la fonction spécifique du successeur de Pierre, mais en ont appelé à une réforme de la papauté, pour sauvegarder l'unité de l'Eglise, refusant pour elle de se laisser enfermer dans un seul type de croyants.

La comparaison du corps ou de l'édifice permettait déjà à l'apôtre Paul de souligner à la fois l'union et la diversité des chrétiens :

Comme nous avons plusieurs membres en un seul corps et que ces membres n'ont pas tous la même fonction, ainsi, à plusieurs, nous sommes un seul corps en Christ, étant tous les membres les uns des autres, chacun pour sa part. Et nous avons des dons qui diffèrent selon la grâce qui nous a été accordée. Est-ce le don de prophétie ? Qu'on l'exerce en accord avec la foi. L'un a-t-il le don du service ? Qu'il serve. L'autre, celui d'enseigner ? Qu'il enseigne. Tel autre, celui d'exhorter ? Qu'il exhorte. Que celui qui donne le fasse sans calcul, celui qui préside, avec zèle, celui qui exerce la miséricorde, avec joie. Que l'amour soit sincère. Fuyez le mal avec horreur, attachez-vous au bien. Que l'amour fraternel vous lie d'une mutuelle affection ; rivalisez d'estime réciproque. D'un zèle sans nonchalance, d'un esprit fervent, servez le Seigneur. Soyez joyeux dans l'espérance, patients dans la détresse, persévérants dans la prière. (Ro. 12, 4-12).

Mais il est aussi un phénomène nouveau dans le dialogue oecuménique : jusqu'à une époque encore relativement récente, il était considéré comme l'affaire des spécialistes et des théologiens, certaines démarches se trouvant même parfois bloquées par les institutions ecclésiales ; maintenant, il semble être devenu une affaire courante. Les jeunes, particulièrement, se refusent à reconnaître les distinctions : ils prônent le titre de chrétien, en rejetant plus ou moins l'identité catholique, orthodoxe ou protestante. Cette tentation de renier plusieurs siècles de traditions différentes peut présenter, malgré tous ses aspects les plus positifs, un risque de nivellement et donc d'appauvrissement. Les théologiens sont unanimes, quant à eux, pour affirmer que chaque Eglise possède quelque chose d'original qu'elle doit apporter dans l'édification commune, et qu'il serait scandaleux d'effacer : la spiritualité orthodoxe, l'attachement des protestants à l'Ecriture Sainte, le sens catholique de la tradition chrétienne. Il faut harmoniser l'unité et la pluralité ; c'est une rude tâche qui est encore à accomplir dans la marche vers une seule Eglise, riche de sa diversité, riche de la diversité des dons de Dieu, riche de la diversité des institutions humaines.