Le Christ au palais de l'ONU

 

 

Poussé par la foule lasse et excédée,

le Christ arriva au palais de l'ONU.

Il avait le visage blême du chômeur,

le pas incertain du réfugié,

les épaules voûtées du mineur,

l'oeil triste du Palestinien,

les mains inertes du Sibérien,

le coeur avide d'un jeune.

Il n'était recommandé par personne.

Les larmes des humbles seules le faisaient avancer.

La justice pour les faibles était sa seule force.
Il frappa à la porte,

mais, pour lui, c'était le "veto".

Les hommes n'étaient pas libres.
Au seuil du monde civilisé, il trouva la barbarie.

Il lut les Droits de l'homme

et fut saisi de compassion.

L'homme a le droit à la vie,

mais un enfant assassiné lui dit que ce n'était par vrai.

L'homme a droit à l'instruction

mais un Indien lui dit que c'était pure plaisanterie.

L'homme a droit au travail,

mais un Africain du Sud lui dit que depuis vingt cinq ans

c'est le contraire qui est vrai.

L'homme a droit à la paix,

mais une veuve de guerre lui dit que personne ne pensait à elle.

L'homme a droit à la famille,

mais un enfants d'orphelinat lui demanda ce que signifiait ces mots.

L'homme a droit à la liberté,

mais un Argentin se mit à pleurer.

Et le Christ redescendit les marches du palais de verre.

Quand la foule lui demanda le résultat de sa visite,

le Christ étendit les bras :

il était alors crucifié, comme le Vendredi Saint.

Alors la foule se dispersa. Il pleuvait.

Et le Christ demeura sous la pluie comme tant d'autres.

Personne ne s'arrêta. Personne ne l'invita à monter en voiture. 

d'après Pier Luigi Torresin, Christo ancore un croce.