Vie quotidienne et culte dans le judaïsme

Depuis la destruction du Temple de Jérusalem par les armées romaines, il n'est plus question d'offrir des sacrifices dans le cadre d'une liturgie sanglante. Déjà, au moment de l'exil à Babylone, au sixième siècle avant Jésus-Christ, sous l'impulsion des prophètes tels que Jérémie et Ezéchiel, des maisons d'étude furent instituées pour le peuple, exprimant une nouvelle manière de concevoir le culte divin dans la prière et la méditation ; les synagogues allaient devenir des centres vivants de toutes les communautés juives. Depuis la fondation de l'État d'Israël, malgré le retour des juifs sur la terre ancestrale, la construction d'un troisième Temple ne semble même pas envisageable. La religion juive s'est largement spiritualisée, notamment au contact du christianisme ; les sacrifices d'animaux ne seraient plus de mise à notre époque. L'essentiel du culte juif réside désormais dans la purification des hommes de ce monde, pour les préparer au monde à venir, aussi ne faut-il pas éprouver de surprise en découvrant l'intérêt que le judaïsme porte au monde présent. Il s'agit de craindre, c'est-à-dire d'aimer le Dieu éternel dans l'état actuel de la société, pour préparer en même temps la venue de son Messie qui rétablira le droit et la justice. Aussi serait-il possible de qualifier le judaïsme de monothéisme éthique beaucoup plus que de monothéisme religieux. Le culte véritable, c'est l'observation des commandements et des prescriptions qui ont été données à Moïse, dans la Torah, sur le mont Sinaï, au temps de l'exode. Cette Torah est comme la manifestation, la présence même de YHWH à son peuple Israël ; l'application rigoureuse de la Loi est la preuve même de l'amour que les hommes portent à Dieu, elle marque aussi la fidélité d'un peuple envers son Dieu. Le respect de la Torah, malgré ses nombreuses prescriptions, ne représente pas un fardeau pour le juif pieux ; c'est l'occasion qui lui est offerte de manifester et de prouver son amour pour YHWH.

A proprement parler, il n'y a aucun événement de l'existence qui ne soit l'occasion d'un acte religieux : rien ne peut être considéré comme étranger à la religion, car il s'agit d'organiser la vie du monde selon la volonté même de Dieu. Cependant, si tout est occasion d'un dialogue entre l'homme et YHWH, la journée se marque par trois moments spécifiques de prière : le matin, l'après-midi et le soir. Ces trois temps de prière se sont substitués aux prières que l'on faisait dans le Temple, à l'heure des sacrifices. Constituées comme des bénédictions de Dieu pour l'oeuvre qu'il entreprend et ne cesse de poursuivre en faveur des hommes, elles manifestent la louange de l’Éternel pour sa souveraineté, sa puissance et sa sainteté, elles encouragent l'action de grâce pour les bontés incessantes de Dieu en faveur de son peuple. En outre, le juif demande à son Dieu de satisfaire une série de besoins humains, qu'ils soient matériels ou qu'ils soient spirituels, et particulièrement la paix et la restauration d'Israël dans son intégrité.

Car le juif garde sans cesse présent à la mémoire ce qui l'a fait maintenir dans l'existence au long des siècles ; Dieu a choisi le peuple pour en faire son témoin au milieu des nations. Et toute la mission d'Israël, en réponse à l'élection divine, est de rendre Dieu présent dans les actes quotidiens de la vie la plus courante. Par la sainteté à laquelle il a été appelé, le juif doit signifier à l'ensemble de l'humanité la sainteté de Dieu. Tel est le sens de ce verset du livre du Lévitique : Soyez saints, car moi, le Seigneur, votre Dieu, je suis saint (Lv. 19, 2)

Cette sainteté doit se prouver dans la coopération que l'homme apporte à l'édification d'un monde qui réponde à la tâche entreprise par le créateur, au commencement de l'histoire : l'homme est instauré partenaire de Dieu, en vue de réaliser sur la terre un monde de justice et de paix. Pour réaliser cette tâche à laquelle il est appelé, le juif n'est pas seul ; il est lié à son peuple. C'est dans la communauté que se manifeste la rencontre de Dieu avec les hommes, si bien que l'on peut dire qu'un juif peut être juif avec les juifs, qu'il peut également l'être contre les autres juifs, mais qu'il ne peut pas l'être sans les juifs.

Les chemins de la rencontre avec Dieu

Le judaïsme se vit tous les jours, la doctrine s'incarne concrètement dans toutes les expériences quotidiennes : le juif, qu'il soit dans le bonheur ou qu'il soit dans le malheur, est sans cesse invité à se tourner vers Dieu pour lui rendre grâce, et il associe Dieu à chacune de ses initiatives, à chacun de ses actes.

La prière juive se pose comme un dialogue entre un fils et son père. Trois prières quotidiennes ont été instituées pour souligner les temps forts de la journée. La prière du matin peut être récitée depuis l'aube jusqu'au tiers de la journée ; la prière de l'après-midi, de midi au coucher du soleil ; la prière du soir, depuis la tombée de la nuit jusqu'à l'aube.

Béni sois-tu, Éternel, notre Dieu, roi de l'univers... est la phrase qui revient le plus souvent aux lèvres du fidèle, au cours de sa vie. C'est la louange des patriarches et de tous les hommes et femmes des temps anciens qui rythme la vie juive, depuis que Dieu a institué Abraham et sa descendance comme les dépositaires de sa bénédiction. Chacune des grandes prières de la journée comporte une partie en commun avec les autres, elle est donc répétée trois fois par jour, et on l'appelle la "prière des dix-huit bénédictions", bien qu'actuellement elle en comporte dix-neuf, une prière ayant été ajoutée aux bénédictions les plus anciennes pour demander à Dieu de renverser les projets de ceux qui complotent contre le peuple juif. La structure de cette prière - appelée "Amida", parce qu'elle se récite debout - est la suivante : les trois premières bénédictions louent la souveraineté, l'omnipotence et la sainteté de Dieu, les trois dernières lui rendent grâce pour ses bontés continuelles, les treize bénédictions centrales demandent la satisfaction des besoins humains, dans la célébration du Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, qui accorde son secours, qui guérit ceux qui souffrent, qui fait germer le salut, qui reçoit le repentir des hommes et accorde son pardon, qui guérit les malades, rassemble les fidèles dispersés et humilie les arrogants, qui bénit les années, aime la justice et l'équité, qui soutient les justes, rebâtit Jérusalem et fait régner son Messie.

Cette prière s'ouvre sur une demande à Dieu, qui est la reprise d'un psaume : Seigneur, ouvre mes lèvres et ma bouche publiera ta louange. Elle se poursuit dans une succession de bénédictions et de demandes au Dieu des pères :

Sois loué, Éternel notre Dieu et le Dieu de nos pères, le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, toi, le Dieu suprême, qui dispenses tes grâces, car tu es le créateur de tous les éléments du monde. Tu nourris les vivants par amour, tu ressuscites les morts avec une grande miséricorde, tu redresses ceux qui tombent et tu te souviens de ta promesse en faveur de ceux qui reposent dans la tombe... Tu accordes à l'homme l'intelligence et le discernement : accorde-nous intelligence, discernement et sagesse. Béni sois-tu, Éternel notre Dieu, toi qui donnes l'intelligence... Ramène-nous, notre Père, à l'enseignement de la Torah... rapproche-nous de ton service, et fais-nous revenir vers toi, avec un repentir sincère. Béni sois-tu, Éternel notre Dieu, toi qui reçois notre repentir. Reviens vers Jérusalem avec miséricorde et fais-en ta demeure comme tu l'as promis. Rebâtis Jérusalem en une ville éternelle et restaure le trône de David. Béni sois-tu, toi Éternel notre Dieu, toi qui reconstruis Jérusalem... Fais bientôt lever la semence de ton serviteur David, et que sa puissance grandisse par ton secours... Béni sois-tu, toi Éternel notre Dieu, qui fait germer la puissance de ton salut...

Le matin et le soir, cette prière de l'Amida est précédée par la récitation du "Shéma Israël", qui est la forme la plus primitive de la confession de foi d'Israël :

Écoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est le Seigneur Un. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de tout ton être, de toute ta force. Les paroles des commandements que je te donne aujourd'hui seront présentes dans ton coeur. Tu les répéteras à tes fils, tu les leur diras quand tu resteras chez toi et quand tu marcheras sur la route, quand tu seras couché et quand tu seras debout, tu en feras un signe attaché à ta main, une marque placée entre tes yeux, tu les inscriras sur les montants de ta porte et à l'entrée de ta ville.

Ces paroles mêmes du Deutéronome (Dt. 6, 4-9) constituent le fondement biblique de la prière du "Shéma Israël", qui est, quant à elle, introduite par deux bénédictions : louange faite à Dieu pour le fait qu'il ait créé la lumière et ordonné le jour et la nuit, et louange faite à Dieu pour l'amour qu'il a témoigné à Israël, en se manifestant à lui, dans sa révélation. En affirmant l'unicité absolue de l’Éternel son Dieu, le créateur de l'univers et des hommes, en se souvenant de l'alliance qui le lie avec le peuple d'Israël, le juif garde précieusement à la mémoire le souci de transmettre aux générations qui vont le suivre l'enseignement reçu par ses ancêtres, cet enseignement étant le don même que Dieu fait de lui-même aux hommes dans l'alliance sinaïtique, renouvelée à chaque étape de la vie du peuple. Ce même juif se souvient aussi que certains de ses ancêtres ont préféré subir le martyre et connaître la mort dans les pires souffrances, en chantant le "Shéma Israël", plutôt que de renier le Dieu d'Israël.

Généralement, pour les prières quotidiennes, il convient que le fidèle, adorateur de l’Éternel, se joigne à une communauté d'au moins dix hommes, pour souligner le caractère communautaire de la prière juive : c'est tout le peuple qui adresse sa louange au Dieu des pères. Bien que la prière soit un fait collectif et communautaire, elle peut être dite en privé, quand les circonstances empêchent la réunion de la communauté... néanmoins, certaines prières ne peuvent être récitées qu'au cours d'un culte public. Ainsi, le "Kaddish" ou "Sanctification du Nom" nécessite le rassemblement de la communauté : le juif ne peut rendre gloire à Dieu, sanctifier son Nom très saint et rendre ainsi témoignage à la nature même de Dieu qui est toute sainteté et source de toute sainteté qu'en communion avec ceux qui, comme lui, se proclament les fidèles adorateurs du Dieu unique et saint. Le Kaddish exprime alors la soumission à la volonté divine dans l'attente de la venue de son Royaume sur la terre :

Que le Nom de l’Éternel soit sanctifié et magnifié dans le monde qu'il a lui-même créé selon l'expression de sa volonté, et qu'il établisse son règne de notre vivante et du vivant de toute la maison d'Israël, bientôt et dans un avenir très proche. Que le grand Nom du Seigneur soit loué maintenant et toujours pour les siècles des siècles. Que le Nom du Saint - béni soit-il - soit béni, célébré, exalté, magnifié et loué au-dessus de toute bénédiction, célébration, exaltation, cantique et louange. Amen. Que les prières et les supplications d'Israël soient entendues par le Père du ciel. Amen. Que la paix vienne du ciel, pour nous et pour toute la maison d'Israël. Amen.

L'étude de la Torah, chemin de la rencontre de Dieu

La Bible est, sans aucun doute, le livre fondamental du judaïsme, et elle contient de nombreuses prières, qui sont l'expression de l'expérience que des hommes et des femmes ont faite de leur union avec leur Dieu. Mais cette union avec Dieu se fait aussi par l'étude de la Parole qu'il leur a adressée, dans le cours de l'histoire. Aussi l'étude de la Torah constitue-t-elle un impératif essentiel du judaïsme. Cet enseignement de la Loi divine revient au premier chef aux parents qui sont les premiers éducateurs de leurs enfants. Il s'agit donc de créer au sein de la famille un foyer d'amour et de foi en vivant scrupuleusement les prescriptions de la Torah, ce qui constitue la règle d'or exprimée dans la prière du Shéma Israël ; c'est dans l'enseignement du père à ses enfants qu'est mesurée la transmission de l'alliance conclue entre Dieu et son peuple, au temps de la révélation sinaïtique. Parallèlement à cet enseignement familial l'enfant reçoit, dans le cadre de la synagogue ou de l'école, "yeschiva", un enseignement plus complet, fondé non seulement sur la Bible, mais aussi sur le Talmud et sur les différents commentaires de la tradition, écrite ou orale. Malgré un certain affaiblissement de l'enseignement religieux au sein de la famille, le juif reste convaincu de la nécessité absolue de l'enseignement de la Torah pour la vie présente du judaïsme. Au vingtième siècle, loin d'être un vestige du passé, une survivance, l'école se présente comme le moyen pour guider l'existence actuelle à la lumière de la tradition.

Le culte juif s'exprime essentiellement par la connaissance des différents commandements, les "mitzvot", pluriel de "mitzva" qui veut dire : précepte, devoir religieux. Ce terme est dérivé d'une racine hébraïque qui signifie : commander, ordonner, et il peut désigner, à la fois, un commandement et une bonne action. Les mitzvot incluent toutes les catégories d'ordonnance. Ainsi la tradition talmudique en a dénombré six cent treize, trois cent soixante-cinq commandements négatifs ou défenses et deux cent quarante-huit commandements positifs, injonctions ou obligations. Tous les domaines de la vie de l'individu sont régis par ces lois précisées : ses rapports avec Dieu comme ses rapports avec ses semblables, son comportement à l'égard de l'ensemble du monde naturel, végétal ou minéral. On distingue habituellement trois types de devoirs, ceux qui concernent l'homme dans ses rapports avec Dieu, ceux qui concernent l'homme dans ses rapports avec les autres juifs et ceux qui expriment le mieux possible l'identité juive en face du monde. Mais une autre classification des mitzvot est également possible, elle distingue les devoirs de la vie quotidienne ordinaire, les devoirs prescrits par les fêtes et les célébrations annuelles, puis les devoirs attachés au déroulement de la vie humaine dans son ensemble.

Si, dans ces prescriptions légales, le judaïsme régit tous les domaines de l'activité humaine, les commandements n'apparaissent toutefois pas comme un fardeau. La doctrine juive traditionnelle considère que la soumission à ces commandements signifie l'insertion même du Dieu transcendant dans le concret de l'existence de ce monde. L'observance rigoureuse des commandements est une occasion privilégiée pour manifester son attachement et son amour au Dieu des pères. Le juif réalise alors l'insertion profonde de la vie éternelle dans la vie temporelle. Il vise à établir une société de justice et de paix, en conformité avec le dessein éternel de Celui qui a passé une alliance éternelle avec son peuple. L'homme coopère ainsi au parachèvement du monde, en appliquant les préceptes divins signifiés à Israël quand il a été choisi pour porter le témoignage de l’Éternel dans le monde des hommes. Il ne peut donc être possible de considérer le judaïsme comme une simple pratique légaliste, attachée de manière rituelle, à l'observation rigoureuse des commandements qui seraient extérieurs à l'homme, mais le judaïsme apparaît alors comme une religion pratique, incarnée dans le monde de l'action humaine et visant à mener jusqu'à son parfait achèvement le projet divin commencé par la Création.

Parmi les mitzvot qui dirigent la vie du juif et lui donnent le sens de l'éternité divine, il est possible de repérer quelques prescriptions, dans les différents secteurs de la vie :

Certains commandements se rattachent à la prière et à la façon de prier. Dans les synagogues, lors des offices du matin, que ce soit pendant la semaine ou les jours de sabbat ou que ce soit à l'occasion des grandes fêtes, les hommes sont revêtus d'un châle (talith) blanc à rayure noires et garni de franges (tzizith) ; le port de ce vêtement réservé à la prière est un des principaux préceptes pour manifester au fidèle le lien qui l'unit à Dieu. Il s'agit de rappeler à celui qui prie qu'il doit consacrer l'ensemble de sa vie à Dieu ; ce châle permet à l'homme de s'isoler symboliquement des soucis du monde présent pour se retrouver "debout face à Dieu". Aux quatre coins de ce châle sont fixées des franges en laine, qui ont également une signification symbolique ; en les voyant, le juif doit se rappeler les commandements de Dieu, ainsi que le soulignait le livre des Nombres, auquel on fait référence pour justifier l'usage des tzizith : Vous les verrez, alors vous vous rappellerez tous les commandements du Seigneur votre Dieu, vous les exécuterez... sans vous laisser entraîner à l'infidélité.

C'est en raison de cette exigence de fidélité à la Loi donnée par Dieu que les pratiquants portent ces tzizith non seulement pour la prière synagogale, mais aussi pendant toute la journée, sous leurs vêtements habituels, afin de se détourner des tentations qui peuvent écarter de l'accomplissement des mitzvot. De tous les préceptes, le port du talith à la synagogue est resté une mitzva très observée.

La synagogue, maison de prière et d'étude

A côté du Temple, la synagogue existait depuis l'époque de l'exil à Babylone C'est pendant l'exil que, sous l'influence des prophètes, furent créées des "maisons pour le peuple" (Beth Haam) où les déportés d'Israël pouvaient se retrouver pour étudier la Torah et pour prier le Dieu d'Israël. Cette institution originale permit de trouver une expression nouvelle pour le culte divin, lors du retour dans la terre de Palestine des exilés ; cette institution synagogale s'étant développée se substitua au Temple de Jérusalem, lors de la destruction de celui-ci. Aussi longtemps que le Temple existait, les juifs lui reconnaissaient la valeur du seul sanctuaire, du lieu privilégié de la résidence de Dieu ; aussi observaient-ils fidèlement toutes les prescriptions relatives à la liturgie de ce sanctuaire, notamment pour l'exécution des grandes célébrations festives. Après la destruction du Temple, certains édifices particuliers en usage à Jérusalem se sont transférés dans le service synagogal en souvenir du Temple. Les sacrifices d'animaux disparurent, et les maîtres de la Torah ne manquèrent pas d'enseigner que la prière et la disposition du coeur étaient supérieures aux sacrifices. A la fin du premier siècle de l'ère chrétienne, les synagogues allaient donc devenir les centres vivants de toutes les communautés juives répandues à travers le monde.

Si certaines synagogues sont des édifices importants, en raison du nombre de fidèles susceptibles de s'y réunir, très souvent une simple pièce dans une maison peut devenir une synagogue ; en effet, ce n'est pas l'édifice qui importe mais le rassemblement de la communauté. Les juifs peuvent prier dans n'importe quel lieu à condition qu'il y ait une communauté, c'est-à-dire un quorum de dix hommes, âgés d'au moins treize ans. Chaque fois que dix juifs se réunissent à la synagogue, le Shékinah, la Présence de Dieu, est parmi eux. Dans les synagogues, on ne trouve aucune image ou représentation, selon les prescriptions bibliques qui interdisaient toute représentation de Dieu ou des hommes ; on trouve parfois tout au plus quelques inscriptions en langue hébraïque. Derrière un rideau sur le mur, celui qui est situé dans la direction de Jérusalem, une armoire renferme les rouleaux de la Torah : c'est l'arche sainte qui renferme au moins trois rouleaux de parchemins, minutieusement cousus ensemble sur lesquels sont recopiés à la main et en hébreu les textes de la Torah. Ces rouleaux sont recouverts de manteaux de soie ou de velours, luxueusement décorés. Devant l'armoire de l'arche sainte, une lampe constamment allumée symbolise la lumière éternelle de la Parole de Dieu exprimée dans les livres de la Torah. En général, au milieu de la pièce unique de la synagogue, se trouve l'estrade sur laquelle se fait la lecture publique des textes de la Torah ; celle-ci est ainsi lue symboliquement au milieu de l'assemblée des fidèles.

L'office synagogal peut être, en principe, célébré par tout fidèle instruit de la liturgie, même si, de fait, il a été confié à un seul délégué de l'assemblée, le Hazan qui préside la réunion avec le rabbin. Ce dernier est aussi un membre de la communauté juive qui a sérieusement approfondi la connaissance de toutes les traditions et qui a été choisi comme maître spirituel par les autres membres de la communauté ; c'est un guide, qui enseigne comment suivre les prescriptions de la Loi, à la lumière de la tradition. Cette fonction, il l'exerce particulièrement par des exhortations ou des sermons. Mais l'office n'est pas simplement l'affaire du Hazan ou du rabbi, c'est l'affaire de toute la communauté qui y participe par des chants, par des réponses aux prières communes, ou par des prières silencieuses.

Vers douze ans, l'enfant mâle atteint l'âge de la "Bar Mitzva", c'est-à-dire l'âge de sa majorité religieuse, ce qui signifie qu'il est désormais capable d'assumer la responsabilité des mitzvot ; la célébration de cet événement se fait très simplement à la synagogue, où il est appelé à lire publiquement un texte de la Loi. Après l'office synagogal, il pourra se joindre à la communauté des fidèles qui se retrouvent autour du rabbin pour étudier plus en détail le texte lu au cours de l'office. Car la synagogue répond principalement aux deux fonctions : la prière commune et l'étude plus approfondie des textes de l’Écriture et de la tradition. C'est un lieu de réunion, de rassemblement, où la communauté se retrouve également pour discuter des problèmes sociaux, économiques ou politiques que peut connaître la communauté locale, nationale ou internationale... La synagogue apparaît souvent comme le centre même de la vie de l'ensemble de la communauté.

Les prescriptions de la vie quotidienne

Les commandements, dans le judaïsme, ne se limitent pas simplement à des règles cultuelles, mais ils s'étendent à la totalité de la vie quotidienne, à la totalité de la vie des individus et des sociétés. Certaines prescriptions sont parfois mal comprises ou très critiquées parce qu'elles paraissent trop archaïques. Ce sont principalement les prescriptions relatives à l'alimentation. On trouve dans la bible un grand nombre d'interdictions alimentaires ; ainsi, pour ce qui est de la viande, il est permis au juif de manger celle qui provient des animaux qui ont le sabot fourchu, fendu en deux ongles et qui ruminent. Ainsi, le chameau et le lièvre sont des animaux impurs dont il ne faut pas consommer la viande, parce que tout en étant des ruminants, ils n'ont pas le sabot fourchu. Le porc également est interdit parce que, bien qu'ayant le sabot fourchu, il ne rumine pas. Les lois alimentaires prescrivent donc ce qui est défendu et ce qui est permis en matière de nourriture. Ce qui est permis est appelé "casher". Mais l'expression viande casher s'applique surtout à la viande qui provient des animaux qui ont été abattus selon un rite bien défini par les rabbins du Talmud. L'abatteur utilise un couteau très effilé pour tuer les animaux qui lui sont remis ; il doit veiller à ce qu'aucun signe ne rende la viande impropre à la consommation : moelle épinière blessée, échine brisée, poumons percés, absence complète de foie... Aussi celui qui reçoit du rabbinat l'autorisation d'abattre les animaux pour la consommation des hommes doit-il veiller à ne pas faire souffrir inutilement l'animal, en lui tranchant la gorge gauchement, en l'assommant ou en lui coupant un membre, alors qu'il est encore vivant... Toutes ces lois et prescriptions alimentaires ne sont pas toujours justifiées rationnellement, mais les croyants les acceptent sans les discuter, ils considèrent en effet qu'elles sont l'expression de la volonté même de Dieu et qu'elles font partie du système complet du judaïsme. Selon eux, elles ont été promulguées pour faire d'Israël un peuple "à part", séparé des autres nations de la terre, un peuple sacerdotal qui, par ses pratiques, témoigne de l'amour de Dieu pour les hommes, jusque dans les plus petits détails de la vie quotidienne.

Dans la vie individuelle, plusieurs événements marquent la vie du fidèle. La naissance d'un enfant est un événement particulièrement attendu dans une famille juive, qui a ainsi conscience de répondre directement à la prescription assignée par Dieu lui-même au premier couple humain : Soyez féconds, croissez, multipliez-vous sur toute la surface de la terre. Pour un couple juif, transmettre la vie apparaît comme une obligation, non seulement pour perpétuer l'importance et le renom d'une famille, mais aussi et surtout pour assurer la continuité de la qualité particulière de "garants" dans la chaîne des générations des enfants d'Israël. C'est la raison pour laquelle les parents ont le devoir religieux et moral d'instruire leurs enfants dans la connaissance de la Torah et dans la pratique des observances du judaïsme, dès leur plus jeune âge. Si c'est un garçon qui naît, sa première entrée officielle dans la famille des enfants d'Abraham se fait le huitième jour après sa naissance par le rite de la circoncision. Celle-ci est le plus ancien rite du judaïsme ; elle a été adoptée par le patriarche Abraham pour signifier l'alliance qui l'unissait à son Dieu, et elle a gardé, au fil des siècles, cette signification de l'entrée du jeune juif dans l'alliance abrahamique. Le garçon entre dans cette alliance par ce signe qui marque les enfants d'Israël dans leur chair, et il entre aussi dans le peuple juif. La circoncision est la marque d'appartenance à la race élue, le signe de la fidélité même au temps de la persécution et de l'interdiction de suivre ce rite. Inscrit dans la chair, ce signe marque l'appartenance définitive au judaïsme ; le statut de juif est inaliénable, il ne peut être perdu ni par apostasie ni par conversion à une autre religion. Dans les familles juives pratiquantes, si l'enfant mâle est le premier-né de sa mère, une nouvelle célébration a lieu le trente et unième jour, c'est le "Rachat du premier-né", en souvenir du fait qu'à l'origine tous les premiers-nés devaient être consacrés à Dieu. Les garçons reçoivent un prénom d'origine hébraïque lors de leur circoncision ; les filles reçoivent leur prénom hébraïque à l'occasion d'un office synagogal un mois après leur naissance, cet office marquant la première sortie publique de la mère. Le père est amené à lire la Torah dans l'assemblée et à réciter une prière spéciale pour la santé de la mère et celle de l'enfant.

L'obligation, qui est faite à tout juif, d'obéir aux commandements commence à proprement parler au jour où le jeune juif atteint l'âge de treize ans, âge auquel il est jugé majeur religieusement ; il est déclaré alors "bar Mitzva", c'est-à-dire "fils du commandement". La cérémonie est généralement individuelle et a lieu le sabbat qui suit les treize ans du jeune homme, qui est confirmé dans ses pouvoirs et privilèges de fils du peuple élu. Il est appelé à lire publiquement la Torah, au cours de l'office du vendredi soir ou du samedi matin, à la synagogue ; à cette tâche, il est préparé depuis son plus jeune âge, puisque le Talmud enseigne qu'un père de famille se doit d'apprendre la Torah à son fils dès qu'il est en âge de parler. Après la lecture publique du texte de la Torah, le jeune homme est invité habituellement à en faire un commentaire, celui-ci pouvant être très personnalisé, expliquant par exemple qu'elle est la prise de conscience par ce garçon de son identité juive et la responsabilité qu'il compte prendre au sein de sa communauté et dans l'ensemble du judaïsme. Les filles sont considérées comme majeures à l'âge de douze ans, mais aucune cérémonie publique n'est prévue pour elles par la tradition, bien que les juifs les plus libéraux marquent cet accès des filles à la majorité par une cérémonie à la synagogue. Mais les femmes sont habituellement dispensées d'obéir à un grand nombre des prescriptions de la Loi, non pas parce qu'elles sont considérées comme inférieures aux hommes, mais parce que la vocation féminine est sacrée en elle-même et suffisante pour occuper tous les soins et soucis de la femme.

Pour le judaïsme, le mariage est un devoir sacré. Une parole rabbinique est d'affirmer que toute l'activité de Dieu depuis sa création est d'organiser des mariages. L'acte du mariage est sacré en ce qu'il permet la procréation, la famille étant l'institution première qui permet la transmission de la foi juive. C'est dans l'union du couple que l'homme et la femme arrivent à la pleine réalisation d'eux-mêmes. Pour le Talmud, le mariage ne répond pas seulement à l'obéissance au commandement divin de croître et de multiplier, mais il permet de conserver à l'homme et à la femme un idéal de pureté et de chasteté qu'il n'est guère possible d'obtenir dans le célibat, celui-ci ne peut être reconnu comme un idéal. Les rabbins de l'antiquité déclaraient même que celui qui n'accomplissait pas son devoir de procréation était comparable à un meurtrier, puisqu'il empêchait volontairement la possibilité de transmettre la foi des pères. Le mariage trouve son fondement non seulement dans la fidélité que les époux peuvent se promettre l'un à l'autre, mais aussi et surtout dans une volonté commune d'unité des époux sur tous les plans, aussi physique qu'intellectuel, aussi bien affectif que sexuel. Néanmoins, quand cette unité se trouve rompue par des caractères qui n'entrent plus en harmonie, quand les relations effectives entre les époux sont devenues impossibles, l'enseignement talmudique a prévu une loi sur les divorces, qui permet à la femme de se remarier. Pour qu'un mariage juif puisse se faire, il est indispensable que les deux fiancés soient juifs ; il a lieu à la synagogue, sous le dais nuptial, qui signifie l'entrée volontaire de la jeune femme dans l'état du mariage, dais qui symbolise également le foyer que les époux vont fonder ensemble. La première partie de la cérémonie consiste en une bénédiction d'une coupe de vin, pour louer Dieu d'avoir institué le mariage ; le fiancé passe alors l'anneau nuptial au doigt de sa fiancée, en présence de deux témoins, il prononce alors les paroles rituelles : Par cet anneau, tu m'es consacrée comme épouse, selon la Loi de Moïse et du peuple d'Israël. Lecture est alors faite du document écrit du mariage, par lequel l'homme signifie à son épouse son désir de lui garantir la sécurité dans le mariage. La seconde partie de la célébration consiste en une série de sept bénédictions, afin de louer Dieu pour l'aide réciproque que l'homme et la femme peuvent s'apporter dans le mariage, afin de le prier également pour le bonheur des époux qui s'unissent selon la Loi mosaïque, afin d'unir leurs espérances à la grande espérance messianique du peuple d'Israël dans son ensemble. A la fin de la cérémonie, le marié brise un verre en souvenir de la destruction du Temple ; ainsi, il mêle à sa joie légitime la tristesse éternelle du peuple d'Israël, qui a pris l'engagement de ne jamais oublier Jérusalem, ni dans la détresse ni dans les joies les plus intenses.

L'espoir secret de tout juif religieux est de mourir en répétant l'antique confession de foi du peuple, le Shéma Israël, afin de proclamer jusqu'à son dernier souffle l'unicité absolue de Dieu dont il espère sans cesse l'avènement du Royaume. C'est aussi par une bénédiction qu'est annoncée la mort d'un juif : Béni soit le Juge de Vérité ; tous les hommes présents, au moment d'un décès s'en remettent au jugement même que Dieu peut porter, et en signe de deuil, ils déchirent le haut de leur vêtement. C'est l'idée du Royaume qui préside à toute célébration de la mort et des funérailles, qui se caractérisent par leur très grande simplicité, aucun membre du clergé n'étant nécessairement présente à cette célébration familiale. La prière principale est le Kaddish qui est la sanctification même du Nom de Dieu et qui inclut des invocations pour la venue du Royaume de Dieu. Durant la semaine qui suit les funérailles, la famille reste dans la demeure mortuaire où chaque soir les fils du défunt récitent cette prière du Kaddish pour que le défunt puisse connaître la paix éternelle avec Dieu et entrer ainsi dans l'alliance de vie avec l’Éternel.

La sanctification du temps

Le calendrier religieux juif diffère, quant au nom des mois, du calendrier civil. De plus, chacun des mois dure vingt-neuf ou trente jours, selon le cycle lunaire ; et chaque nouveau mois commence avec la nouvelle lune. Mais, comme les fêtes juives sont liées aux saisons et par suite au cycle solaire, il est nécessaire d'ajouter périodiquement un treizième mois au calendrier religieux, pour éviter que progressivement la fête de la Pâque, par exemple, ne tombe en plein hiver, puisque la différence entre le calendrier solaire et le calendrier lunaire est de onze jours. Pour rééquilibrer le calendrier, on double le mois de Adar (février-mars). Enfin, les années juives sont comptées à partir de la création du premier homme, si bien que l'année 1980-1981, par exemple, a été considérée comme l'an 5737.

Calendriers religieux et civil pour les fêtes du judaïsme

Mars

Avril

Mai

Juin

Juillet

Août

Septembre

 

 

Octobre

Novembre

 

Décembre

 

Janvier

Février

 

 

Nisan 14 : Pâque

Iyyar

Sivan 6 : Pentecôte

Tammuz

Ab

Ellul

Tishri 1 : Nouvel An

10 : Kippour

15-21 : Tentes

Marchesvân

Kislev 25 : Dédicace

 

Tebat

Shebat

Adar 13-14 : Pourim

 

 

La première de toutes les sanctifications du temps réside dans le respect du sabbat. Comme le souligne le professeur Abraham Heschel :

Le sabbat est probablement l'expression de ce qui caractérise essentiellement le judaïsme. Le texte des dix commandements a été fidèlement traduit dans toutes les langues, mais à une exception près : le mot hébreu " Shabbat ". " Souviens-toi du jour du Sabbat ". En grec, on lit : sabbaton ; en latin : sabbatum ; en araméen : shabbatha ; en français : sabbat. Qu'est-ce que le sabbat ? Un rappel de la royauté de chaque homme, une abolition de la distinction entre maître et esclave, riche et pauvre, succès et échec. Célébrer le sabbat, c'est faire l'expérience d'une totale indépendance envers la civilisation, la société, l'efficacité et l'angoisse. L'univers a été créé en six jours mais le sommet de la création fut le septième, de telle sorte que si les choses créées en six jours sont bonnes, le septième jour, lui, est saint. Le sabbat, c'est le sacré dans le temps, la présence de l'éternité, un moment de majesté, une radiation de joie.

Ce jour-là, l'homme se repose des fatigues de la semaine et le consacre exclusivement à Dieu qui, lui aussi, s'est reposé le septième jour, après avoir achevé toute sa création. Ce jour-là, les juifs pieux s'abstiennent de toute espèce de travaux et de toutes sortes de préoccupations, se refusant même de toucher à tout ce qui pourrait rappeler de près ou de loin une activité quelconque, sauf en cas de danger imminent de mort. Toutes les prescriptions impératives du sabbat tombent face à ce danger. Le sabbat est un double mémorial, un souvenir de la création et un souvenir de la libération de la servitude d’Égypte. Le respect du repos sabbatique est donc destiné à rappeler à l'homme qu'il dépend entièrement de Dieu, en tout ce qu'il peut posséder ou façonner de ses propres mains. Et il rappelle également à l'homme la délivrance de l'esclavage en Égypte ; à ce titre, cette journée est vécue comme une libération de l'emprise des objets sur le juif, et elle est donc le symbole de la liberté et de l'égalité de tous les hommes. Mais le sabbat n'est pas seulement une journée de repos : l'arrêt absolu du travail n'est pas suffisant pour faire de ce jour un jour saint... Le sabbat est l'occasion d'un ressourcement spirituel par lequel le peuple d'Israël se souvient de l'alliance que Dieu a conclue avec lui, pour qu'il en témoigne au milieu de toutes les nations de la terre. Le repos sabbatique est simplement l'occasion pour le juif de se libérer de tout travail pour se consacrer exclusivement à Dieu, ce Dieu qui l'a créé et qui l'a sauvé de la main de l'oppresseur égyptien. Garder le sabbat, c'est affirmer au milieu des hommes de l'alliance qui unit Israël à son Dieu. Jour de régénération spirituelle, le sabbat est aussi une journée de régénération morale, une journée où le juif se souvient du lien qui l'unit à ceux qui l'entourent. Il se consacre ainsi ce jour-là à des oeuvres sociales, comme la visite aux malades et aux infirmes... Cela ne signifie pas pour autant que le sabbat soit marqué par la tristesse, la sainteté de cette journée s'implique absolument pas un renoncement aux plaisirs légitimes de la vie. Au contraire, c'est l'occasion de fêter dans la joie, ce retour vers le Dieu créateur et sauveur.

Le sabbat commence le vendredi soir. Mais, dès avant la soirée de ce jour, les foyers juifs connaissent une agitation très particulière : toute l'ambiance familiale est à la préparation de cette fête hebdomadaire, car tout devra être prêt pour que la famille réunie puisse accueillir cette journée de repos et de fête ; de prière et de détente dans la joie et l'esprit libre de toutes les préoccupations et de tous les soucis qui font le quotidien de l'existence humaine. A la synagogue, ce vendredi soir, des psaumes et des prières accueillent la venue du sabbat, jour de lumière et de joie, jour de repos pour toute la communauté des fils d'Israël. Après s'être mutuellement souhaité un bon sabbat, "Shalom Shabbat" (un sabbat de paix), les fidèles se retrouvent chez eux pour une soirée d'étude et de réflexion sur les textes de l’Écriture sainte et sur les questions actuelles qui peuvent être agitées sans la communauté juive locale, nationale ou internationale. Le samedi matin, l'office synagogal consiste essentiellement dans la lecture solennelle de la Torah, suivie d'une lecture d'un texte prophétique et d'un commentaire fait par le rabbin, qui actualise le sens de la Parole de Dieu dans laquelle chacun doit trouver la doctrine qui les fera vivre selon les préceptes divins. La communauté locale peut se réunir, après cet office matinal, pour approfondir l'étude des textes bibliques. L'après-midi, les familles se réunissent pour goûter ensemble aux délices du sabbat... Puis, la journée s'achève par la célébration de la "séparation" ; le sabbat s'achève ainsi dans la nostalgie et dans l'attente du prochain sabbat, en signe de l'espérance de la venue du sabbat éternel.

Les grandes fêtes du calendrier juif

Le calendrier religieux juif propose un tableau des fêtes qui jalonnent l'année, en distinguant les grandes fêtes - qui sont ordonnées par la Torah - et les petites fêtes - qui sont recommandées dans d'autres livres de la Bible ou par des traditions plus récentes. Parmi les grandes fêtes, on distingue les fêtes, dites de " pèlerinages ", comme la Pâque (Pessah), la Pentecôte (Chavouoth), et la fête des Tentes (Souccoth), et les fêtes austères, comme le Nouvel An (Rosh Hashana) et le jour du grand Pardon (Yom Kippour). Les petites fêtes rappellent des événements qui ont marqué l'histoire du peuple à travers les siècles : fête de la Dédicace ou de l'inauguration du Temple (Hanoukka), la fête des sorts (Pourim), et le jour de l'indépendance de l'État d'Israël (Yom ha hatsmaouth).

Les fêtes de pèlerinages portent ce nom parce qu'à l'époque biblique, elles étaient soulignées par la montée de tout le peuple d'Israël au Temple de Jérusalem où était rendu un culte solennel à YHWH. Les adultes avaient alors l'obligation de se rendre Au Temple pour les célébrations festives qui pouvaient durer plusieurs jours. Un texte du Deutéronome justifiait cette obligation : Trois fois par an, tous les hommes iront voir la face du Seigneur ton Dieu, au lieu qu'il aura choisi pour le pèlerinage des pains sans levain, celui des semaines et celui des tentes. On n'ira pas voir la face du Seigneur les mains vides ; chacun fera une offrande de ses mains suivant la bénédiction que t'a donnée le Seigneur ton Dieu (Dt. 16, 16-17).

La principale de ces fêtes est la Pâque (Pessah) qui dure sept jours, à compter du 14 Nisan. Le terme même de Pessah veut dire passage, et la fête rappelle le passage de Dieu lui-même au milieu de son peuple, passage qui lui a permis d'être libéré de la servitude en Égypte, après la mort de tous les premiers-nés du pays d’Égypte, depuis le fils du pharaon jusqu'au bétail. Pessah est surtout le mémorial de la sortie d’Égypte et de la renaissance du peuple libéré de l'oppression. La principale observance de cette fête consiste à s'abstenir absolument du hametz, ce mot désigne toute chose comestible ou non, contenant des céréales, et qui aurait pu fermenter, d'où le nom donné également à ces jours de fêtes pascales " jours des pains sans levain ", " jours des Azymes ". Dans les jours qui précédent les débuts de la fête, il faut chasser de la maison toute trace de levain. L'élément immuable de la Pâque est le fait que l'on mange ces pains azymes, ces pains qui n'ont pas pu lever sous l'action des ferments naturels ou chimiques. C'est le pain des nomades, le pan des gens pressés, le pain de ceux qui ont réussi à fuir le pays d’Égypte. Cette chasse au levain commence surtout le 14 Nisan au soir, et elle doit être achevée le lendemain midi ; mais il est aussi probable que, très rapidement, les Juifs ont donné à cette chasse une signification spirituelle, celle de l'effort en vue de la purification morale afin de rencontrer Dieu dans la célébration de la sortie d’Égypte. La fête se déroule d'abord dans le cadre de la famille, par le Seder Pessah, selon un rituel classique qui contient tous les souvenirs de la libération d’Égypte. Le Seder Pessah commence par la bénédiction d'une première coupe de vin : Béni sois-tu, Éternel, notre Dieu, roi des siècles, toi qui nous donnes le fruit de la vigne.

C'est alors que commence la liturgie pascale proprement dite. Le plus jeune enfant interroge le père de famille sur le sens du repas rituel qui est célébré. Dans une sorte d'homélie, le père explique alors la signification de tous les éléments de la fête :

Pâque signifie passage, car le Seigneur Dieu est passé au milieu de son peuple en Égypte ; le pain est azyme, car les fils d'Israël sont partis rapidement, emportant la pâte qui n'avait pas eu le temps de lever, l'agneau rappelle l'agneau dont le sang avait protégé les maisons des fils d'Israël, au moment où l'ange exterminateur est passé pour frapper tous les premiers-nés de l’Égypte, les herbes amères rappellent l'amertume de la captivité... Dans tous les siècles, chacun de nous a le devoir de se considérer comme étant lui-même sorti de la maison d’Égypte, ainsi qu'il est écrit : Tu donneras alors cette explication à ton fils : l’Éternel a agi en ma faveur quand je suis sorti d’Égypte. Ce ne sont pas seulement nos ancêtres que l’Éternel - béni soit-il - a délivrés ; mais nous aussi, il nous a délivrés avec eux, ainsi qu'il est écrit : Et nous, il nous a fait sortir de là pour nous amener ici, pour nous donner le pays qu'il avait promis à nos pères.

Après avoir chanté la louange de Dieu dans quelques psaumes, après avoir béni une seconde coupe de vin, le père de famille ou le maître du repas inaugure ce repas par une bénédiction spéciale sur le pain : Béni sois-tu, Éternel, notre Dieu, roi des siècles, toi qui fais produire le pain à la terre. On mange alors l'agneau pascal, et l'on bénit une nouvelle coupe de vin, selon un rituel classique rappelant tous les bienfaits de Dieu en faveur de son peuple :

Béni sois-tu, Éternel, notre Dieu, roi de l'univers, qui nourris le monde dans ta bonté, ta grâce et ta miséricorde, toi qui donne la nourriture à toute chair, car tu nourris et soutiens tous les êtres, et procures à chacune des créatures sa nourriture. Béni sois-tu, Seigneur, toi qui donnes à tous leur nourriture. Nous te rendons grâce, Seigneur, notre Dieu, pour ce pays vaste et désirable, bon et vaste, qu'il t'a plu de donner à nos pères, et pour l'alliance dont tu as marqué notre chair, nous te rendons grâce pour la Torah que tu nous as donnée, pour la vie, la grâce et la miséricorde, pour la nourriture que tu nous donnes en toutes saisons. Béni soit ton Nom. Béni soit ton Nom sur nous continuellement et à jamais. Aie pitié, Seigneur, notre Dieu, de ton peuple, Israël, de ta cité sainte, Jérusalem, de Sion, la demeure de ta gloire, du royaume de la maison de David, ton oint et de la grande et sainte maison, qui a été appelée de ton Nom. Et puissent Élie et le Messie, le fils de David, venir pendant notre vie, le royaume de David retourner en son lieu, et toi-même régner sur nous, toi seul. Béni sois-tu, Éternel, notre Dieu, toi qui reconstruis Jérusalem.

Le repas du Seder s'achève dans un acte d'espérance, nous fêterons la Pâque, "l'an prochain à Jérusalem".

Sept semaines après la Pâque, le 6 du mois de Sivan, les juifs célèbrent la fête des Semaines, appelée aussi "Pentecôte" ou Chavouoth. C'est une fête d'origine agricole, qui sanctifie les prémices du sol, les plus beaux fruits de la moisson. Aux temps bibliques, on apportait au Temple les prémices du sol, et, si, dans l'État d'Israël, le sens saisonnier de la fête a repris de l'importance, c'est toujours le sens religieux qui prime dans la Diaspora. C'est la moisson spirituelle d'Israël qui est surtout célébrée, en souvenir du don de la Torah au Sinaï. La fête de Chavouoth marque l'achèvement du temps de la Pâque ; sept semaines ont séparé la sortie d’Égypte de la révélation de Dieu sur le mont Sinaï, sept semaines ont séparé la libération physique de la maison de servitude de la réelle liberté spirituelle et morale qu'offrait la Loi de Dieu... La Pentecôte signifie l'acceptation du peuple de se soumettre à l'unique volonté de l’Éternel, qui avait libéré Israël de son oppresseur. Il est de tradition pour les juifs de rester éveillés pendant toute la nuit de Chavouoth pour étudier la Torah, mais cette fête n'est pas marquée par des rites spéciaux, puisque l'événement qui est célébré s'adresse surtout au coeur de l'homme. La communauté se réunit quand même à la synagogue pour entendre la lecture des dix commandements donnés par Dieu à Moïse.

Dans l'État d'Israël, depuis le retour des juifs sur la terre ancestrale, cette fête a repris quelque peu l'aspect de la fête des moissons qu'elle avait quand le Temple était encore debout. L'offrande des prémices rejoint alors l'antique célébration recommandée par le livre du Deutéronome :

Quand tu seras arrivé dans le pays que le Seigneur ton Dieu te donne en héritage, quand tu en auras pris possession et que tu y habiteras, tu prendras une part des prémices de tous les fruits de ton sol, les fruits que tu auras tirés de ton pays, celui que le Seigneur ton Dieu te donne. Tu les mettras dans un panier, et tu te rendras au lieu que le Seigneur ton Dieu aura choisi pour y faire demeurer son Nom. Tu iras trouver le prêtre qui sera en fonction ce jour-là et tu lui diras : Je déclare aujourd'hui au Seigneur ton Dieu que je suis arrivé dans le pays que le Seigneur a juré à mes pères de nous donner. Le prêtre recevra de ta main le panier et le déposera devant l'autel du Seigneur ton Dieu. Alors, devant le Seigneur ton Dieu, tu prendras la parole : Mon père était un Araméen errant, il est descendu en Égypte où il a vécu en émigré avec le petit nombre de gens qui l'accompagnaient. Là, il était devenu une nation grande, puissante et nombreuse. Mais les Égyptiens nous ont maltraités, ils nous ont mis dans la pauvreté, ils nous ont imposé une dure servitude. Alors, nous avons crié vers le Seigneur, le Dieu de nos pères, et le Seigneur a étendu notre voix, il a vu que nous étions pauvres, malheureux, opprimés. Le Seigneur nous a fait sortir d’Égypte par sa main forte et son bras étendu, par des signes et des prodiges ; il nous a fait arriver en ce lieu, et il nous a donné ce pays, un pays ruisselant de lait et de miel. Et maintenant, voici que j'apporte les prémices des fruits du sol que tu m'as donné, Seigneur. Tu les déposeras devant le Seigneur ton Dieu, tu te prosterneras devant le Seigneur ton Dieu, et pour tout le bonheur que le seigneur ton Dieu t'a donné, à toi et à ta maison, tu seras dans la joie avec le lévite et l'émigré qui sont au milieu de toi (Dt. 26, 1-11).

La troisième grande fête du judaïsme est la fête des Tentes, Souccoth. Elle dure sept jours, à compter du 15 Tishri. Et elle rappelle l'exhortation biblique, du livre du Lévitique :

Vous habiterez sous la tente pendant sept jours ; tout indigène en Israël doit habiter sous la tente, pour que d'âge en âge, vous sachiez que j'ai fait habiter sous la tente tous les fils d'Israël, lorsque je les ai fait sortir du pays d’Égypte ; c'est moi le Seigneur, votre Dieu (Lv. 23, 42-43).

La fête de Souccoth rappelle donc les pérégrinations du peuple d'Israël dans le désert, au temps de l'exode, alors que toute la communauté faisait l'apprentissage de la soumission à la volonté de ce Dieu, qui les conduisait de la maison de servitude jusqu'à la terre de la liberté. C'est pourquoi cette fête est considérée comme la fête de la joie. Chaque fidèle quitte son domicile habituel pour vivre sous des huttes de branchages pendant la semaine, se rappelant ainsi qu'il n'est qu'un voyageur sur la terre et qu'il lui revient de s'en remettre à Dieu dans toutes les démarches de son existence. Souccoth se clôture le huitième jour par le jour de la joie de la Torah, Simat Torah, jour où l'on achève la lecture continue des textes de la Torah, avec la dernière section du livre du Deutéronome et où l'on commence le nouveau cycle des lectures par les premiers chapitres de la Genèse, afin de marquer le souci d'imprégner toute la vie des fidèles par la lecture et l'étude de la Torah.

Les "petites fêtes" du calendrier juif

Les fêtes, de moindre importance religieuse, sont dites " fêtes austères " en raison de leur caractère de gravité ; c'est tout Israël qui se trouve, en quelque sorte, confronté avec Dieu, à l'occasion de ces journées. Ces fêtes sont l'occasion d'un nouveau départ dans la vie religieuse des juifs, même des non-pratiquants, qui perçoivent en elles comme l'occasion de retrouver leur identité juive au sein de toute la communauté des fils d'Israël.

La fête du Nouvel An, Rosh Hashana, n'est pas comme le Nouvel An dans le monde occidental, un jour de joie et de fête. C'est une journée grave, consacrée au repentir. Elle a lieu le premier jour du mois de Tishri, et souligne l'anniversaire de la création du monde et particulièrement de la création de l'homme. Cet homme est invité à faire une sorte d'examen de conscience, un retour sur lui-même, afin de rendre compte à son créateur de son travail propre, qui est le prolongement de la création inaugurée par Dieu lui-même. Le judaïsme considère que, pendant toute la période qui va de Rosh Hashana jusqu'au Yom Kippour, le monde entier passe en jugement devant Dieu. Rosh Hashana est le premier des dix jours de pénitence, pour demander à Dieu son pardon. C'est le jour où Dieu fait défiler devant lui son peuple, comme le pasteur passe son troupeau en revue, la sonnerie du Shoffar, de la corne de bélier, veut réveiller les consciences endormies, en leur rappelant le sacrifice d'Abraham, qui n'hésita pas à offrir son fils unique sur le mont Moriah. C'est ce modèle de soumission à la volonté divine qui est proposé à la méditation de tous les fidèles pendant les dix jours qui suivent et qui mènent au jour du Pardon, Yom Kippour, pendant lequel l'homme quitte sa condition d'homme et le monde matériel pour vivre uniquement dans l'humilité, la prière et l'étude ; c'est la journée de Dieu qui permet à l'homme de se réconcilier avec lui. Dans la tradition, Yom Kippour se présente comme le sabbat par excellence, le sabbat des sabbats, un jour pendant lequel on s'abstient de tout travail, mais aussi de toute nourriture : le fidèle ne mange pas, ne boit pas, ne fume pas... il lui est même interdit d'avoir des relations sexuelles. Ce jeûne rigoureux lui permet de se livrer totalement à la disposition de Dieu et de confesser devant lui sa condition de pécheur. Pendant une journée complète, le peuple juif, dispersé sous toutes les latitudes, se retire complètement de la vie du monde, pour apprendre à le parfaire et à travailler à le rendre conforme à la volonté divine. Quand la fête de Kippour est achevée, la vie peut reprendre ses droits, comblée de nouvelles bénédictions de Dieu.

Trois autres fêtes marquent le souvenir d'événements historiques, qui ne figurent pas dans les textes de la Torah. La fête de la Dédicace, Hanoukka, commence le 25 Kislev pour s'achever le 2 Tebet. On l'appelle également la fête des Lumières, parce que, pendant les huit jours de cette fête, on allume successivement les lampes d'un chandelier à huit branches. Cette fête commémore la victoire obtenue par les fidèles de Juda Maccabée sur les oppresseurs grecs et syriens du peuple juif. Les Maccabées réussirent à chasser les armées supérieures en nombre de Jérusalem et à restaurer le culte divin dans le Temple qui avait été profané par des idoles païennes. Il reconsacra le Temple au culte du Dieu d'Israël le 25 Kislev, 165 années avant Jésus-Christ. La fête des sorts, Pourim, célébrée le 13 ou le 14 du mois d'Ader, rappelle la victoire de Mardochée et d'Esther sur le premier ministre Aman de l'empire perse ; les Juifs furent délivrés de l’Édit de persécution qui s'abattait sur eux. Aussi cette fête est-elle toute faite de joie et de gaieté, se traduisant même dans l'État d'Israël par un carnaval. En revanche, la fête de Ticha Béav, le 9 du mois d'Ab, est une célébration de deuil national, c'est le jour le plus triste de tout le calendrier juif pendant lequel on commémore les événements les plus sombres de toute l'histoire d'Israël, et en particulier, l'anniversaire de la destruction des deux Temples de Jérusalem. Le jeûne y est alors aussi sévère que pour la fête de Kippour...

Une dernière fête doit encore être mentionnée, même si elle ne s'inscrit pas dans le cadre même du calendrier religieux. C'est le jour de l'indépendance, Yom Hahatsmaouth, qui se célèbre le 5 du mois d'Iyyar. L'attachement à la terre d'Israël a toujours marqué l'âme juive, surtout depuis la destruction du Temple en 70, cet amour de la terre, et particulièrement de Sion, la sainte montagne de la résidence de Dieu parmi son peuple, se traduisent notamment dans les rites du Seder Pessah : "l'an prochain à Jérusalem". En mai 1948, près de dix-neuf siècles après leur expulsion d'Israël, les juifs pouvaient revenir sur la terre de leurs ancêtres, après la déclaration Balfour ; un état juif indépendant était créé sur la terre qui avait été promise par Dieu à Abraham et à sa descendance. Depuis lors, des millions de juifs sont revenus s'installer définitivement en Israël. Cette renaissance de la terre ancestrale est perçue comme un signe de la miséricorde et de l'amour de Dieu pour son peuple, comme un véritable miracle des temps modernes. Les rabbins ont donc décidé de célébrer cet événement en instituant une fête, à la fois nationale et religieuse, que tous les juifs, pratiquants ou non, peuvent célébrer dans la joie de posséder à nouveau la terre promise, cette terre d'où peut sortir la Torah et la parole de Dieu. La résurrection nationale d'Israël a été interprétée comme un des premiers signes du messianisme juif ; le rassemblement sur la même terre de tous les exilés est le commencement de la réalisation du royaume messianique attendu depuis l'époque des prophètes. L'espérance juive, après des siècles d'humiliation du peuple, trouve une expression positive dans ce nationalisme juif qui est le moyen privilégié pour le maintien du judaïsme et pour le témoignage que le peuple des fils d'Israël doit porter aux nations, dans la bénédiction du Dieu qui accorde à l'homme d'être uni, par une alliance éternelle, à sa majesté : Béni sois-tu, Éternel, notre Dieu, roi du monde, toi qui as accordé une part de ta majesté à cet être de chair et de sang qu'est l'homme.