La réconciliation, sacrement de l’espérance

 

Peu après le concile Vatican II, le sacrement de la réconciliation semblait tombé en désuétude, du fait même de la forme extérieure de la célébration, qui a connu une certaine transformation. En effet, les Pères conciliaires se sont attachés à montrer que, comme tous les autres sacrements de l’Eglise, la réconciliation n’était pas un acte de piété individuelle, mais un acte de la communauté tout entière. C’est l’Eglise, Corps du Christ et Épouse du Christ, qui célèbre son Seigneur dans chacune de ses pratiques. Ce changement de perspective a entraîné la presque totale désertion des confessionnaux, lesquels connaissaient jusqu’alors une grande affluence notamment à la veille des grandes fêtes liturgiques. En fait, la crise de ce sacrement ne date pas de l’époque contemporaine, car c’est sans doute l’un des sacrements qui a été le plus remis en question au cours des siècles. L’histoire montrerait que les contradictions théologiques à son propos n’ont pas été absentes et que les formulations de la pratique ont beaucoup varié. Mais il y avait alors beaucoup plus qu’une crise de type institutionnel, il s’agissait d’une crise culturelle : le monde contemporain n’existait plus comme un régime de chrétienté, mais comme un monde baigné d’athéisme, aussi la relation avec Dieu est-elle quelque peu éclipsée par les soucis d’ordre purement matériel.

La réconciliation dans la vie quotidienne

Dans la vie quotidienne, la réconciliation joue un grand rôle entre les personnes, entre les groupes, entre les États. Bien souvent, des querelles se terminent par une poignée de mains, qui signifie la restauration d’une relation d’amitié. Les guerres se terminent par des traités de paix, préambules à de nouvelles relations entre les peuples qui s’opposaient. La réconciliation est une attitude de relation. Pour le chrétien, elle est aussi une rencontre nouvelle avec Dieu, par Jésus-Christ.

C’est dans le cadre concret de l’existence humaine que peut s’effectuer une démarche de pardon, de conversion, c’est là seulement que peut s’expérimenter la réconciliation. Alors, l’histoire humaine peut devenir aux yeux des croyants une histoire sainte, une histoire de la relation de l’homme avec Dieu. La conversion ne peut pas être opérée par l’observance stricte d’une loi, elle implique une adhésion personnelle.

Le peuple d’Israël, dans ses tribulations, a bien expérimenté la réalité de la conversion. Il pensait que certains comportements, certaines attitudes conduisaient à l’éloignement de Dieu. Il a adopté des conduites de retour sur lui-même, des conduites de repentir. Les juifs essayaient, par leur propre démarche, de revenir vers Dieu. Pour eux, comme pour les chrétiens par la suite, le péché était une rupture de la relation avec Dieu, et particulièrement une rupture d’amour. Le pardon apparaît alors comme la restauration de l’alliance conclue entre Dieu et les hommes.

La réconciliation se fonde sur la Pâque du Seigneur

Pour les chrétiens, Jésus-Christ, par sa mort et sa résurrection, a opéré définitivement le retour des hommes vers Dieu. Il y a un changement d’optique : il ne s’agit plus de se forcer pour revenir vers Dieu, il s’agit simplement de se laisser conduire par Jésus vers le Dieu Père qui offre toujours son pardon pour faire vivre les hommes comme ses enfants. La résurrection du Christ fait tourner le regard des croyants vers un au-delà, vers la fin et l’accomplissement de l’histoire, vers le monde transcendant de Dieu. Toutefois, il ne faut pas éclipser la réalité corporelle de Jésus-Christ : il a été un homme comme les autres, participant comme eux et avec eux aux conséquences du péché, et particulièrement la limitation et la mort. Jésus invite à franchir avec lui le passage du refus à l’acceptation du dessein de Dieu. La solidarité qu’il manifeste avec les hommes par sa mort conduit le croyant à affirmer que cette solidarité s’exprime pour les hommes dans la participation à la gloire divine de Jésus.

La réconciliation est alors la célébration de la rencontre de Dieu avec son peuple, comme la célébration du Christ qui fait entrer les hommes avec lui dans le monde restauré de Dieu. Aussi n’est-il pas possible de considérer la réconciliation comme un rite magique, une sorte de psychothérapie, mais il faut plutôt la considérer comme un acte d’espérance.

Pour le chrétien, la réconciliation est une invitation à inaugurer une vie nouvelle. Ce n’est pas un rite qui effacerait automatiquement le péché. En célébrant Jésus-Christ ressuscité, le chrétien se tourne vers l’avenir qu’il ouvre à toute l’humanité, dans l’alliance qu’il renouvelle avec Dieu pour tous les hommes. Cependant, il faut bien le reconnaître, le sacrement du pardon, pour beaucoup de gens, c’est un signe qui s’accompagne d’une certaine culpabilité. La conscience se juge elle-même. Il faut sortir de soi pour s’arrimer à la Parole de Dieu. Alors, on peut faire l’expérience d’un Dieu qui a l’initiative, qui rejoint nos expériences, nos conflits et nos pardons.

C’est ce qu’a compris Jonas, le prophète envoyé pour convertir la ville de Ninive. Son aventure peut aider à comprendre le sens de la réconciliation. Plus qu’un enseignement, le livre de Jonas présente une légende, l’histoire d’un prophète qui refuse d’obéir à Dieu. Jonas part d’abord dans la direction opposée à la ville de Ninive qu’il devait convertir. Il devient la cause de malheur pour tous ceux qu’il fréquente. Jeté à la mer par les marins, il est sauvé par un monstre marin dans le ventre duquel il passe trois jours et trois nuits. Après cela il accomplit finalement sa mission, il prêche la conversion à la ville de Ninive, qui aussitôt donne des preuves de changement de conduite si bien que Dieu renonce à la détruire, ce qui entraîne la colère du prophète...

Jonas se leva et partit pour Ninive se conformant à la parole du Seigneur. Or Ninive était une ville excessivement grande : on mettait trois jours pour la traverser. Jonas avait à peine marché une journée, proférant cet oracle : Encore quarante jours et Ninive sera détruite ! que déjà les habitants croyaient en Dieu. Ils proclamèrent un jeûne et se revêtirent de sacs, des grands jusqu’aux petits. La nouvelle parvint au roi de Ninive. Il se leva de son trône, se couvrit d’un sac et s’assit sur la cendre, proclama l’état d’alerte et fit annoncer dans Ninive : Par décret du roi, interdiction est faite aux hommes et aux bêtes de goûter quoi que ce soit et de boire de l’eau. Hommes et bêtes se couvriront de sacs et ils invoqueront Dieu avec force. Chacun se convertira de son mauvais chemin... Qui sait ! Peut-être le Seigneur reviendra-t-il sur sa décision et retirera-t-il sa menace. Ainsi, nous ne périrons pas. Dieu vit leur réaction, ils revenaient de leurs mauvais chemins. Aussi revint-il sur sa décision de leur faire le mal qu’il avait annoncé (Jon. 3, 1-10 ).

L’exemple de Jonas sera cité par Jésus lui-même :

Des scribes et des pharisiens prirent la parole : Maître, nous voudrions que tu nous fasses voir un signe. Il leur répondit : Génération mauvaise qui réclame un signe ! En fait de signe, il ne lui en sera pas donné d’autre que celui de Jonas. Car tout comme Jonas fut dans le ventre d’un monstre marin trois jours et trois nuits, ainsi le Fils de l’homme sera dans le sein de la terre trois jours et trois nuits. Lors du Jugement, les hommes de Ninive se dresseront avec cette génération et la condamneront, car ils se sont convertis à la prédication de Jonas. Eh bien ! ici, il y a plus que Jonas (Mat. 12, 38-41).

La parole de Dieu a l’initiative du pardon qui bouscule la vie de certains hommes.

L’important, dans le sacrement du pardon, c’est la certitude que Dieu nous pardonne, qu’il a pardonné d’avance, mais qu’il appartient au pécheur de se tourner vers lui, de se convertir.

Cette force du pardon de Dieu a été exprimée d’une manière éclatante par l’apôtre Paul dans la lettre qu’il adresse aux Corinthiens qui se laissaient pervertir par leurs anciennes habitudes :

Si quelqu’un est dans le Christ, c’est une création nouvelle. L’être ancien a disparu, un être nouveau est là. Tout vient de Dieu qui nous a réconciliés avec lui par le Christ et nous a confié le ministère de la réconciliation. Car, de toute façon, c’était Dieu, en Jésus-Christ, qui réconciliait le monde avec lui-même, ne mettant pas leurs fautes au compte des hommes et mettant en nous la parole de réconciliation. C’est au nom du Christ que nous sommes en ambassade et par nous, c’est Dieu qui vous adresse un appel. Au nom du Christ, nous vous en supplions, laissez-vous réconcilier avec Dieu. Celui qui n’a pas connu le péché, il l’a pour nous identifié au péché afin que par lui nous devenions justice de Dieu (2 Co. 5, 17-21).

Depuis que les disciples ont reçu le pouvoir de pardonner les péchés, c’est-à-dire depuis le soir de la Pâque, le sacrement du pardon a connu une grande évolution avec des noms différents qui insistent sur l’un ou l’autre aspect de ce sacrement.

Jésus a confié à ses apôtres le pouvoir de pardonner les péchés. Des affirmations très nettes se trouvent dans l’Évangile :

La Paix soit avec vous. Comme le Père m’a envoyé, à mon tour, je vous envoie. Recevez l’Esprit-Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis. Ceux à qui vous les retiendrez, ils seront retenus (Jn. 20, 21-23).

Au soir de la Pâque, le Christ confirme son Eglise comme le lieu de la rémission des péchés, en l’inscrivant directement dans le sillage du don de l’Esprit-Saint. Il ne saurait plus faire de doute que le sacrement du pardon ait été institué par Jésus, dès le moment de la profession de foi de Pierre :

Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise et la puissance de la mort n’aura pas de force contre elle. Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux. Tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aux cieux, tout ce que tu délieras sur la terre sera délié aux cieux (Mt. 16, 18-19).

Mais il est nécessaire de replacer cette institution dans le cadre même de l’ensemble de l’Évangile qui est la Bonne Nouvelle de l’alliance entre Dieu et les hommes. Jean-Baptiste et Jésus, par la suite, proclament la nécessité et l’urgence de la conversion :

Le temps est accompli et le Règne de Dieu s’est approché, convertissez-vous et croyez à l’Evangile (Mc. 1, 15).

Dans ce cadre, les pécheurs sont les personnages prioritaires. Évangile se traduit par des gestes de pardon et de réconciliation pour ceux qui étaient considérés comme les pécheurs publics : les collecteurs d’impôt qui pressuraient le peuple de Dieu au profit de l’occupant romain, les prostituées, les femmes adultères... Jésus les rencontre et leur dit des paroles de pardon :

Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin de médecin, mais les malades. Allez donc apprendre ce que signifie : c’est la miséricorde que je veux et non le sacrifice. Je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs (Mt. 9, 12-13).

C’est de cette manière que Jésus rencontre Zachée (Lc. 19, 1-10), la pécheresse présente lors d’un repas chez un pharisien (Lc. 7, 36-50) ou encore la femme adultère (Jn. 8, 1-11).

Le message de Jésus nous révèle l’amour infini du Père qui nous aime jusque dans notre péché pour nous en délivrer et qui ne reprend jamais son amour, ainsi que Jésus l’explique dans une série de paraboles, comme celle du fils prodigue (Luc 15).

Selon saint Paul, Jésus prend sur lui le péché du monde pour le libérer par sa mort et sa résurrection :

En Jésus-Christ, vous qui étiez loin, vous avez été rendus proches par le sang du Christ. C’est lui, en effet, qui est notre paix : de ce qui était divisé, il a fait une unité. Dans sa chair, il a détruit le mur de séparation : la haine (Eph. 2, 13-14).

La croix du Christ est le signe que nous sommes pardonnés. Mais le scandale des chrétiens, qui restent pécheurs, éclate dès la génération apostolique. Tout n’allait pas si bien dans la communauté de Jérusalem, puisque Pierre eut à régler lui-même le cas épineux d’Ananie et de Saphire (Ac. 5, 1-11). Les mœurs des chrétiens de Corinthe laissaient à désirer, ce qui leur valut de fréquentes reproches de Paul. De la période antique, on ne peut pratiquement rien affirmer avec certitude. Sans doute les chrétiens s’en tenaient-ils au processus recommandé par l’Evangile, réclamant la correction fraternelle :

Si l’un de vous s’est égaré loin de la vérité et qu’on le ramène, sachez que celui qui ramène un pécheur du chemin où il s’égarait lui sauvera la vie et fera disparaître une foule de péchés (Jac. 5, 19-20).

La tradition primitive de l’Eglise présentait la réconciliation comme un second baptême, comme une mort avec le Christ pour ressusciter avec lui. C’est précisément dans la mort et la résurrection du Christ que les chrétiens peuvent découvrir la relation qui existe entre le péché du monde et le salut proposé par Dieu. Car il convient de remarquer que ce n’est que dans la découverte de l’amour qu’il est possible de découvrir également la dimension des ruptures d’amour. C’est parce que le Christ est mort pour le salut des hommes que ceux qui ont mis leur foi en lui peuvent percevoir le décalage qui existe entre eux et Dieu. C’est parce que le Christ est ressuscité que ces mêmes croyants entrent dans la vie, la vie de la grâce, la vie du don gratuit de Dieu, cette vie qu’ils obtiennent en surabondance. Et cette entrée dans la vie nouvelle leur permet de constater la grande distanciation qui existait entre leur vie antérieure et la relation qui les unit à présent au Dieu Père.

Si le Christ n’est pas ressuscité, notre foi est vaine (1 Co. 15, 17).

C’est sur une telle affirmation que l’Eglise primitive a pu se constituer et s’édifier. Le Christ ressuscité est le même que le Jésus crucifié. Le témoignage de la première communauté ne cesse de proclamer que le ressuscité est bien celui que les hommes avaient crucifié.

Israélites, écoutez ces paroles : Jésus le Nazoréen, cet homme que Dieu avait accrédité auprès de vous en opérant par lui des miracles, des prodiges et des signes au milieu de vous, comme vous cet homme, selon le plan bien arrêté et la prescience divine, vous l’avez livré et supprimé en le faisant crucifier par la main des impies, mais Dieu l’a ressuscité en le délivrant des douleurs de la mort, car il n’était pas possible que la mort le retienne en son pouvoir... Que toute la maison d’Israël le sache avec certitude : Dieu l’a fait Seigneur et Christ ce Jésus que vous, vous aviez crucifié (Ac. 2, 22-24, 36).

Dans la résurrection du Christ, Paul découvre qu’il est possible de lire la restauration de l’homme dans sa condition primitive : Jésus-Christ est le nouvel Adam, ou plus exactement il est l’Adam véritable qui permet de comprendre l’Adam primitif :

Si par un seul homme, par la faute d’un seul, la mort a régné, à plus forte raison, par le seul Jésus-Christ, régneront-ils dans la vie ceux qui reçoivent l’abondance de la grâce et du don de la justice. Bref, comme par la faute d’un seul, ce fut la condamnation pour tous les hommes, ainsi par la justice d’un seul, c’est pour tous les hommes la justification qui donne la vie (Ro. 5, 17-18).

En constatant la solidarité de tous les hommes dans le péché, Paul découvre également une solidarité plus efficace, parce qu’elle s’enracine dans la volonté salvifique de Dieu : l’humanité tout entière devient solidaire de Celui qui s’est uni à elle, Jésus le Christ, cet homme qui fut mis à mort et dont la résurrection a prouvé l’amour vivifiant du Père.

La foi chrétienne n’évacue pas le péché, mais au contraire, elle le situe à sa vraie place, comme le souligne la liturgie pascale :

Heureuse faute qui nous a valu un tel Sauveur.

Le péché n’a pas de signification positive en lui-même, mais il permet à Dieu de manifester la puissance de son amour : Dieu n’a permis le péché que parce que Jésus-Christ allait en triompher. Toutefois, la foi chrétienne ne croit pas au péché, elle croit au salut personnel de tout homme dans la mort et la résurrection du Christ, qui donne un sens à toute l’aventure humaine. Pourtant, ce salut qui est déjà totalement donné aux hommes n’est pas encore totalement réalisé, il est l’objet de l’espérance chrétienne.

Célébrer la réconciliation, c’est non pas confesser l’existence du péché, c’est confesser que Jésus-Christ est le Seigneur, vainqueur de la mort et du péché, c’est confesser l’espérance de vie qu’il ouvre à l’humanité qui accepte l’amour de Dieu, manifesté dans celui qui a donné sa vie pour le salut des hommes.

Quel salut pour l’homme ?

C’est une interrogation capitale pour les hommes du vingtième siècle, peut-être davantage que pour les générations précédentes, il est difficile d’admettre que la foi au Christ passe par l’acceptation d’un salut à venir, comme si le christianisme envisageait de maintenir vivante l’utopie en situant dans un avenir meilleur l’objet de son espérance. Les millénarismes, qu’ils soient politiques ou qu’ils soient religieux, ne sont qu’un alibi à l’endormissement des consciences... Et Karl Marx aurait eu raison d’affirmer que la religion était l’opium du peuple, si la perspective du salut n’était jamais que la présentation d’un âge d’or pour l’ensemble de l’humanité. La grande revendication des hommes contemporains, c’est leur responsabilité personnelle et collective, ils ne veulent pas attendre d’un ailleurs le sens de leur destin, ils se veulent responsables de l’aventure humaine qu’ils osent tenter. Alors Jésus-Christ, Sauveur, ne peut répondre aux aspirations les plus légitimes...

Ce Christ, beaucoup de chrétiens, même non-pratiquants, prétendent le rencontrer quotidiennement. Et l’extension la plus grande du terme de sacrement a permis précédemment de constater d’autres formes de la sacramentalité chrétienne (la sacramentalité sociale, par exemple).

Il existe une différence fondamentale entre les hommes du vingtième siècle (spécialement, les Occidentaux) et les hommes qui vivaient à l’époque de Jésus, ces juifs qui attendaient le Messie. Celui-ci devait leur apporter une libération politique de l’emprise romaine. L’homme contemporain est en droit de s’interroger sur le genre de libération que peut lui apporter le Christ. Ce ne peut être une libération de type politique, social ou économique, et il ne faut pas chercher le Christ là où il n’est pas. Depuis sa résurrection d’entre les morts, il échappe à toute détermination temporelle ou historique. La rencontre du Christ ne peut se faire que dans l’expérience même des disciples d’Emmaüs : la reconnaissance de sa présence se fait au moment même où le chrétien constate son absence, sa disparition. Il faut toujours le chercher ailleurs, et peut-être principalement dans le projet que les hommes se font de leur propre existence, en donnant à celle-ci un sens éclairé par la foi en Jésus-Christ.

Le vocabulaire de salut est un vocabulaire piégé. Positivement, l’homme n’a pas besoin de la foi, de la religion, pour être sauvé ou libéré. En revanche, le vocabulaire de la réconciliation peut intervenir, reprenant à son compte le vocabulaire vétéro-testamentaire de l’alliance avec Dieu. La réconciliation est un fait dont les hommes peuvent faire quotidiennement l’expérience. Et cette réconciliation humaine peut apparaître comme un signe pour comprendre la réconciliation des hommes avec leur Seigneur et leur Dieu. Il ne peut alors s’agir d’évacuer cette réconciliation dans un monde mythique ou dans un paradis céleste. Il s’agit d’instaurer, dans le monde présent, le signe de l’alliance divine, dans le concret de l’existence. Il ne s’agit pas de prétendre à un amour universel, purement idéalité, mais d’aimer des hommes, faits de chair et de sang, des hommes qui sont proches... La réconciliation des hommes avec Dieu est à ce prix, puisque le propre Fils de Dieu n’a pas hésité à prendre un enracinement humain pour accomplir la réconciliation de l’ensemble de l’humanité avec Dieu son Père. Et le salut qu’il a lui-même apporté a été entièrement donné aux hommes, pourtant, il revient à ceux qui se déclarent chrétiens de l’effectuer, en étant proprement incarnés dans la nature humaine, comme le Fils de Dieu a pris l’humanité dans son incarnation.

La voie du salut se découvre alors dans la réconciliation, ou plus exactement dans sa mise en route qui a pour nom la conversion, le changement de vie. Pour le peuple juif, la conversion évoquait en priorité le retour joyeux des exilés de Babylone vers Jérusalem. Le changement qui se produisait alors était une mise en route vers la terre ancestrale. Comme la marche entreprise aux jours de l’Exode, cette marche du retour avait une grande importance. Elle a fini par symboliser, dans tout le peuple d’Israël, comme dans la mentalité chrétienne ultérieure, le retour du coeur vers le Seigneur Dieu. De démarche extérieure, la conversion est devenue une démarche intérieure, une conversion du coeur, compris non seulement comme le siège des affections humaines, mais bien plus dans le sens sémitique qui désigne par le coeur la totalité de l’être humain dans les relations qu’il entretient avec l’ensemble de l’humanité.

De plus, la conversion implique non pas seulement un retournement, mais aussi un enracinement. Les exilés, qui s’étaient fixés depuis plusieurs générations en Babylonie, ont éprouvé quelque difficulté à s’arracher aux habitudes qu’ils avaient prises. C’est une rupture d’avec un certain passé, mais cette rupture n’est pas simplement la négation de quelque chose, elle est surtout un attachement à une autre réalité. Au sens chrétien, dans la conversion, l’homme s’arrache à l’emprise du mal sous toutes ses formes, à la négation ou au refus de Dieu, pour s’attacher à l’amour même de Dieu. Se convertir, c’est se tourner vers quelqu’un, ainsi que la soulignait la parabole du fils prodigue : Je vais aller chez mon père (Lc. 15, 18).

La réconciliation, un sacrement

C’est dans le cadre concret de l’existence humaine que peut s’effectuer toute démarche de conversion et que peut s’expérimenter la réconciliation. Et c’est toute l’histoire de l’homme qui devient aux yeux des croyants une histoire sainte, une histoire de la relation de l’homme avec Dieu. Cette histoire sainte est une histoire de salut, de libération, de conversion, de réconciliation.

La conversion ne peut pas être opérée par l’observance scrupuleuse d’une loi. La conversion implique une adhésion personnelle de celui qui s’engage dans ses voies. Le peuple juif, dans ses tribulations, a bien expérimenté cette réalité de la conversion, dans le concret de son existence. La résurrection du Christ a certainement fait tourner le regard des croyants vers un au-delà du monde, vers la fin et l’accomplissement de l’histoire, vers le monde transcendant de Dieu. Toutefois, il ne faut pas estomper la réalité corporelle de Jésus-Christ : il a été un homme comme tous les autres hommes, participant avec eux et comme eux à toutes les conséquences du péché, la limitation et la mort, entre autres. Mais ce même Jésus invite à franchir avec lui le passage du refus à l’acceptation du dessein de Dieu. La solidarité qu’il manifeste avec les hommes par sa mort conduit le croyant à affirmer que cette même solidarité s’exprime pour les hommes dans la participation à la gloire divine de Jésus. Mais cette participation ne saurait être effective si les hommes ne prenaient part, à leur tour, à ce dessein de salut de Dieu, au mystère même de la Pâque du Seigneur Jésus-Christ, qui opère la médiation entre Dieu et l’homme, entre l’homme et Dieu.

Depuis la glorification et l’exaltation de Jésus-Christ, c’est à l’Eglise, Corps du Christ, qu’il revient d’établir la relation des hommes avec celui qui les sauve. Elle devient ainsi le Sacrement de salut pour tous les hommes, en même temps qu’elle s’institue dans la dépendance du seul médiateur, Jésus-Christ, le Sacrement de la rencontre de Dieu, devenant ainsi l’Epouse du Christ. Toute la sacramentalité de l’Eglise s’exprime, comme il l’a déjà été souligné plusieurs fois, dans le mystère même de Pâques, qui est le coeur de la foi.

L’Eglise a manifesté sa sacramentalité particulière par les rites positifs que sont les sacrements... La réconciliation s’inscrit dans cette sacramentalité, parce que l’Eglise ne croit pas à la fatalité du péché, mais à la liberté qui repose sur la promesse inaliénable de Dieu et sur sa fidélité dans l’histoire des hommes. La réconciliation est la célébration de la rencontre de Dieu avec son peuple, célébration du Christ qui fait entrer les hommes avec lui dans le monde restauré en Dieu, par sa résurrection d’entre les morts.

Aussi n’est-il pas possible de considérer la réconciliation comme un rite magique, une sorte de psychothérapie, mais comme un immense acte d’espérance. En célébrant Jésus-Christ ressuscité, les chrétiens se tournent immédiatement vers l’avenir qu’il ouvre à toute l’humanité, dans l’alliance qu’il renouvelle avec Dieu pour tous les hommes. Mais il faut savoir que l’Eglise, au cours des siècles de son histoire, a vécu des rites très différents pour exprimer la réconciliation des hommes avec Dieu.

La réconciliation à l’âge apostolique

Quand Jésus commence sa prédication, Jean-Baptiste attirait à lui les foules de Jérusalem et de toute la Judée, avec des accents très menaçants :

En ces jours-là, paraît Jean le Baptiste, proclamant dans le désert de Judée : Convertissez-vous, le Règne des cieux s’est approché ! C’est lui dont avait parlé le prophète Esaïe, quand il disait : Une voix crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. Jean avait un vêtement de poil de chameau et une ceinture de cuir autour des reins, il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. Alors Jérusalem, toute la Judée et toute la région du Jourdain se rendaient auprès de lui, ils se faisaient baptiser par lui dans le Jourdain en confessant leurs péchés. Comme il voyait beaucoup de Pharisiens et de Sadducéens venir à son baptême, il leur dit : Engeance de vipères, qui vous a montré le moyen d’échapper à la colère qui vient ? Produisez donc du fruit qui témoigne de votre conversion, et ne vous avisez pas de dire en vous-même : Nous avons Abraham pour père. Car je vous le dis, des pierres que voici, Dieu peut susciter des enfants à Abraham. Déjà la hache est prête à attaquer la racine des arbres, tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu. Moi je vous baptise dans l’eau en vue de la conversion, mais celui qui vient après moi est plus fort que moi, je ne suis pas digne de lui ôter ses sandales, lui, il vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. Il a sa pelle à vanner à la main, il va nettoyer son aire et recueillir son blé dans son grenier, mais la bale, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas (Mt. 3, 1-12).

Mais au lieu de la colère de Dieu, c’est Jésus qui se présente à lui, au milieu de tous les pécheurs. La première démarche publique de Jésus, c’est de se faire baptiser comme un pécheur, il accomplit alors un rite de pénitence publique... Et lorsque Jean sera arrêté et jeté en prison, Jésus continuera la prédication du Baptiste, sans parler de colère, mais d’une Bonne Nouvelle :

Après que Jean eut été livré, Jésus vint en Galilée. Il proclamait l’Evangile de Dieu et disait : Le temps est accompli et le Règne de Dieu s’est approché. Convertissez-vous et croyez à l’Evangile (Mc. 1, 14-15).

Cet évangile, cette Bonne Nouvelle se traduit immédiatement par des actes de pardon et de réconciliation de ceux qui étaient considérés comme des pécheurs publics : les collecteurs d’impôts qui pressuraient le peuple élu de Dieu au profit de l’occupant romain, les prostituées, les femmes adultères... Et l’évangéliste Jean présente une véritable célébration communautaire de la pénitence dans l’épisode de la femme adultère (Jn. 8, 1-11).

Des hommes, bien-pensants et qui se croyaient justes devant Dieu et devant les hommes, entraînent aux pieds de Jésus une femme qui a été surprise en flagrant délit d’adultère (curieusement, l’évangéliste ne mentionne pas l’homme !). Cette femme a péché, le fait est clair. Elle est convaincue de péché, mais ceux qui l’ont amenée ne connaissent pas encore leur propre péché. Et Jésus les renvoie à eux-mêmes, à leur propre conscience : Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre.

En quittant les lieux, les hommes reconnaissent aussitôt et publiquement leur péché, c’est un aveu public, manifesté dans une conversion (ici, elle a une simple forme géographique). Tous ont changé en présence de Jésus, les hommes et la femme. Et Jésus donne une véritable absolution à cette femme : Va et désormais ne pèche plus. Au soir de la Pâque, le ressuscité apparaît aux disciples : La paix soit avec vous. Comme le Père m’a envoyé, à mon tour, je vous envoie... Recevez l’Esprit-Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils seront remis. Ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus (Jn. 20, 21-23).

Ce faisant, le Christ institue son Eglise comme le lieu du pardon des péchés, dans le sillage direct du don de l’Esprit. Il ne saurait faire de doute que le sacrement du pardon n’ait été institué par le Christ lui-même. Mais le tort de l’Eglise, à travers les siècles, aura été de le réduire progressivement : de la rémission des péchés on en est venu au sacrement de la pénitence, puis essentiellement à la confession, à l’aveu et à l’accusation au prêtre, alors que la rémission des péchés était autrement vaste...

Le scandale des chrétiens, qui demeurent pécheurs, éclate dès la génération apostolique. Tout n’allait pas si bien dans la communauté fraternelle de Jérusalem, puisque Pierre eut à régler le cas épineux d’Ananie et de Saphire (Ac. 5, 1-11).

Les moeurs des chrétiens de Corinthe laissaient à désirer, ce qui leur valut de fréquentes reproches de Paul. De la période antique, on ne peut pratiquement rien affirmer avec certitude. Sans doute les chrétiens s’en tenaient-ils au processus recommandé par l’Evangile, réclamant la correction fraternelle : Si l’un de vous s’est égaré loin de la vérité et qu’on le ramène, sachez que celui qui ramène un pécheur du chemin où il s’égarait lui sauvera la vie et fera disparaître une foule de péchés (Jac. 5, 19-20).

La réconciliation à l’époque patristique

De la résurrection à l’an 170 environ, il n’y a pas d’institution de ce sacrement. Les premiers chrétiens avaient conscience de leur appartenance au Corps du Christ, réellement présent dans la communauté des disciples. Ils exprimaient leur pénitence par une conversion de toute leur vie.

De la fin du deuxième siècle jusqu’au sixième apparaît une pénitence qui est toujours publique. En cas de faute grave, le chrétien était exclu de l’eucharistie et de la vie de la communauté. La réconciliation ne pouvait être donnée qu’une seule fois dans la vie. C’est l’hérésie montaniste qui fait éclater une crise de la rémission des péchés. Montan affirmait en effet : L’Eglise peut remettre les péchés, mais je ne le ferai pas pour que d’autres ne pèchent pas.

Le pardon des péchés était possible après le baptême, mais selon Montan, l’Eglise ne pouvait pas l’accorder de peur d’inciter directement ou indirectement les chrétiens à pécher. Tertullien, mort après 220, s’est laissé entraîner par les erreurs montanistes, refusant de réadmettre dans l’Eglise ceux qui avaient péché. Les écrits de Tertullien permettent de savoir qu’au troisième siècle il existait une réconciliation proportionnée aux fautes et conditionnée par une expiation adaptée aux pécheurs. La persécution de Dèce, vers 250, allait permettre à l’évêque Cyprien de Carthage de donner son sentiment sur la réinsertion ecclésiale des fidèles qui avaient apostasié, en sacrifiant aux idoles ou en se procurant des certificats fictifs de sacrifices. Pour éviter toutes les outrances, il décide de réadmettre dans la communion de l’Eglise les apostats, mais après un temps de pénitence qui serait long et sévère et qui serait administré par l’autorité ecclésiastique. Prévoyant le cas d’une nouvelle persécution, il admettait d’abréger ce temps de pénitence pour permettre aux pécheurs réconciliés de recevoir une force nouvelle pour le combat de la foi qui pouvait les conduire au martyre. Pour Cyprien, la réconciliation serait vaine si elle n’exigeait pas un effort effectif. C’est la raison pour laquelle l’évêque ne peut pas l’accorder facilement : La complaisance excessive à donner la réconciliation ne procure pas la paix, mais l’enlève et, loin de procurer la communion, elle obstrue la route du salut.

L’ensemble du processus de la réconciliation est très humiliant ; le pénitent devait se reconnaître coupable de sa faute, sans qu’il soit dit qu’il y ait nécessité d’en faire un aveu public, devant toute la communauté réunie (évêque, prêtres et fidèles). Et c’est par l’imposition des mains de l’évêque et de son clergé qu’il était réadmis dans la communion ecclésiale. Cette forme de pénitence est exigée pour les fautes graves, et rien que pour elles, même si certains fidèles la demandaient pour satisfaire leur conscience, sans en avoir réellement besoin.

Mais cette réconciliation ecclésiale ne pouvait pas être réitérée. Considérée comme un second baptême, la réconciliation ne pouvait être redonnée, tout comme le premier. En conséquence, elle est interdite aux pécheurs encore trop jeunes ou aux gens mariés (la pénitence exigeait de vivre comme frère et soeur dans le mariage). Elle était interdite aux prêtres auxquels elle aurait enlevé tout pouvoir dans l’exercice de leur ministère, aux religieux parce que l’entrée en religion était considérée déjà comme une entrée en pénitence. La pénitence était donc une affaire de vieillards, de veufs ou de héros... les autres devaient attendre patiemment d’être sur leur lit de mort pour demander la réconciliation.

Saint Augustin, évêque d’Hippone, de 396 à 430, ne présente pas un enseignement sur la pénitence, mais, par son oeuvre, on peut découvrir que la pratique pénitentielle est soumise à des règles très précises. Pour lui, il existe trois sortes de pénitences : celle qui doit se faire avant le baptême, celle que le chrétien accomplit en privé pour des fautes mineures, et celle qu’il doit accomplir à la suite d’une faute grave, cette pénitence pouvant être publique ou privée. La pénitence privée s’exprime par la prière et la pratique de l’humilité quotidienne. La troisième forme de pénitence est très sévère, elle ne devrait pas être nécessaire à celui qui a reçu le baptême, et, en tout cas, elle ne peut être accordée qu’une seule fois dans la vie.

Il y a dans l’Écriture trois manières d’envisager la pénitence. La première est celle des catéchumènes désirant recevoir le baptême... Il y a une autre pénitence, elle est quotidienne. Où trouvons-nous cette pénitence journalière ? Point de meilleur passage de l’Ecriture que l’oraison de chaque jour, où le Seigneur nous apprend à prier et à dire au Père ce qu’il convient : Remets-vous nos dettes comme nous-mêmes nous remettons à nos débiteurs. Reste le troisième genre de pénitence dont je parlerai brièvement pour que j’achève avec l’aide de Dieu le propose que je me suis fixé. C’est une pénitence sévère et riche en larmes, par où l’on désigne l’état des pénitents dans l’Eglise, auxquels il est interdit de participer au sacrement de l’autel, de peur que, en le recevant indignement, ils ne mangent et boivent leur propre condamnation. Cette pénitence est riche en larmes. La blessure faite est grave : peut-être est-ce un adultère, un meurtre, quelque sacrilège, en tout cas, c’est une matière grave et une blessure dangereuse, mortelle, mettant le salut en péril. Mais le médecin est tout-puissant. Le pécheur, après la tentation, la délectation, le consentement et l’acte peccamineux, dégage une odeur fétide, comme un cadavre, après quatre jours de décomposition. Mais le Seigneur ne l’abandonne pas, il l’appelle : Lazare, sors ! Le poids de la tombe cède devant la voix miséricordieuse, la mort recule devant la vie, l’enfer devant le ciel. Lazare se lève et sort de son tombeau. Or il était entravé de liens, comme le sont les pécheurs confessant leurs fautes et faisant pénitence. Déjà ils sont libérés de la mort, car ils ne feraient pas profession de pénitence, s’ils n’en étaient pas dégagés. Le fait même de faire pénitence signifie que l’on sort de la nuit et des ténèbres. Mais que dit le Seigneur à son Eglise ? ce que vous délierez sur la terre sera délié au ciel. Lazare sort du tombeau, car Dieu a rempli sa promesse de miséricorde ; il nous faut conduire à la pénitence le moribond déjà putride ; le reste sera accompli par le ministère de l’Eglise : Déliez-le et laissez-le partir... (Sermon 352).

Le rite de la pénitence s’accomplissait en trois étapes.

D’abord, un aveu, laissé à l’initiative du pécheur, qui manifeste son repentir et son désir de conversion devant l’évêque. Celui-ci est alors en droit de l’admettre ou non dans l’ordre des pénitents, cette entrée amenant une excommunication volontaire : le pénitent n’est plus autorisé à communier au sacrement de l’autel.

Ensuite, la satisfaction. Elle est manifestée par la séparation de la communauté et parfois même par l’exil loin de la cité. Pendant ce temps, la communauté est chargée de prier pour le pénitent afin qu’il se convertisse et revienne à la vraie vie.

Enfin, la réconciliation proprement dire qui se fait par l’autorité de l’Eglise qui juge de l’intensité du désir de conversion et qui admet à nouveau le pénitent dans la communauté. C’est au cours de la célébration du Jeudi Saint que, par l’imposition des mains, l’évêque réintégrait les pénitents dans la communauté eucharistique.

Jusque la fin du sixième siècle, cette pratique fut la règle commune dans l’ensemble de l’Eglise. Mais vers la fin de ce siècle, une nouvelle pratique voit le jour. Et les évêques, réunis en Concile à Tolède, s’indignent de cette pratique qui s’introduit sur leurs territoires :

Nous avons appris que certaines gens, dans certaines régions d’Espagne, faisaient pénitence pour leurs fautes non conformément aux règles canoniques mais d’une manière indigne, à savoir, chaque fois qu’ils ont péché, ils réclament l’absolution sacerdotale. C’est pourquoi afin de mettre fin à une si exécrable et présomptueuse manière d’agir, le saint concile a ordonné ce qui suit. On donnera la pénitence sous les formes anciennes et officielles : le pécheur qui se repend de ses péchés devra d’abord recevoir à plusieurs reprises l’imposition des mains, avant d’être admis dans l’ordre des pénitents, il lui est interdit de communier. Une fois son temps d’expiation achevé, suivant le jugement de son évêque, il sera réadmis à la communion eucharistique. Quant à ceux qui retombent dans leurs fautes durant leur temps de pénitence ou après qu’ils aient été réconciliés, ils seront punis sévèrement suivant ce que prescrivent les anciens canons (Tolède, 589).

En revanche les évêques francs se déclarent très favorables à ce nouvel usage de la pénitence :

En ce qui concerne la pénitence à accomplir pour les péchés, nous estimons qu’elle est utile à tous. Les évêques, à l’unanimité, souhaitent qu’aux pécheurs, à chaque fois qu’ils se confessent, soit imposé une pénitence expiatoire (concile de Chalon-sur-Saône, 644-645).

Tout en prenant des positions nettement contradictoires, les évêques de Tolède et de Chalon prenaient en considération cette nouvelle pratique de la pénitence, dont l’usage allait se généraliser sous le nom de pénitence tarifée.

Cet usage a été introduit dans l’Eglise par des moines irlandais qui n’avaient pas connu la pénitence publique et qui permettaient la pénitence privée, laquelle pouvait être reçue plusieurs fois.

La pénitence antique implique nécessairement une sorte de mort civile et sociale : il est interdit au pécheur, même réconcilié, de mener une vie conjugale normale, de se marier ou de se remarier, d’occuper des fonctions publiques, d’exercer des charges commerciales et d’entrer dans les ordres.

La nouvelle forme pénitentielle permet à tous les pécheurs de se faire réconcilier autant de fois qu’ils avaient péché. Il n’est même plus nécessaire d’avoir recours à l’évêque pour le pardon. Le pécheur s’adresse en privé à un prêtre, et le pardon est obtenu moyennant certaines taxes pénitentielles (jeûne, aumônes). A la fin de l’accomplissement de cette taxe, le pardon est accordé par l’absolution. Finalement, cet usage se répand pour des motifs pastoraux beaucoup plus que pour des raisons théologiques ou canoniques. L’originalité de cet usage repose sur son aspect de tarification : à chaque péché correspond une pénitence précise. Le pécheur va trouver son confesseur, il fait un aveu, et il se voit imposer une ‘taxe’. La confession se fait souvent sous la forme d’un questionnaire dont dispose le confesseur qui additionne les taxes correspondant à chaque péché, suivant sa gravité et sa fréquence. La confession personnelle est une marque d’humiliation et d’expiation de la faute. Après avoir rempli sa pénitence, le pécheur revient une seconde fois chez son confesseur qui lui donne alors l’absolution, terme qui finit par remplacer le terme antique de réconciliation.

Pour des motifs humains et pastoraux, les confesseurs finirent par ne plus imposer de jeûne aux malades ; dès lors, la porte commençait à s’ouvrir pour des abus... La pratique du rachat de la pénitence s’établit ; il suffisait de donner une forte somme d’argent comme équivalent à la taxe imposée, ou de pays quelqu’un, un serf par exemple, pour qu’il accomplisse la pénitence du seigneur pécheur...

Cette forme de pénitence est à l’origine du sacrement de pénitence tel qu’il était connu encore récemment : l’initiative revenait au pécheur qui venait rencontrer un prêtre pour lui faire son aveu. L’insistance sur l’aveu finit par donner un nom nouveau à la réconciliation : la confession.

A partir du treizième siècle, avec le concile du Latran (1215), la confession devient obligatoire, avec un examen de conscience et un aveu individuel de toutes les fautes graves. La pénitence privée, secrète, avait ainsi fini par l’emporter sur la pénitence publique traditionnelle.

Tout fidèle de l’un et de l’autre sexe, parvenu à l’âge de discrétion, doit lui-même confesser loyalement tous ses péchés, au moins une fois l’an à son propre curé, accomplir avec soi, dans la mesure de ses moyens, la pénitence qu’on lui a imposée et recevoir, avec respect, au moins à Pâques, le sacrement de l’eucharistie, sauf le cas où, sur le conseil de son curé, pour quelque cause raisonnable, il jugerait devoir s’abstenir momentanément de le recevoir (Latran IV, 1215).

Trois siècles plus tard, les évêques réunis au concile de Trente, estiment que la confession est établie depuis toujours et ils publient, pour toute l’Eglise, le décret suivant :

Si quelqu’un nie que la confession sacramentelle soit instituée ou soit nécessaire au salut, de droit divin, ou s’il dit que la manière de se confesser au prêtre seul, que l’Eglise catholique a toujours observée depuis le commencement et observe encore, est contraire à l’institution et au précepte du Christ et qu’elle est une invention humaine, qu’il soit anathème ! (Trente, 1551).

Ce même concile érige en absolu la pratique sacramentelle de la réconciliation, qui n’était pourtant pas le fruit d’une longue tradition, pas plus que ne l’était l’obligation de l’aveu. La confession individuelle est une pratique relativement récente dans l’histoire de l’Eglise, même si les Pères de Trente ont injustement prétendu la faire remonter à la plus haute antiquité. Le confessionnal apparaît au seizième siècle, après le concile de Trente, pour éviter tout abus... Il sera le lieu de la pénitence et de la direction spirituelle des chrétiens. Dès lors, l’absolution par un prêtre devient alors tout à fait essentielle.

L’important, dans toutes les vicissitudes du sacrement, c’est la certitude affirmée par l’Eglise que Dieu pardonne, qu’il a pardonné d’avance, mais qu’il appartient au pécheur de se tourner vers lui, de se convertir.

Des noms différents ont été donnés à ce sacrement :

la pénitence.

On insiste sur la nécessité de réparer. Dieu a été offensé, il faut accomplir un geste pour réparer le préjudice qu’il a subi, et que ce soit quelque chose de pénible, qui cause de la peine. Le mot de pénitence met l’accent sur la nécessité de traduire par des actes la volonté de conversion et les actes sont exigeants. Il ne suffit pas de réciter une ou deux prières, il faut être sérieux avec ses actes...

la confession.

On insiste sur l’aveu qu’il faut faire de sa faute. Pour que Dieu puisse donner le pardon, il convient de dire sa faute, de la reconnaître, de la confesser, pour que le prêtre puisse donner une pénitence proportionnée à la gravité de la faute. Le terme de confession insiste sur l’effort de volonté pour faire pénitence : on confesse l’amour de Dieu, on reconnaît les appels reçus de lui, et on confesse, on reconnaît son propre péché.

l’absolution.

On insiste sur le pardon que Dieu accorde. Il absout, il relève le pécheur de sa faute.

la réconciliation.

Aujourd’hui, on parle plus volontiers de réconciliation. Ce terme, tout en soulignant la relation entre Dieu et l’homme, met en avant l’initiative de Dieu : c’est Dieu qui ne cesse de nous renouveler son pardon. Notre regard est fixé vers Dieu, vers l’avenir.

Célébrer aujourd’hui la réconciliation

Depuis Jésus-Christ, le sacrement de réconciliation a été célébré, d’abord collectivement, puis en privé, sous des formes diverses. Aujourd’hui, l’Eglise propose trois types de célébrations : une individuelle, une communautaire avec confession et absolution individuelles, et dans certains cas bien définis une célébration communautaire avec absolution collective... Mais c’est toujours le pardon de Dieu qui agit sous chaque forme de célébration dans laquelle le chrétien se reconnaît pécheur, c’est la confession des péchés, et reconnaît aussi que le pouvoir de pardonner les péchés a été remis par le Christ à l’Eglise, c’est la confession de la miséricorde de Dieu, la confession de la foi chrétienne, par le ministère des évêques et des prêtres. Ce qui est demandé au pénitent, au-delà de l’aveu, c’est l’engagement vers une vie nouvelle (un repentir et une conversion) par la réparation du mal qu’il a fait (la pénitence).

La foi du peuple chrétien au pardon de Dieu et à la réconciliation n’a pas changé, mais la manière de le dire, de le célébrer, a beaucoup varié. L’Eglise n’est pas un musée de traditions qu’il faut conserver à tout prix, elle est le lieu où l’Esprit de Dieu agit de l’intérieur pour annoncer à l’ensemble de l’humanité la Pâque du Seigneur.

Pour la réconciliation individuelle, le confessionnal n’est pas aboli, car il convient de ménager des transitions. Mais le nouveau rite de la réconciliation exige certainement un lieu où il soit possible au prêtre et au pénitent de se rencontrer véritablement, et non pas dans une rencontre-express, quitte à sacrifier pour ce faire une partie de la célébration eucharistique dominicale. Prêtres et pénitents ne peuvent plus se faire les complices d’un massacre de la réconciliation, en réclamant ou en accordant des absolutions anonymes, rapides et sans douleur... parce que sans rencontre véritable. En effet, la conversion n’est pas simplement l’affaire de quelques minutes dans " un placard à péchés " où un " coup d’éponge magique " permettrait de faire rapidement une lessive à bon compte. La réconciliation ne peut pas être une habitude, car elle est un événement, celui de la rencontre du chrétien et de son Seigneur.

Pourquoi faut-il l’intermédiaire d’un prêtre ?

Dieu n’a pas besoin d’intermédiaire, il est libre d’agir comme il veut. Mais c’est avec des hommes qu’il agit. Nous ne sommes pas de purs esprits, nous avons besoin de signes pour vérifier la vérité de nos pensées. Il est donc nécessaire d’exprimer cette rencontre dans des gestes humains. C’est la raison pour laquelle la présence d’un prêtre est indispensable dans la réconciliation chrétienne. Le prêtre n’agit pas en raison de ses compétences, de son intelligence personnelle ou de ses qualités de bon psychologue. Il agit au nom du Christ qui a donné à ses apôtres et à leurs successeurs le pouvoir de pardonner les péchés. Une parole de l’Evangile dit : Va d’abord te réconcilier avec ton frère avant de venir présenter ton offrande à l’autel.

Alors, s’il faut un geste pour exprimer le pardon, pourquoi ce geste ne concernerait-il pas l’autre, l’ennemi ? Pourquoi un tiers pour le pardon de l’Eglise ? Le prêtre est là comme le témoin de la communauté chrétienne que mes actes atteignent, mais pourquoi spécialement un prêtre ? La communauté chrétienne est structurée : le prêtre n’est pas seulement mon ami, c’est celui qui a reçu de l’Eglise le pouvoir de pardonner, il est mandaté par l’Eglise pour cela.

La réconciliation personnelle avec Dieu par l’intermédiaire d’un prêtre est un moment important dans la vie du chrétien : il se souvient que le don de Dieu est gratuit. Dieu se propose à l’homme qui peut l’accueillir ou le refuser. Jésus n’a pas été écouté par ses contemporains. Certains ont refusé d’entendre sa parole, ils ont refusé de se convertir. D’autres ont suivi son chemin et ont changé de vie.

Se confesser, ce n’est pas faire un catalogue de tous ses péchés, c’est essayer de regarder toute sa vie comme Dieu lui-même la regarde. Il s’agit de voir sa vie à la lumière de l’Évangile. C’est ainsi qu’on peut découvrir son péché et la grandeur de l’amour de Dieu : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés (Jn. 13, 34).

Ce faisant, le chrétien de découvre pécheur et reconnaît que Dieu le sauve et l’aime. C’est face à l’amour de Dieu que le chrétien prend conscience de tous ses manques d’amour envers lui et envers les autres. Se réconcilier, c’est s’engager à aimer davantage.

Toute célébration de la réconciliation se doit de commencer par un accueil, manifesté par exemple par le signe de la croix, qui manifeste que prêtre et pénitent sont tous deux pécheurs et que la réconciliation s’opère par la croix du Christ. Dans la célébration communautaire, l’accueil se prolonge par une prière d’ouverture :

Dieu très bon et miséricordieux, tu ne veux pas la mort du pécheur, mais sa conversion. Viens au secours de ton peuple pour qu’il revienne à toi et qu’il vive. Donne-nous d’écouter ta Parole et de reconnaître notre péché. Alors nous pourrons te rendre grâce pour ton pardon et, vivant dans la vérité de l’amour, nous marcherons sur les pas de ton Fils...

Cette prière introduit ainsi la lecture de la Parole de Dieu, car c’est elle seule qui appelle l’homme à la conversion et à la réconciliation.

La première étape dans la rencontre personnelle est de trouver une attitude de prière. En se présentant au prêtre, le pénitent dit :

Père, bénissez-moi, parce que j’ai péché.

Le prêtre l’accueille en disant (par exemple) :

Que le Seigneur Jésus vous accueille, lui qui n’est pas venu appeler les justes mais les pécheurs.

Quand des chrétiens disent : je ne sais pas quoi dire, cela n’est pas étonnant car ils mettent l’accent sur leur propre personne au lieu de laisser l’Esprit de Dieu révéler leur péché, en leur montrant l’amour de Dieu. Plus ils écoutent la Parole de Dieu, plus ils se découvrent pécheurs.

Même dans une rencontre personnelle, la deuxième étape se doit d’être l’accueil de la Parole de Dieu. Pour faciliter le dialogue avec le prêtre, il est bon de lui dire ce qui nous marque le plus dans les paroles de Jésus qui ont aidé à préparer cette rencontre... La méditation de la Parole de Dieu doit conduire à reconnaître la tendresse de Dieu pour la brebis égarée, puis à reconnaître son péché. Le prêtre peut alors inviter le pécheur à la confiance dans la miséricorde de Dieu qui ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive. L’homélie, dans la célébration communautaire, peut inviter les chrétiens à examiner leur conscience, mais elle doit surtout les inviter à reconnaître l’amour et la miséricorde de Dieu pour celui qui est décidé à réparer le mal qu’il a fait, tout en soulignant que l’oeuvre de grâce opérée par Jésus-Christ ne peut pas s’épuiser dans des pratiques individuelles de pénitence et qu’elle exige de chacun des pénitents et de toute la communauté chrétienne une conversion à cet amour miséricordieux de Dieu.

La troisième étape, c’est donc de reconnaître l’amour de Dieu et reconnaître son péché. Le pénitent peut dire :

Pardon, Seigneur, je reconnais que j’ai péché, je prends aujourd’hui la décision de changer telle chose dans ma vie avec l’aide de ton Esprit.

Entrer dans une démarche de pénitence, même de manière privée, n’est pas et ne peut pas être une démarche solitaire, c’est dans l’Eglise et avec elle que le pénitent est invité à pratiquer sa démarche de conversion. Les pécheurs ne sont pas livrés à leur seule subjectivité, à leur simple souci d’une moralité extérieure, ils sont membres d’un peuple solidaire, membres de l’Eglise qu’ils forment avec tous ceux qui les ont précédés et tous ceux qui les suivront, membres d’une Eglise sainte parce que le Christ en est la Tête, et membre d’une Eglise pécheresse : les chrétiens sont solidaires dans le péché comme ils sont solidaires dans la résurrection du Christ.

La quatrième étape consiste dans l’accueil du pardon de Dieu. C’est toujours d’un autre que nous revenons le pardon, cet autre qui est le prêtre et qui signifie que c’est le Christ lui-même qui accorde le pardon de Dieu. C’est au titre de son ministère qu’il est habilité à recevoir la confession des pécheurs, et il est tenu de garder le secret sacramentel. C’est aussi au titre de son ministère qu’il est habilité à accorder le pardon de Dieu, comme c’est toujours à ce même titre qu’il lui est possible de proposer une " satisfaction ", une réparation, un effort pour que le pécheur puisse sortir de ses habitudes, se convertir, transformer sa vie pour la rendre comparable au modèle proposé par le Christ Jésus. Mais l’effort humain ne saurait être suffisant. C’est le Christ qui obtient pour les hommes la réconciliation avec Dieu, l’oeuvre de l’homme ne peut être qu’une collaboration à cette oeuvre. La première collaboration humaine s’exprime dans la prière. Ainsi, dans la réconciliation, sous sa forme privée, pénitent et prêtre peuvent s’associer dans une même prière, ou bien le pénitent peut prier seul, en s’inspirant de textes évangéliques ou liturgiques. Dans les célébrations communautaires, la prière est reportée à un moment ultérieur, quand tous les pénitents ont pu confesser leur péché aux prêtres présents : cette prière prend alors la forme d’une action de grâce.

Dans les célébrations privées, comme dans les célébrations communautaires, le pardon de Dieu est, en principe, accordé personnellement, sous une forme brève :

Que Dieu notre Père vous montre sa miséricorde. Par la mort et la résurrection de son Fils, il a réconcilié le monde avec lui et il a envoyé l’Esprit-Saint pour la rémission des péchés. Par le ministère de l’Eglise, qu’il vous donne le pardon et la paix. Et moi, je vous pardonne tous vos péchés, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. AMEN.

ou bien sous une forme plus développée :

Dieu notre Père ne peut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive. C’est lui qui nous a aimés le premier et il a envoyé son Fils dans le monde pour que le monde soit sauvé par lui. Qu’il vous montre sa miséricorde et vous donne la paix. AMEN.

Jésus-Christ, le Seigneur, livré à la mort par nos fautes, est ressuscité pour notre justification. Il a répandu son Esprit-Saint sur les apôtres pour qu’ils reçoivent le pouvoir de remettre les péchés. Par notre ministère, que Jésus lui-même vous délivre du mal et vous remplisse de l’Esprit-Saint. AMEN.

L’Esprit-Saint, notre aide et notre défenseur, nous a été donné pour la rémission des péchés et, en lui, nous pouvons approcher du Père. Que l’Esprit-Saint illumine et purifie vos coeurs. Ainsi vous pourrez annoncer les merveilles de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière. AMEN.

Et moi, je vous pardonne tous vos péchés, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. AMEN.

Le pardon n’est pas une décharge du péché, il invite le pécheur qui a reconnu son péché à renaître à la vie de Dieu, à être uni à la vie même du Dieu Trinitaire, à être plongé dans le dynamisme de l’amour divin. Le pécheur est appelé à renaître comme au jour de son baptême. Et c’est déjà la résurrection qui est à l’oeuvre. Le pardon est résurrection.

Il revient alors à chaque pénitent de traduire en actes le désir de changer quelque chose dans sa vie pour signifier que le Christ est vivant et qu’il invite les hommes à partager sa vie, en leur permettant de se découvrir chaque jour davantage comme les enfants d’un même Père.

Le sacrement de l’espérance

En présentant le sacrement du pardon de Dieu sous une forme de réconciliation, l’Eglise catholique a bien conscience de pratiquer une ouverture vers l’avenir. Au lieu de se tourner vers le passé de l’homme pécheur, elle lui permet de s’ouvrir tout entier à la dimension d’avenir que Dieu lui offre. Cet avenir, c’est toute l’Eglise qui le reçoit, en se situant résolument comme le peuple de l’espérance dans un monde confortablement installé dans ses habitudes, refusant de s’ouvrir à la dimension de Dieu, qui se présente toujours comme celui de l’ailleurs, celui de l’avant. Pour rencontrer Dieu, l’Eglise catholique ne peut que marcher de l’avant, et la réconciliation se présente alors comme une remise en route sur les chemins qui mènent vers Dieu, beaucoup plus que comme un retour en arrière sur les fautes de l’homme.

La réconciliation permet à l’homme de se situer comme porteur lui aussi de la dimension d’espérance qui traverse l’ensemble de l’Eglise chaque fois qu’elle célèbre le mystère de la Pâque du Seigneur, sous ses différentes formes sacramentelles. Le Christ Jésus est vivant et il invite tous les chrétiens, mais aussi tous les hommes, à partager sa vie dans le Royaume de Dieu promis.