Le fossé se creuse entre l'Occident et l'Orient

A la mort de l'empereur Théodose, en janvier 395, l'empire romain est réparti entre ses deux fils : Arcadius qui, âgé de dix-huit ans, reçut la domination sur l'Orient, et Honorius qui, à l'âge de onze ans seulement, recevait l'Occident. Une telle partition de l'Empire romain n'apparut pas alors comme une division en deux empires mais les deux empereurs étaient associés dans un empire unique subsistant en lui-même ; l'unité n'était pas abolie. La scission de l'empire romain en deux parties ne fut que la conséquence des événements qui bousculèrent le monde occidental, avec la chute de Rome au moment de l'invasion perpétrée par Alaric, en 410. Dès cette époque et jusque 476, l'empire d'Occident est encore gouverné par un seul souverain, mais celui-ci n'apparaît plus que comme un jouet entre les mains de l'un ou l'autre des chefs militaires barbares, qui tiraient de lui la légitimation de leurs pouvoirs. Quand, en 486, les dernières provinces gauloises, restées fidèles à Rome, tombent au pouvoir des Francs, l'Occident est définitivement perdu pour l'Empire.

Les querelles théologiques

Les premières années du cinquième siècle marquent un véritable clivage entre le monde antique et le nouveau monde de la chrétienté. Ce clivage peut se situer entre la mort d'Ambroise de Milan et celle d'Augustin d'Hippone. Ambroise meurt en 397, ayant gardé fermement la conviction d'une unité de l'Empire romain et d'une unité de la foi chrétienne ; dans les dernières années de sa vie, il essayait de convertir les barbares à la foi chrétienne et à les attirer en même temps dans l'orbite de la souveraineté romaine. Augustin, quant à lui, meurt en 430, dans sa ville épiscopale assiégée par les vandales. Ces deux évêques, théologiens également, ont largement contribué à établir une pensée doctrinale dans l'Eglise latine. Désormais le fossé entre l'Occident latin et l'Orient grec va se creuser de plus en plus ; les deux moitiés de l'Eglise vont se mettre à vivre chacune de leur côté, en s'ignorant l'une l'autre. Pourtant, les mêmes préoccupations théologiques se retrouvent de part et d'autre, notamment la question christologique que les conciles d'Éphèse et de Chalcédoine s'efforcèrent d'élucider. Le Christ avait été proclamé Dieu et homme par les deux premiers conciles oecuméniques de Nicée et de Constantinople ; mais la manière dont étaient unies en lui la nature humaine et la nature divine n'avait pas été définie, pas plus que l'influence que l'une des natures pouvait avoir sur son comportement humain. 

Le problème théologique naquit du fait que certains théologiens accordaient une grande place à la nature humaine de Jésus, le considérant comme un homme au même titre que les autres, et par extension refusant à Marie sa mère le titre de Théotokos (Mère de Dieu), ne lui accordant que celui de Christotokos (mère du Christ) ; d'autres théologiens faisaient disparaître la nature humaine de Jésus derrière sa nature divine. Ces deux interprétations, poussées dans leurs derniers retranchements, ne pouvaient que sortir de l'orthodoxie. Les conciles Éphèse et de Chalcédoine ne parvinrent pas à éteindre la crise qui va séparer l'Eglise.

A la suite du concile de Chalcédoine, le pouvoir impérial apporta son appui sans réserve à l'orthodoxie chrétienne définie par ce concile ; cependant, tous les milieux ecclésiastiques d'Orient n'acceptèrent pas cette nouvelle formulation de la foi. L'orthodoxie chalcédonienne apparaît alors comme un parti qui trouve sa force dans l'appui du pouvoir ; c'est le parti des melkites, ou des impériaux, en Syrie. Mais l'emprise du pouvoir sur l'Eglise n'entraîne pas pour elle un grand bénéfice religieux ; elle semble être une Eglise officielle, fonctionnarisée, toujours prête à suivre les fluctuations de la politique religieuse des différents empereurs de Constantinople. De plus, les grandes personnalités de l'Eglise ne se situent pas dans les rangs de l'orthodoxie, mais plutôt dans ceux des hérésies. Ainsi, les milieux monophysites (qui ne reconnaissaient, en Jésus-Christ, qu'une seule nature, après son incarnation) se présentent comme des lieux de vie religieuse intense, favorisant le développement de la piété et de la vie spirituelle des fidèles. Ce sont aussi ces mêmes milieux qui développent la liturgie, en introduisant de nouvelles hymnes christologiques, ou en préconisant d'introduire le Credo défini à Nicée et à Constantinople dans la célébration dominicale ; revenir à ce symbole de la foi était la manifestation pure et simple du rejet de la foi définie à Chalcédoine. Malgré le succès considérable de cette tendance religieuse, elle n'a jamais fait l'unanimité parmi les chrétiens, et même parmi les moines qui pouvaient pourtant y trouver un sérieux appui dans leur vie ascétique ou communautaire. Alors que la foi est précisée, des Églises de plus en plus nombreuses se séparent de la communion catholique.

L'Eglise de Perse devient alors nestorienne, manifestant par la même occasion son opposition au pouvoir centralisé de l'Empire romain, considéré comme l'ennemi héréditaire des états perses. Dès 424, l'Eglise perse proclame son indépendance canonique vis-à-vis des Églises occidentales et vit désormais selon son rythme propre, autorisant même le mariage des évêques. L'Eglise d'Arménie et des pays caucasiens se trouve tiraillée entre l'orthodoxie chalcédonienne et le monophysisme, se laissant gagner par celui-ci et faisant de lui un patrimoine de l'Eglise arménienne...

Les empereurs byzantins du cinquième et du sixième siècles apparaissent comme les héritiers du grand Constantin et de Théodose ; maîtres et seigneurs du monde, ils se considèrent comme responsables devant Dieu du bien spirituel des fidèles qui sont soumis à leur autorité ; ils interviennent, avec une certaine compétence, dans les affaires religieuses, et cherchent à inspirer toute la législation civile de l'esprit évangélique. En Orient, il existe donc une certaine association entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel : les évêques jouent le rôle des grands administrateurs impériaux.

L'Eglise et les invasions barbares

En Occident, après le début des invasions barbares, l'Eglise ne peut plus compter que sur elle-même pour maintenir son unité ; le pouvoir impérial s'est complètement disloqué sous le contrecoup des invasions. Les évêques apparaissent alors comme les chefs des cités qu'ils sont amenés à défendre, non seulement spirituellement, mais aussi presque militairement contre les différents envahisseurs. En même temps qu'ils défendent leurs fidèles, ces évêques initient les envahisseurs à la langue du pays et à la religion catholique ; aussi les rapports entre Eglise et les barbares sont généralement plutôt bons. Le problème qui se posait alors à la hiérarchie ecclésiastique était celui de la conversion de ces envahisseurs païens ; les missionnaires chrétiens, tenant compte de la structure de ces peuples, cherchèrent à gagner à la foi chrétienne les chefs de ces tribus, en s'appuyant sur les princesses barbares qui s'étaient plus facilement laissé gagner au christianisme. 

C'est de la sorte que, sous l'influence de son épouse Clotilde et sous celle de l'évêque Rémi de Reims, Clovis demanda et reçut le baptême, aux environs de l'année 500 ; l'entourage de ce chef des Francs, ainsi que la grande majorité de son peuple, passa du paganisme au christianisme, Clovis étant le premier roi, d'origine germanique, à se convertir et à embrasser la religion chrétienne. Cette conversion d'un chef militaire barbare n'est pas sans rappeler celle du jeune Constantin, près de deux siècles plus tôt ; elle marque un tournant dans la vie de Eglise, comme dans l'histoire du monde, qui entre alors dans une nouvelle période, celle des débuts du Moyen-Age. Le baptême de Clovis et de son peuple ne fut, en réalité, que le commencement d'une christianisation des Francs ; il faudra encore attendre trois siècles pour que l'ensemble du territoire soumis aux Francs soit gagné à la foi chrétienne. Mais, alors que les barbares adoptaient les principes du christianisme, les Églises se 'barbarisaient' ; elles participaient davantage à la violence commune de ces barbares, adoptaient leurs formes de justice expéditive et primitive. De plus, les goûts et les moeurs de ces peuples font aussi leur apparition dans la culture que véhiculait jusqu'alors Eglise catholique. De nombreux conciles régionaux ou simplement locaux s'efforcent d'harmoniser les conseils évangéliques et les moeurs barbares, en déterminant les normes selon lesquelles les coutumes nouvelles pouvaient s'allier avec les valeurs originales du christianisme et de sa civilisation ; mais, la langue latine, qui reste la langue officielle du christianisme, accentue une certaine distinction entre le monde des clercs et celui des laïcs... Toutefois, bien que profondément enraciné dans la cité des hommes, Eglise estime de son devoir de la diriger vers la cité de Dieu ; et il revient aux évêques de porter des jugements sur la conduite des rois et des chefs des peuples soumis à leur juridiction épiscopale.

L'Eglise latine se trouve regroupée autour du siège de Rome, elle commence à centraliser son pouvoir autour de la ville qui connut les martyres de Pierre et de Paul, elle subdivise son pouvoir sur le modèle de l'administration civile ; des métropolitains gouvernent les provinces dans lesquelles sont répartis les évêques. La primauté romaine, sur les plans dogmatique, disciplinaire et juridictionnel est reconnue en Occident, dans le courant du cinquième siècle ; le recours à Rome constitue l'instance suprême du gouvernement de l'Eglise. Toutefois, sous l'influence des différents peuples barbares qui occupent l'ancien Empire d'Occident, certaines Églises nationales veulent se constituer et obtenir une certaine autonomie par rapport au siège romain. C'est le cas de l'Eglise d'Irlande, évangélisée par saint Patrick. Cette communauté chrétienne nouvellement convertie accordait sa préférence à la vie contemplative et donc à la discipline monastique plutôt que de reconnaître la primauté de l'épiscopat hiérarchique ; elle se caractérisait également par son idéal ascétique : jeûnes fréquents et longs, mortifications rigoureuses, et même châtiments corporels en rémission des péchés. Ce monachisme sévère eut son influence dans toute l'Eglise d'Occident, notamment dans le domaine de la sacramentalité pénitentielle. 

Jusqu'alors, l'Eglise n'accordait la réconciliation aux pécheurs qu'une seule fois dans leur vie ; sous l'influence des moines irlandais, venus évangéliser le continent, la pénitence connut une nouvelle forme, caractérisée par l'application de tarifs proportionnels à la gravité de la faute. C'est aux Irlandais que l'on doit une première classification des péchés considérés comme principaux ou capitaux : gourmandise, avarice, colère, luxure, colère, tristesse, paresse, mensonge, orgueil. La peine appliquée au pécheur est aussi fonction de sa condition sociale : le laïc est moins puni que le prêtre, le prêtre moins que l'évêque ; et cette peine, gui mérite la réconciliation dans le sein de l'Eglise, se présente sous la forme d'une indemnisation du préjudice ou sous celle d'épreuves corporelles... Cette discipline pénitentielle a certainement contribué à l'éducation morale des barbares récemment convertis au christianisme, elle devait aussi permettre la formation d'une conscience morale individuelle pour tout l'Occident.

Une nouvelle ère pour le monachisme occidental

Si le pouvoir hiérarchique des évêques est pratiquement reconnu dans l'ensemble de l'Occident chrétien, l'Irlande constituant l'exception, le monachisme se développe aussi très fortement, au point de donner naissance à des communautés religieuses qui subsistent encore au vingtième siècle.

Le monachisme ne se ramène pas à l'érémitisme des siècles précédents, pas plus qu'il ne se limite à une simple retraite au désert, que celui-ci se situe dans des lieux écartés et solitaires ou qu'il se situe à proximité des villes. La vie monastique répond de plus en plus au besoin des prêtres de vivre leur sacerdoce dans une communauté d'hommes aspirant au même idéal, ou simplement à la nécessité de se retrouver dans des villes, plus ou moins fortifiées, pour mieux résister aux assauts des envahisseurs barbares. Chaque monastère adopte l'esprit défini par son fondateur dans des Règles et des Constitutions, dont la plupart s'inspire des recommandations d'Augustin d'Hippone. Ainsi, Césaire d'Arles fonde deux communautés, l'une masculine, l'autre féminine, en leur prescrivant une Règle proche de celle d'Augustin. En face de l'influence très ascétique du courant irlandais, un autre monachisme se fait jour : il s'inspire de la Règle de saint Benoît.

Benoît naquit vraisemblablement à Nursie, en Italie centrale, en 480 ; il mène une vie monastique à Subiaco, puis au Mont Cassin, où il compose et rédigé la Règle qui sera celle de tous ceux et celles qui voudront s'inspirer de son idéal, dans les siècles futurs, et où il meurt en 547. Benoît est l'héritier de la tradition monastique des premiers siècles de l'Eglise, mais il va lui donner sa pleine et entière dimension, dans l'interprétation des réalités de la vie quotidienne en harmonie avec le désir spirituel de l'homme qui aspire à rencontrer l'absolu de Dieu. Il propose au monde un mode de vie qui prend en compte tout le poids de l'humanité pour en faire une synthèse harmonieuse, en intégrant l'individu dans un réseau de relations qu'il peut entretenir d'abord avec lui-même, en vivant totalement son intériorité, ensuite avec les antres hommes et avec le monde matériel, et enfin avec Dieu.

Trente ans après sa mort, le monastère qu'il avait fondé au Mont Cassin est détruit par les Lombards ; et, de toute l'oeuvre de Benoît, il ne reste que quelques disciples et le livret de sa Règle qu'ils avaient emporté avec eux en partant pour Rome. Lentement, cette Règle fait son chemin et se propage dans le monde occidental ; après une diffusion mystérieuse et presque secrète, elle finit par triompher grâce à Benoît d'Aniane. Celui-ci voulait d'abord se retirer complètement du monde et vivre à l'exemple des moines du désert ; ce fut un échec. Après avoir longuement cherché son chemin, il finit par adopter la Règle de Benoît de Nursie, dont il prit également le nom. Nommé supérieur de tous les monastères des états de Louis le Pieux, il s'efforça de montrer la grande valeur de la règle de celui dont il réclamait le patronage ; toutes les traditions ascétiques se retrouvaient dans les prescriptions bénédictines. Benoît d'Aniane commenta longuement cette Règle, et il permit ainsi à une assemblée de moines de se réunir afin de discuter des points devenus impraticables dans la première Règle et des points qui n'avaient pas été prévus par Benoît de Nursie. La Règle de saint Benoît fut adoptée et personne n'osa plus la remanier dans les générations qui suivirent ; elle sera recopiée et diffusée intégralement, méditée par des générations de moines qui se mirent à l'école du grand maître spirituel, appelé aussi le père des moines de l'Occident. Pour adapter cette Règle aux préoccupations et aux nécessités des temps qui suivirent, on fit suivre la Règle proprement dite de textes qui portent le nom de coutumes, de constitutions ou de déclarations...

Le projet de vie de saint Benoît est un itinéraire proposé à celui qui s'est mis en quête de Dieu ; seulement, cet homme doit savoir que Dieu ne sera pas le terme de son itinéraire, mais qu'accepter de le chercher, c'est déjà reconnaître qu'il est présent dans la vie de l'homme. Il suffit de se laisser transformer par l'amour de Dieu proposé en Jésus-Christ ; et, dans cette transformation, la Règle peut jouer le rôle d'un pédagogue qui permet de vivre, dans la disponibilité du coeur et dans l'humilité, l'obéissance aux conseils évangéliques. Toutefois, la Règle ne prévoit pas seulement un itinéraire de spiritualité ; elle est aussi une sagesse qui doit permettre de vivre ensemble. Le travail des moines leur permet de se rendre les uns aux autres les services que la communauté est en droit d'attendre d'eux pour leur subsistance, il permet aussi à cette communauté de produire ce qui sera vendu pour que les échanges avec le monde extérieur puissent être assurés. La répartition du temps selon les 'trois huit' assure à chacun des moines l'équilibre nécessaire à son existence humaine : huit heures sont consacrées à la prière et à la lecture de la Parole de Dieu, huit heures au repos, au sommeil et à la nourriture, et huit heures au reste, comme le travail ou la détente. Ce qui est produit par la communauté appartient à tous et l'on partage selon les besoins de chacun, car la dimension personnelle ne s'efface pas devant la communauté ; cette dimension est essentielle pour que puisse se réaliser une communion entre des personnes et non pas une sorte de collectivisme ignorant la valeur de chaque être humain. Ainsi, le monastère apparaît comme une famille, gouvernée par un 'abbé', qui, comme ce terme l'indique dans les langues sémitiques, est le père de ses moines. A une époque où la société était en pleine dissolution, l'organisation de la vie monastique, par la Règne bénédictine, a donné une assise solide aux communautés de moines qui ont ainsi pu essaimer dans tout l'Occident.

Le monachisme byzantin

Alors que le monachisme occidental tend à s'unifier par l'usage de règles de vie entre les moines, le monachisme oriental est très diversifié ; il constitue une sorte de classe sociale assez mal définie, rassemblant des hommes qui ne sont pas clercs et qui pourtant ne se considèrent pas comme laïc, des hommes qui répondent à des vocations très différentes ; les uns vivent en reclus, d'autres sont en proie au désir fervent de pèlerinages, d'autres prétendent vivre emmurés dans une forteresse ou sur une colonne - les stylites... Le cas le plus typique de ces stylites est l'exemple de saint Syméon l'Ancien, dont l'existence ressemble étrangement à une ascension de plus en plus marquée vers les hauteurs célestes. Né en Cilicie, en 390, il entre dans une communauté monastique de plus de cent membres ; mais, recherchant une vie plus austère et plus ascétique, il poursuit sa 'carrière' monacale dans l'érémitisme, vivant en reclus dans une petite cellule pendant plusieurs années, puis dans un petit enclos au sommet d'une colline, enfin sur des colonnes de plus en plus élevée, avant de terminer son existence au sommet d'une colonne de plus de dix-sept mètres de hauteur. Syméon suscitera des imitateurs qui, par le caractère héroïque de leur vie consacrée à Dieu et retirée des soucis de ce monde, attireront également les foules de fidèles qui leur demanderont conseils et prières... 

Mais cette forme de vie religieuse ne constitue pas la majorité de l'Orient byzantin ; les moines vivent aussi dans des communautés, chacune d'elles observant le régime et la règle de vie établis par le fondateur du monastère. Les moines prétendent alors échapper au contrôle de la hiérarchie épiscopale : le moine est maître chez lui. La prière, qu'elle soit commune ou privée, est sa principale occupation ; le moine boude le travail, qu'il soit intellectuel ou qu'il soit manuel, et il ne se veut pas davantage missionnaire. Pourtant, certains monastères urbains acceptent d'entretenir quelques oeuvres sociales en faveur des plus pauvres... Le moine n'appartient donc pas à une catégorie ecclésiastique définie, pas plus que le martyr auquel il s'apparente et dont il se pose comme l'héritier, d'où le caractère maximaliste de l'idéal monastique ; au milieu d'une société chrétienne, ou prétendue telle, parce qu'elle se laisse très facilement corrompre par les séductions du monde, le moine veut rappeler l'Eglise tout entière à la rigueur évangélique, qui refuse toute forme de compromission, il l'appelle à rechercher la perfection de vie en se laissant prendre par l'enthousiasme de l'Esprit-Saint. En définitive, c'est ce dernier caractère qui sépare essentiellement le monachisme oriental du monachisme occidental ; le moine d'Orient se sent investi d'une mission toute spirituelle et sa fonction se résume dans son acceptation de l'action de l'Esprit de Dieu en lui, dans les charismes qui sont accordés personnellement à chacun, alors que le moine d'Occident se soumet à la discipline d'une Règle, qui lui sert de pédagogue dans sa recherche de Dieu.

La nouvelle Rome

L'organisation de l'unique Empire romain en deux zones avec chacune leur propre capitale, organisation symétrique voulue par Constantin lui-même, entre l'ancienne Rome et la nouvelle, ne pouvait qu'impliquer une revendication de souveraineté de la part de Constantinople, après la chute de Rome et de l'empire d'Occident entre les mains des barbares. Il en fut de même dans les milieux ecclésiaux ; puisque, sur le plan civil, Constantinople jouissait d'un statut équivalent à celui de l'ancienne capitale, rien ne devait empêcher le siège épiscopal de cette nouvelle capitale d'avoir les mêmes privilèges que le siège romain, ainsi le patriarche de Constantinople pouvait jouir d'une primauté semblable à celle du pape de Rome. De plus en plus, Constantinople prend ses distances à l'égard de Rome ; et pour justifier la revendication d'égalité entre les deux capitales, les chrétiens de Constantinople exploiteront le fait de la présence chez eux des reliques de l'apôtre André, établissant celui-ci comme fondateur du siège apostolique de Constantinople. Puisque, selon le récit évangélique rapporté par saint Jean, André, le frère de Pierre, est avec lui le premier disciple à être appelé, l'égalité existant entre les deux frères au niveau de la vocation apostolique devait se retrouver également dans l'égalité de leurs sièges apostoliques. Et, comme deux frères qui ont été séparés par les événements de la vie, s'habituent à mener leur existence indépendamment l'un de l'autre, les deux Églises d'Occident et d'Orient vont se différencier progressivement et cela sera particulièrement sensible dans le domaine de la liturgie, qui sera plus ou moins unifiée, dans tout l'Orient, autour de la liturgie byzantine, qui élimine les autres formes d'expression liturgique de langue grecque. 

La piété byzantine s'écarte de la sobriété du rite romain pour s'exprimer dans le faste et la splendeur ; les cérémonies religieuses copient le goût du cérémonial de la cour impériale de Constantinople, tout en insistant sur le respect qui est dû aux choses saintes ; la célébration du mystère chrétien est réservée à ceux-là seuls qui ont été initiés et qui sont alors jugés dignes de participer à la célébration eucharistique, les catéchumènes étant écartés de cette célébration, après la liturgie de la Parole. Le caractère du sacré est encore souligné par la présence de rideaux qui sont tirés à certains moments de la liturgie, afin de bien manifester que les choses saintes n'appartiennent qu'aux saints ; la célébration liturgique est une affaire sacrée, mais toute la communauté chrétienne est invitée à se joindre à cette célébration, qui est aussi conçue comme un drame où le peuple chrétien doit aussi jouer son rôle, le diacre réveillant l'attention des chrétiens aux moments essentiels de la cérémonie et dirigeant la prière de l'assemblée.

Beaucoup plus qu'en Occident, le culte des saints prend une extension considérable ; les chrétiens leur accordent une grande confiance, s'attachant au culte de leurs reliques et vénérant ceux qui sont susceptibles d'intervenir en leur faveur auprès de Dieu ; aussi n'hésitent-ils pas à multiplier les pèlerinages aux lieux où vécut tel ou tel personnage vénéré par la tradition. Parmi tous les saints, une place privilégiée est accordée à Marie, la mère de Jésus, que le concile Éphèse avait proclamé Théotokos, mère de Dieu, confirmant ainsi la vénération d'une grande partie du peuple chrétien ; la mariologie se développe ainsi en Orient, plusieurs siècles avant l'Occident, en se présentant sous une forme poétique beaucoup plus que sous celle d'une spéculation théologique. La piété de l'Eglise orientale, son culte de Marie et des saints se manifeste, dès le cinquième siècle, par un culte privilégié des images saintes ou icônes, forme de dévotion dont l'origine n'est certainement pas chrétienne, mais trouve simplement sa source dans les marques de respect portées aux portraits des empereurs, qui symbolisaient aux yeux du peuple sa présence... Aussi le culte des images saintes n'est-il pas une forme d'idolâtrie, mais une vénération, au-delà même des images, du mystère dont les saints, et particulièrement la Vierge Marie, étaient les porteurs et les figures ; au-delà des représentations décoratives, c'est d'abord au mystère chrétien ainsi exprimé que s'adresse la piété des fidèles.

Sans qu'il soit question d'une rupture nette entre l'Occident et l'Orient, ce dernier est ainsi entré dans une voie qui lui sera personnelle et qui le différencie déjà très nettement de l'Occident. Ce relâchement des liens qui pouvaient encore unir les deux Églises s'accentue encore par le fait des invasions, car l'Orient, même s'il a résisté plus longtemps aux envahisseurs, a lui aussi subi des invasions ; si les barbares ne se sont guère aventurés dans les provinces d'Orient, c'est l'expansion de l'Islam, au septième siècle, qui frappe davantage la chrétienté orientale. Et l'Islam, organisé religieusement, ne se laisse pas assimilé, alors que l'Occident avait pu convertir les barbares ; là où l'Islam s'implante, les Églises chrétiennes ne peuvent plus subsister qu'au prix de nombreuses difficultés. Et certaines Églises, notamment en Afrique du Nord, disparaissent complètement. Les conquêtes arabes étaient facilitées par la désaffection des populations à l'égard de la politique du gouvernement central de Constantinople, surtout en matière religieuse ; en effet, les provinces qui se laissèrent facilement soumettre à l'emprise de l'Islam étaient encore sous l'influence du monophysisme, alors que Constantinople s'efforçait de leur imposer la doctrine du concile de Chalcédoine. Et il semble bien que les chrétiens d'Afrique du Nord accueillirent les Arabes en véritables libérateurs ; l'hostilité que ces chrétiens portaient aux Melkites leur permit d'accepter plus facilement le pouvoir des nouveaux maîtres musulmans. La maîtrise du monde méditerranéen par les Arabes contribua à l'éloignement progressif de l'Eglise d'Occident et de l'Eglise d'Orient.

Recul et progrès de l'évangélisation byzantine

Pendant près de deux siècles, de 650 à 850 environ, l'oeuvre d'évangélisation de l'Eglise d'Orient dut subir un certain recul ; les Slaves païens occupaient les Balkans, les Arabes ne cessaient de menacer la paix de l'Empire et celle de l'Eglise, cette dernière traversait une crise grave dans une controverse au sujet des icônes. L'iconoclasme divisa l'Eglise byzantine pendant plus d'un siècle, à partir de 726. Les simples fidèles vénéraient les images saintes au point de ne plus faire de distinction entre l'image et le mystère qu'elle représentait et symbolisait ; la frontière qui séparait la vénération pieuse de l'idolâtrie était alors très facile à franchir, d'où la méfiance de certains hommes de la hiérarchie ecclésiastique, qui demandèrent l'appui de l'empereur pour abolir ce culte des images. Léon III déclara alors ouvertement qu'il s'opposait à une telle vénération et interdit le culte des icônes, ordonnant même la destruction de toutes les images sacrées. Le culte des saints fut lui aussi interdit et leurs reliques furent détruites. Malgré les décisions d'un concile qui se réunit à Nicée en 787, et qui définissait la vénération des icônes, il fallut attendre la réunion d'un synode à Constantinople en 843, pour que la crise iconoclaste cesse et que la vénération des images soit restaurée. Cette crise amena l'Eglise byzantine et l'Eglise romaine à se séparer encore un peu plus l'une de l'autre, les papes romains ne cessant jamais de défendre la vénération des reproductions saintes et dénonçant les pratiques hérétiques de l'iconoclasme. Pourtant, malgré des rivalités d'autorité religieuse, Rome et Constantinople ne cessaient pas d'apparaître comme les deux parties d'un même organisme. L'antagonisme entre les deux Églises allait surtout se manifester avec la crise photienne.

L'iconoclasme avait fait naître deux partis différents qui s'opposèrent rapidement après les décisions du synode de Constantinople ; la question était de savoir s'il fallait réadmettre les membres du clergé qui avaient cédé à l'iconoclasme, avec sévérité et sans compromission, ou, au contraire les réintégrer avec charité, oubliant leurs erreurs passées. Les intransigeants préconisaient la sévérité et les modérés se réclamaient du bon sens. Le patriarche Ignace, partisan des intransigeants, fut contraint de démissionner en 856 et fut remplacé en 858 par un modéré Photius. Celui-ci fit connaître son élection au pape en même temps qu'une lettre de l'empereur Michel III lui demandait d'envoyer ses légats pour un concile qui devait confirmer la condamnation de l'iconoclasme. Le concile commença, en 861, par examiner la question du patriarcat de Constantinople, et affirma la légitimité de Photius, avec l'accord des légats pontificaux. Mais le pape Nicolas refusa de ratifier l'action de ses envoyés et rétablit la juridiction du patriarche Ignace ; l'Eglise byzantine refusa de reconnaître cette intervention du pape dans les affaires intérieures de la communauté orientale. La rupture entre Rome et Constantinople devenait ouverte ; elle s'accentua quand Photius, dans une lettre encyclique adressée à tous les patriarches orientaux, dénonça comme hérétique l'insertion romaine du 'Filioque' dans le Symbole de la foi de Nicée. En 867, un concile réuni à Constantinople et présidé par l'empereur excommunia le pape Nicolas, Mais Michel III fut assassiné par Basile qui lui succéda et qui contraint Photius à démissionner pour réinstaller Ignace sur le siège de Constantinople. La communion de l'Eglise byzantine avec Rome était rétablie. Après la mort d'Ignace, en 877, Photius reprit possession du siège patriarcal, le pape Jean VIII, considérant que la primauté romaine était maintenue, se réconcilia avec Photius et le reconnut comme le patriarche légitime de Constantinople en annulant les condamnations dont il avait pu être l'objet. Durant le reste de sa vie, Photius demeura en communion avec Rome ; mais, la crise qu'il avait suscitée devait continuer à subsister. Le problème de l'insertion du 'Filioque' dans le Symbole de Nicée et la question de la suprématie du siège de Rome allaient déterminer la suite des discussions entre l'Eglise de Rome et l'Eglise de Constantinople.

La fin de la querelle iconoclaste coïncida, en revanche, avec un nouveau départ de l'activité missionnaire de l'Eglise byzantine, nouveau départ facilité par le redressement de la politique étrangère de l'Empire d'Orient. Ce mouvement de propagation de l'évangélisation, notamment dans le monde slave, est dû à l'activité de deux frères, Cyrille et Méthode. La vie de ces deux frères, nés à Thessalonique, d'un père haut fonctionnaire de l'Empire, n'est connue que par quelques documents anciens dont les plus dignes de foi sont composés en langue slave. Car les deux frères ont accompli une oeuvre considérable dans le domaine linguistique, en permettant que la vieille langue slave, véhiculée par oral, devienne une langue écrite authentique. Cette oeuvre alla de pair avec l'évangélisation des peuples slaves. Méthode, l'aîné des deux frères, avait été gouverneur d'une province slave, tandis que Cyrille, esprit brillant, recevait une formation des plus poussées à l'université de Constantinople où il fut l'élève de celui qui allait devenir le patriarche Photius. Ordonné prêtre, Cyrille se voit confier des missions importantes, tant au plan diplomatique qu'au plan religieux par le gouvernement impérial. 

La mission, qui allait immortaliser les deux frères, fut suscitée par un prince de Moravie qui demanda à l'empereur Michel III de lui accorder une alliance politique et d'envoyer dans son état des missionnaires chrétiens capables d'instruire ses sujets dans leur langue. Comme ils étaient originaires de Thessalonique, ville bilingue, les deux frères connaissaient le dialecte slave ; et ce fut sur ce dialecte que Cyrille s'appuya pour inventer un alphabet à l'usage des Moraves et pour les doter de leurs premiers textes religieux, écrits dans leur langue : évangiles, psaumes, lettres d'apôtres et offices liturgiques. Une nouvelle langue littéraire venait de naître, le slavon, basé sur le dialecte parlé des Moraves et des Macédoniens. Au printemps 863, les missionnaires byzantins se lancèrent dans leur travail d'évangélisation dans des provinces qui avaient été gagnées au christianisme au début du neuvième siècle par des missionnaires francs et peut-être aussi par des moines irlandais, dont ils approfondirent et perfectionnèrent le travail, en traduisant leurs offices liturgiques dans la langue slavone. Pour les chrétiens byzantins, il était normal que la langue vernaculaire soit aussi celle de la liturgie chrétienne, mais pour les chrétiens rattachés à l'Eglise romaine la seule langue liturgique admise était le latin. 

Aussi les évêques francs se méfièrent-ils des expériences de Cyrille et de Méthode, en matière liturgique, d'autant plus que les deux frères dépassaient les limites territoriales de l'Eglise byzantine. Après trois ans et demi d'évangélisation en Moravie, les frères continuèrent leur oeuvre en Pannonie, puis se rendirent à Rome. De passage à Venise, Constantin défendit ardemment l'usage des langues vernaculaires dans la liturgie contre les clercs latins, qui prétendaient qu'il n'était possible de louer Dieu que dans trois langues : l'hébreu, le grec et le latin (hérésie trilingue). A Rome, ils furent reçus chaleureusement par le pape Adrien II, qui autorise la célébration de la liturgie en slavon. Après ce succès, Cyrille meurt à Rome, en 869, à l'âge de quarante-deux ans. Méthode demeurait seul pour poursuivre l'oeuvre entreprise ; consacré archevêque de Pannonie, Il rencontre de nombreuses difficultés auprès du clergé franc de son diocèse. Le pape Jean VIII continua de soutenir Méthode, de même que l'empereur Basile et le patriarche Photius. Mais après la mort de Jean VIII, il n'eut plus de soutien occidental pour continuer son oeuvre. Après la mort de Méthode, en 885, ses rivaux obtinrent de Rome la condamnation de la liturgie en slavon, et ses disciples durent quitter la Moravie, pour se réfugier en Bulgarie où ils poursuivirent l'oeuvre des deux frères, qui permettra plus tard aux Russes de s'initier à la richesse du christianisme.

Le christianisme occidental à l'époque carolingienne

Après la chute définitive de l'Empire romain d'Occident en 476, le christianisme s'est enraciné dans les différentes civilisations barbares, mais il n'a pas cessé de subsister ; le catholicisme triomphait dans l'ensemble de l'Occident, et la papauté exerçait son influence sur toutes les Églises nationales barbares. Ainsi, en Gaule, l'Eglise devenait une Eglise régionale dont le gouvernement était assuré directement par l'autorité du roi. Comme l'empereur de Constantinople, c'était lui qui convoquait les conciles et qui nommait les évêques, une manière pour lui de remercier des hommes qui lui avaient rendu quelque service. C'est de la sorte que les principaux conseillers de Dagobert reçurent une charge épiscopale. Le roi pouvait aussi se débarrasser facilement des évêques gênants en les faisant assassiner...

Au sixième et au septième siècle, des menaces pesèrent sur l'Eglise occidentale. La première menace tient au fait que Constantinople ne considère plus tellement la primauté de Rome que comme une primauté d'honneur, demandant même que l'élection des papes soit ratifiée par le siège de Constantinople. Puis la seconde menace vint du fait de la propagation de l'Islam. Si la nouvelle religion, apparue en Arabie, sauva l'Eglise de Rome de la menace byzantine, elle impliqua aussi un changement de situation dans le christianisme occidental. Au huitième siècle, la papauté éprouva le besoin de se chercher un protecteur puissant en Occident pour l'ensemble de l'Eglise. Charles Martel, qui avait arrêté le péril musulman, à Poitiers, en 732, se déroba ; Pépin le Bref s'entendit avec les papes de son temps ; en échange de leur bénédiction sur son règne et sur celui de ses successeurs, il leur garantissait un territoire en Italie centrale. En 756, l'État pontifical trouvait son acte de naissance ; la papauté, qui exerçait jusqu'alors une autorité spirituelle, devenait une Eglise territoriale semblable aux autres. 

En 800, le pape Léon III sacrait le fils de Pépin, Charlemagne, empereur à Saint-Pierre de Rome. Une alliance naissait entre la papauté et la royauté franque qui s'engageait à défendre les États pontificaux contre les prétentions des Lombards. Charlemagne se considère alors comme le gardien de la foi et de la doctrine dans le monde occidental, de la même manière que les empereurs d'Orient protégeaient l'Eglise byzantine. Néanmoins, Rome restait indépendante dans le domaine de la doctrine, et jamais Charlemagne n'envisagea une épreuve de force avec la papauté, de laquelle il tenait des pouvoirs très importants, au point d'être lui-même le véritable chef de l'Eglise d'Occident. Après la mort de Charlemagne, son empire se morcela et perdit toute dimension universelle ; alors que l'empereur s'immisçait dans les affaires de l'Eglise, sous ses successeurs, ce sont les évêques qui se mêlent des affaires de État, ne se contentant plus de conseiller les souverains, mais en leur imposant des solutions politiques ; la hiérarchie ecclésiastique vise à imposer son pouvoir jusque dans le domaine temporel. Ainsi, durant le neuvième siècle, les différents papes assistèrent à la montée et à la décadence de l'empire carolingien ; celui-ci laissa la place aux grandes familles romaines qui inquiétèrent la papauté, avant que les rois allemands ne soumirent à leur autorité les évêques de leurs territoires, imposant même des allemands au pontificat romain. 

Le christianisme du dixième siècle est en régression ; les laïcs exercent un pouvoir de plus en plus important sur les décisions ecclésiales, ils s'immiscent dans les élections épiscopales, instituant ainsi de véritables dynasties familiales dans les Églises territoriales ; la papauté elle-même est entraînée dans cette décadence. En 960, le pape Jean XII, élevé au pontificat à l'âge de dix-huit ans, fait appel au roi Otton des états allemands pour qu'il lui fournisse une aide dans l'administration des états pontificaux ; en échange d'une garantie sur les pouvoirs temporels de la papauté, Jean XII couronna Otton empereur des Romains, en se référant au sacre de Charlemagne. Mais le nouvel empereur ne se comporta pas comme son lointain prédécesseur ; il considéra la papauté comme un territoire vassal de son royaume temporel. D'ailleurs, dix-huit mois seulement après son couronnement, il revint à Rome pour juger le pape et pour le déposer, installant à sa place un fonctionnaire de la Curie romaine qui prit le nom de Léon VIII et qui dut faire serment d'allégeance à l'empereur. Jean XII fit un bref retour, mais mourut peu après. Son successeur fut élu sans que l'empereur ne soit consulté, celui-ci revint à Rome pour remettre en place le pape qu'il avait désigné et qui venait d'être exilé. Puis, il désigna pour lui succéder Jean XIII. A la mort d'Otton, les papes impériaux et les papes romains se disputèrent le pouvoir... Et il fallut attendre la désignation de Léon IX au siège de Rome pour retrouver un pape qui soit un homme énergique et spirituel.